Récits d'une tante (Vol. 3 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 3 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32349

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СКАЧАТЬ la duchesse d'Angoulême fit les honneurs avec un empressement et une gracieuseté que je ne lui avais jamais vus. Elle était polie, accorte, couverte de diamants, noblement mise et avait bien l'air d'une grande princesse.

      En revanche, sa belle-sœur avait celui d'une maussade pensionnaire. Elle ne faisait politesse à personne, ne s'occupait que de sauter et courait sans cesse après monsieur le duc de Berry pour qu'il lui nommât des danseurs. Il ne voulait pas qu'elle valsât, et elle prenait une mine boudeuse toutes les fois que les orchestres jouaient une valse. Il est difficile d'être moins à son avantage et plus complètement une sotte petite fille que madame la duchesse de Berry ce jour-là. Il n'approchait que trop celui où elle devait montrer une distinction de caractère que personne ne lui supposait.

      Je me rappelle pourtant avoir entendu raconter à monsieur le duc de Berry que, se trouvant un jour avec elle dans une voiture dont les chevaux s'emportaient, elle avait continué à parler sans que le son de sa voix s'altérât, qu'il avait fini par lui dire:

      «Mais, Caroline, tu ne vois donc pas?

      – Si fait, je vois; mais, comme je ne puis arrêter les chevaux, il est inutile de s'en occuper.»

      La voiture versa sans que personne fût blessé. Madame la duchesse de Berry est une des créatures les plus courageuses que Dieu ait formée.

      L'étiquette ne permettait pas de quitter le bal avant les princes. J'étais exténuée de fatigue lorsque je rencontrai monsieur le duc de Berry après le souper. Il me parut de très bonne humeur et enchanté de l'effet de son bal.

      «Vous n'en pouvez plus, me dit-il, allez-vous-en.»

      Je fis quelques difficultés.

      «Allez, allez, c'est moi qui vous chasse. Bonsoir, ma vieille Adèle.»

      C'était son terme d'amitié envers moi. Voilà les derniers mots que je lui ai entendu prononcer. La poignée de main qui les accompagna fut aussi la dernière que j'aie reçue de lui. Je ne reviens pas sur ces moments sans émotion. Avec de grands défauts, il avait des qualités très attachantes et, dans sa poitrine de prince, battait un cœur d'homme généreux.

      Le samedi suivant, qui précédait le dimanche gras 13 février 1820, il y eut un bal costumé chez monsieur Greffulhe, riche banquier qui avait épousé mademoiselle du Luc de Vintimille et qu'on avait créé pair de France. La fête était très belle; tout ce qu'il y avait de meilleure et de plus élégante compagnie à Paris s'y réunit.

      Monsieur le duc et madame la duchesse de Berry l'honorèrent de leur présence. La princesse ne dansa pas; mais, comme elle était vêtue en reine du moyen âge, avec un voile flottant et en velours chamarré de broderies d'or, on ne le remarqua pas.

      On donnait, en ce temps, au théâtre de la porte Saint-Martin, une parodie de l'opéra des Danaïdes où l'acteur Potier, après avoir distribué de ces couteaux, dits eustaches, à ses filles pour tuer leur mari, ajoutait: «Allez, mes petits agneaux». Ce mot, dit par Potier d'une façon inimitable, avait fait la fortune de la pièce, et tout Paris le connaissait.

      Le duc de Fitzjames avait adopté le costume de Potier et, les poches pleines de couteaux, en donnait à toutes les jeunes femmes en y ajoutant quelques phrases appropriées à leur situation personnelle. Il s'adressa particulièrement à madame la duchesse de Berry; ce fut sujet d'une longue plaisanterie sur l'endroit du cœur qu'il fallait frapper, et je vis madame la duchesse de Berry partir tenant encore ce couteau à la main. Hélas! vingt-quatre heures ne s'étaient pas écoulées qu'un couteau plus formidable était enfoncé dans ce cœur qu'on lui conseillait de toucher.

      Édouard de Fitzjames s'est souvent reproché ce badinage, bien innocent assurément, mais dont je conçois que le souvenir lui fut pénible.

