Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie. Berthier Louis-Alexandre
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Название: Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie

Автор: Berthier Louis-Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39325

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СКАЧАТЬ fakir (pauvre) et de distributeurs des aumônes, ils jouissent de revenus considérables, affectés à l'entretien des mosquées et aux fondations pieuses. Ces revenus sont ceux de villages et de terres qui ont été successivement donnés aux fondations religieuses, par les souverains de l'Égypte et les particuliers; ils proviennent aussi de certains droits sur les consommations, etc., etc. Une autre cause a contribué à augmenter ces revenus. Les propriétaires craignant qu'après leur mort le gouvernement ne s'emparât de leurs possessions, et voulant les assurer à leurs enfans, en font hommage à des mosquées, sous la réserve de rentes qui doivent être payées à leur postérité: on nomme ces fondations risaks.

      Les cheiks ont une grande influence morale sur le peuple. Les gouvernans les plus despotiques se sont toujours crus obligés de les respecter. Mahomet imprima dans l'esprit de ses disciples l'opinion que le Koran contenait tous les préceptes religieux et sociaux; les interprètes et les commentateurs de ce livre, devenus chefs de secte, l'ont transmise à leurs successeurs, et les mêmes études portent simultanément aux places de jurisprudence et religieuses; les mêmes individus passent de l'une à l'autre sans difficulté, quelquefois même les exercent ensemble; elles donnent toutes deux le titre d'uléma.

      Lorsque les Turcs firent la conquête de l'Égypte et en organisèrent le gouvernement, ils ne voulurent pas laisser aux Égyptiens les emplois de judicature; la Porte nommait chaque année au Caire un grand-kadi, et des kadis secondaires qui en dépendaient dans chaque province: ces emplois s'achetaient à Constantinople. Bonaparte rendit aux Égyptiens le droit de se juger; les grands cheiks lui proposèrent des candidats; pour supprimer la vénalité de la justice, il défendit les présens et fixa les émolumens des juges.

      Il existe au Caire deux familles qui jouissent de la considération attachée aux descendans directs du Prophète, dont les chefs occupent des places héréditaires, auxquels sont alloués de grands revenus. Le cheik El-Bekry, descendant d'Aboubekr, est cheik des cheiks de la religion; et le cheik Saadat, qui compte dans ses ancêtres Ali, gendre, et Fathmah, fille de Mahomet, ainsi que les califes Fathmites, est chef de la mosquée d'Hassan, fils d'Ali.

      Beaucoup de familles de chérifs, ou descendans éloignés de Mahomet, qui sont originaires des villes de l'Hedjas et de l'Yemen, et qui y conservent des relations, forment aussi une classe un peu distinguée du reste des habitans; elles s'adonnent au commerce ou à la culture. Plusieurs villages sont entièrement habités par quelques unes d'elles, principalement ceux dont les revenus sont affectés à des fondations pieuses; elles jouissent d'une certaine considération, et sont moins dégradées que les autres fellâhs. On ne doit pas confondre ces chérifs avec ceux qui, par des alliances plus ou moins anciennes, ont acquis le droit d'en prendre le titre et de porter le turban vert.

      La classe des propriétaires vivant dans les villes du produit de leurs villages, est composée particulièrement des descendans15 des officiers turcs qui conquirent l'Égypte sous Sélim II, et des mameloucks qui partagèrent avec eux le gouvernement. Ces officiers avaient obtenu la concession d'une grande partie des villages; ils recevaient la plus forte portion de leurs revenus, comme appointemens, et pour l'entretien des soldats qu'ils devaient toujours être prêts à conduire à la défense de l'État. Ils tenaient ces villages sous des conditions analogues aux Tuiariots du reste de la Turquie et à la suzeraineté des temps féodaux; ils étaient aussi chargés de la perception des droits réservés par le grand-seigneur, qu'on regardait comme seul propriétaire des terres, et qui pouvait en disposer après la mort de celui qui en avait la jouissance. Ses héritiers demandaient ou plutôt achetaient du pacha de nouveaux titres de propriété. La corruption du gouvernement rendit les héritages plus faciles; les femmes obtinrent des villages de leurs maris, et purent les transmettre à leurs enfans et à leurs esclaves.

