Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie. Berthier Louis-Alexandre
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie - Berthier Louis-Alexandre страница 19

Название: Mémoires du comte Reynier … Campagne d'Égypte, deuxième partie

Автор: Berthier Louis-Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/39325

isbn:

СКАЧАТЬ cheiks du village de Beisous, appelés pour une querelle qui s'était renouvelée par le non-paiement du rachat du sang, me dirent que, peu accoutumés à ce genre d'affaires, ils avaient été consulter les cheiks de Sériakous, qui avaient l'habitude de payer 400 pataques (environ 1200 livres) pour chaque assassinat.

12

La population d'Alexandrie diffère de celle des autres villes: les habitans, occupés de leur commerce et de quelque métier, sont un assemblage d'hommes des différentes parties des côtes de la Méditerranée, particulièrement de celles de la Turquie; ayant plus de communication par terre avec Constantinople, ils sont plus soumis au grand-seigneur que les autres Égyptiens, et bravent souvent l'autorité des mameloucks.

13

Il y a au Caire un cheik des voleurs, qui retrouve ordinairement les objets volés lorsque les agas lui ordonnent de les faire restituer.

Les Arabes regardent le vol de jour comme noble: il est pour eux une image de la guerre; mais ils méprisent le voleur de nuit. Il existe cependant quelques familles arabes qui ne partagent pas cette opinion, et qui exercent ce métier, depuis plusieurs générations, avec la plus grande adresse. Je citerai celle des Ora-Ora, dans la province de Charkiëh. La terreur des châtimens et la menace faite à d'autres Arabes de les punir, si ces vols ne cessaient pas, les suspendaient quelque temps; mais, à la première occasion, ils recommençaient. Un cheik arabe dont ils dépendaient, et qui me livrait quelquefois les coupables, me disait que les punitions étaient inutiles; qu'habitués au vol, par principe et par éducation, on ne pouvait les corriger qu'en détruisant toute la famille. Il en existe de semblables dans la Haute-Égypte.

14

On voit beaucoup d'hommes des dernières classes parvenus aux premiers emplois religieux. À l'arrivée des Français en Égypte, le cheik de la principale mosquée du Caire, celle d'El-Azahr, était Abdallah-Cherkaoui, fils d'un Arabe, cultivateur dans un petit village de la Charkiëh; il a présidé le divan formé par Bonaparte. D'autres cheiks sont fils de fellâhs. L'un des plus marquans par son esprit, le cheik El-Mohdi, qui fut secrétaire du divan, est fils d'un menuisier, cophte, pris dans son enfance par un cheik, qui l'a fait musulman; il est parvenu, encore jeune, à être le chef d'une des premières mosquées du Caire.

15

Sous la dénomination de descendans, on doit comprendre non seulement la postérité directe, mais aussi les mameloucks esclaves qui ont des droits dans la succession.

16

J'ai entendu des officiers turcs, ainsi que des mameloucks, me dire, en parlant de personnages qui occupaient de grands emplois: C'est un homme de bonne race; il a été acheté. Le grand-visir actuel et le capitan-pacha ont commencé par être achetés esclaves; et ce préjugé est tellement enraciné, que les enfans de ce même individu n'ont pas le même degré de noblesse que leurs père et mère, qui ont été achetés.

17

Je ne parle pas de la postérité des mameloucks, et cela doit surprendre. On serait porté à penser que les chefs devraient naturellement chercher à transmettre l'autorité à leurs enfans; mais cela n'est point chez les mameloucks: leurs fils ne remplissent presque jamais de rôle important; ceux même que la faveur de leur père a fait parvenir ne sont pas estimés. Deux causes morales entraînent l'extinction prématurée de leur race: d'abord, l'opinion de la préférence à donner aux esclaves sur l'homme de famille; ensuite, le mépris qu'inspire en général aux mameloucks l'habitant oisif des villes, élevé dans le harem par les femmes. Les mameloucks ne regardent pas leur fils comme leur successeur, comme l'appui de leur vieillesse; la naissance de celui-ci n'est pas un motif d'attachement pour la mère; et les femmes, jalouses de conserver leurs charmes, suivent l'usage, très commun en Orient, de se faire avorter. On doit peut-être attribuer aussi cette extinction de la postérité des mameloucks au climat d'Égypte, qui repousse la reproduction des races étrangères. Les observations des médecins, particulièrement celles du citoyen Desgenettes, sur la naissance et la mortalité des différens âges, peuvent jeter un grand jour sur cette question.