      Pendant tout le temps que le prince était resté au bal, monsieur Greffulhe ne l'avait pas quitté d'un instant. Il paraissait inquiet et préoccupé. Dès qu'il eut remis ses illustres hôtes dans leur voiture et qu'elle fut sortie de sa cour, il sembla débarrassé d'un pesant fardeau.

      J'appris qu'il avait reçu de nombreux avertissements qu'on chercherait à profiter des facilités que donnait le masque pour assassiner monsieur le duc de Berry; mais, hormis le maître de la maison, personne ne faisait état de ces menaces anonymes. Tout le monde était fort gai, fort entrain; les plaisirs de tout genre se succédaient.

      La coterie, à laquelle j'appartenais, se réunit le lendemain dimanche chez madame de La Briche. On y avait préparé une mascarade qui représentait un baptême de village. Un grand monsieur de Poreth, de six pieds de haut, en était le maillot; il portait sa nourrice. Tout était conçu dans cet esprit, et cette parade bouffonne ne manquait pas de gaieté.

      On était fort en train de s'amuser, quoiqu'un des personnages de la farce, l'amphitryon de la veille, monsieur Greffulhe, eût été retenu chez lui par une indisposition dont, par parenthèse, il mourut cinq jours après.

      Les éclats de joie étaient en pleine possession du salon, lorsqu'Alexandre de Boisgelin y entra. Il s'assit à côté de madame de Mortefontaine, près de la porte, et lui parla à voix basse. J'allais sortir, ils m'appelèrent.

      Alexandre arrivait de l'Opéra. Il savait monsieur le duc de Berry atteint. Il avait vu l'assassin; il avait vu le sanglant couteau. Cependant il ignorait encore le danger de la blessure. Il croyait le blessé transportable, avait été donner des ordres à l'Élysée et retournait l'y attendre. Il nous imposa le silence, en promettant de revenir aussitôt que le Prince serait arrivé chez lui.

      Nous restâmes, madame de Mortefontaine et moi, assises l'une près de l'autre et osant à peine nous regarder dans la peur d'éclater. Mais bientôt de nouveaux avertissements parvinrent dans ce salon où les plaisirs régnaient encore. Je n'oublierai jamais son aspect. Les groupes éloignés de la porte étaient livrés à la gaieté et aux rires, tandis que ceux plus rapprochés recevaient successivement la sinistre nouvelle et que la consternation gagnait de place en place, mais pourtant assez lentement. Personne ne voulant s'en faire le héraut, elle circulait tout bas de proche en proche.

      Les hommes, qui pouvaient se débarrasser des costumes dont ils étaient affublés, se précipitaient dans les rues pour aller aux informations. Ceux qui avaient des devoirs à remplir couraient chez eux pour prendre leur uniforme. Bientôt nous nous trouvâmes entre femmes.

      Il ne resta que monsieur de Mun, qui, vêtu en dame du château, lacé, colleretté, falbalassé, emplumé, ne pouvait se déshabiller. Il resta dans ce costume, toute la nuit au milieu des allants et des venants, des aides de camp, des valets, des ordonnances, car les messagers de toutes sortes ne nous manquaient pas, sans que personne, ni lui, ni nous, ni les survenants ne pensassent à le remarquer, tant le trouble était grand. Ce n'est que par la réflexion que nous nous en sommes souvenues.

      Nous apprîmes que, loin que monsieur le duc de Berry fût venu à l'Élysée, madame de Gontaut avait reçu ordre de porter la petite Mademoiselle à l'Opéra et les femmes de madame la duchesse de Berry de l'y aller joindre. Enfin, à quatre heures du matin, on vint nous dire, du poste de l'Élysée, que les nouvelles étaient meilleures, que le prince avait été pansé, qu'il était calme et qu'on allait le transporter, couché sur des matelas. Chacun se sépara, la terreur dans le cœur. Dès sept heures, nous étions en campagne, mais c'était pour apprendre la fin de cette cruelle tragédie.

      Les récits qui m'en ont été faits sont de la plus scrupuleuse exactitude. Ils me sont revenus par trop de bouches pour que j'en puisse douter un instant.

      La mort de monsieur le duc de Berry a été celle d'un héros, et d'un héros chrétien. Il s'est СКАЧАТЬ