      Ces propriétaires composaient les différens corps de milice, les Ingcharichs ou janissaires, les Odjaklis, les Assabs, etc., chargés de la défense de l'Égypte. Nous ne rappellerons pas que les chefs de ces milices, divisés par l'ambition, se sont entourés d'esclaves dont ils ne suspectaient pas la fidélité. Nous n'examinerons pas l'influence que les usages sur l'adoption des esclaves ont eue dans toutes les affaires politiques; comment la race turque a diminué, tandis que les mameloucks croissaient en nombre et en puissance: comment les mameloucks, surtout depuis Ali-Bey, se sont successivement emparés, par la terreur et par des alliances, de la plus grande partie des villages: ces considérations sont du ressort de l'histoire. À l'arrivée des Français, la classe des anciens propriétaires était réduite à un petit nombre d'hommes écrasés par les mameloucks, au point d'être obligés de recourir à la protection de quelques beys et même des cheiks arabes, pour obtenir de leurs fellâhs le paiement des revenus qui leur restaient sur des portions de village. S'estimant d'une classe supérieure à celle des artisans et des commerçans, ils végétaient dans les villes, et les mameloucks leur confiaient rarement des emplois subalternes.

      Les mameloucks, dont l'organisation et la composition diffèrent totalement des institutions de l'Europe, ont été parfaitement peints par Volney, ainsi qu'une partie de leurs révolutions; je n'en donnerai qu'une idée générale.

      C'est un phénomène très singulier que de voir à côté des Arabes, très attachés à la distinction des rangs transmise par leurs ancêtres, une classe nombreuse qui n'estime que l'homme acheté, dont les parens sont inconnus, et qui, de l'esclavage, s'est élevée aux premières dignités16. Cette opinion est aussi générale dans toute la Turquie, même à Constantinople, au centre du gouvernement qui a pour principe de conserver la race d'Osman, et où il existe des familles très anciennes et considérées. Cette opinion est-elle un hommage aux talens que l'homme parti du point le plus bas, a dû montrer pour parvenir? Tient-elle à ce caractère belliqueux qui fait préférer un jeune homme élevé pour la guerre loin de ses parens? Dans un gouvernement tout militaire, les chefs ont-ils pensé que des esclaves qui tiennent tout d'eux, qui n'ont aucune famille, et qui les regardent comme leur père, doivent être plus attachés à leurs personnes et moins dangereux dans les emplois de confiance, que ceux qui, ayant la facilité d'appuyer leur autorité de celle de leur famille, pourraient se former des partis et se rendre indépendans?

      Dans un gouvernement militaire et féodal, cet usage de former des esclaves que l'on destine aux premiers emplois, pouvait seul parer aux dangers de l'agrandissement des familles principales. Lorsque l'Europe gémissait sous le régime féodal, les possesseurs de grands fiefs disputaient l'autorité entre eux, ainsi qu'aux rois et empereurs; l'anarchie des États était complète. C'est peut-être cette politique qui a prolongé l'existence des descendans d'Osman; quelques esclaves élevés à des pachalics ont visé à l'indépendance, mais ils ont eu rarement une postérité qui pût suivre leur exemple, et après leur mort tout rentrait dans le devoir. Aucune grande famille n'a pu s'élever assez pour disputer le gouvernement à la famille régnante, ni faire une scission dans l'empire: l'Égypte est la seule province que l'éloignement et l'organisation de son gouvernement aient disposée à former une exception. Le gouvernement ottoman a été plus sage à Constantinople que les chefs de l'Égypte: les janissaires ont souvent déposé des sultans, mais aucun de leurs chefs n'a pu se rendre indépendant; et, par principe, on a toujours écrasé ou appauvri les grandes familles qui auraient pu profiter de leur influence. Le gouvernement a sans cesse évité le danger d'avoir auprès de lui un corps armé toujours avide de pouvoir, disposé à s'en emparer, et qui pouvait servir d'instrument a des ambitieux.

      Des mameloucks, que les califes fathmites avaient achetés pour former leur garde, finirent par s'emparer du gouvernement: les chefs transmirent leur puissance à leurs descendans, mais ceux de Salah-ed-din s'amollirent, augmentèrent, comme les califes, le nombre et la puissance de leurs mameloucks, et furent également supplantés. Les mameloucks n'eurent plus alors de chefs héréditaires: la force ou le choix décida de celui qui prendrait le commandement; sa mort amenait de nouvelles querelles, et les partis s'accordaient pour un même choix, ou se partageaient l'Égypte.

      Sélim II saisit, СКАЧАТЬ



<p>15</p>

Sous la dénomination de descendans, on doit comprendre non seulement la postérité directe, mais aussi les mameloucks esclaves qui ont des droits dans la succession.

<p>16</p>

J'ai entendu des officiers turcs, ainsi que des mameloucks, me dire, en parlant de personnages qui occupaient de grands emplois: C'est un homme de bonne race; il a été acheté. Le grand-visir actuel et le capitan-pacha ont commencé par être achetés esclaves; et ce préjugé est tellement enraciné, que les enfans de ce même individu n'ont pas le même degré de noblesse que leurs père et mère, qui ont été achetés.