18

Ces esclaves sont de divers pays; il en est de Russes, d'Allemands, pris à la guerre; mais les plus nombreux et les plus estimés sont Géorgiens, Circassiens et des autres parties du Caucase: ces derniers parviennent plus souvent que les autres aux premiers emplois. Cette domination d'hommes originaires du Caucase sur l'Égypte est digne de remarque. En remontant aux premiers temps historiques, on la voit conquise par Cambyse, et gouvernée par des Persans sortis de ces montagnes. Les mameloucks y régnèrent après les califes. Ils furent remplacés par des Turcs, également originaires du Caucase: aucun monument historique ne prouve que la conquête de Cambyse n'a pas été précédée de quelque autre émigration des habitans de ces montagnes; des traditions parlent à la vérité des conquêtes faites par Sésostris: mais d'après la répugnance que les Égyptiens ont montrée constamment à quitter les rives du Nil, peut-on penser que ce fut avec des émigrations sorties de l'Égypte que Sésostris fit ces conquêtes, tandis que, depuis les temps historiques, on voit au contraire la population du Caucase fournir des soldats à l'Égypte? Cette observation ne préjuge rien sur une question long-temps discutée, celle de l'origine du peuple égyptien et de son antiquité, ainsi que de l'influence qu'il eut dès les temps les plus reculés, comme berceau des arts et des sciences, sur la civilisation et l'instruction des autres peuples. Il peut avoir reçu des soldats du Caucase sans être originaire de l'Asie. Une classe supérieure, chargée de l'administration, du gouvernement et de la religion du pays, peut avoir été instruite dans les sciences (et l'avoir été exclusivement au reste du peuple), sans en avoir reçu les principes d'aucune nation étrangère. Quelques sages ont pu sortir de l'Égypte, instruire d'autres peuples, les civiliser, et, en les gouvernant, diriger leurs conquêtes, sans que ces colonies et ces conquêtes aient été faites par des émigrations considérables de ce pays.

Si les ruines magnifiques des temples de la Haute-Égypte sont des monumens d'habileté dans les arts et d'instruction dans les sciences, n'en sont-ils pas aussi de l'esclavage et de la superstition de la classe inférieure du peuple? Des zodiaques sculptés sur quelques uns de ces temples, et par le moyen desquels on a déterminé le siècle de leur construction; l'observation que les plus anciens sont les plus rapprochés des cataractes et des sources du Nil, et que les figures peintes et sculptées sur ces monumens ont le caractère africain, sont des faits dont on pourrait conclure que la population de l'Égypte, ou plutôt la classe qui y a porté la civilisation et les arts, est venue de l'intérieur de l'Afrique, en descendant le Nil.

19

Il faut remarquer que, dans toutes ces révolutions, les biens et la personne des femmes de mameloucks et de beys proscrits étaient toujours respectés: elles continuaient de vivre tranquilles au Caire, y touchaient leurs revenus et envoyaient des secours à leurs maris. C'est pour cette raison que les beys donnaient ordinairement à leurs femmes des villages et des propriétés considérables.

20

L'organisation des armées turques, composées de milices nombreuses, lorsqu'on les rassemble pour une expédition, mais qui se dispersent aussitôt qu'il n'y a plus qu'à conserver, contribue à rendre le pouvoir des pachas très faible et surtout passager. La Porte se réveille quelquefois et songe à rétablir son autorité; elle envoie des armées qui y réussissent; mais aussitôt que le pacha a repris tous ses droits, les soldats retournent chez eux. Réduit alors à ceux qu'il doit entretenir de ses revenus, et que, par avarice, il borne à un très petit nombre, il retombe dans l'avilissement; et les mameloucks, qui s'étaient éloignés pendant la présence de l'armée turque, reviennent envahir de nouveau toute l'autorité. Il y en a plusieurs exemples, notamment après l'expédition que le capitan-pacha fit, en 1788, contre Ibrahim et Mourâd-Bey, en s'appuyant du crédit et des mameloucks d'Ismaïn-Bey.

21

La différence entre ces deux époques était bien appréciée par tous les individus de l'armée. Lors du traité d'El-A'rych, elle ne recevait de la France que des nouvelles affligeantes: les armées étaient battues, les frontières entamées. Les déclamations que le Directoire autorisait contre l'expédition d'Égypte faisaient regarder l'armée comme en exil. Ignorant encore le sort de Bonaparte et l'heureuse révolution qui rendit à la France son énergie et sa gloire, elle brûlait de porter ses armes victorieuses dans sa patrie. Kléber avait continué des négociations, afin d'éclairer les Turcs sur leurs véritables intérêts, de retarde СКАЧАТЬ