Récits d'une tante (Vol. 3 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 3 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32349

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Je crois que cette affaire est le début de madame la duchesse de Berry dans la carrière de l'intrigue. Il promettait; elle ne lui a pas manqué de parole.

      Depuis la mort de monsieur le duc de Berry, madame la duchesse de Berry était établie aux Tuileries, dans l'appartement que le prince y avait conservé et où il avait l'habitude de tenir sa cour les jours de réception. Madame la duchesse de Berry s'est souvent repentie de n'avoir pas continué, dès le premier moment de son veuvage, l'indépendance d'un établissement séparé, car elle n'a plus obtenu la permission d'habiter l'Élysée.

      Il fallait un véritable courage à la commission chargée de l'instruction du procès de Louvel et surtout à son rapporteur, le comte de Bastard, pour s'affranchir des influences dont on cherchait à les entourer. Le chancelier Dambray, pitoyable ministre, mauvais président de la Chambre des pairs, se trouvait mieux placé lorsqu'il la dirigeait comme cour et se montrait magistrat intègre et impartial.

      Il soutint les conclusions du rapporteur qui montraient Louvel comme un fanatique atrabilaire et isolé, n'ayant communiqué avec personne depuis dix-huit mois qu'il nourrissait son affreux projet, tout en faisant la part aux doctrines révolutionnaires que la presse et les jacobins ne cessaient de propager.

      Les ultras de la Cour, de la ville et surtout de la province furent loin de se tenir pour satisfaits de ces résultats de l'enquête, et chacun avait une preuve incontestable à rapporter de la complicité de quelque voisin.

      Les débats n'apportèrent aucune révélation; la condamnation et l'exécution eurent lieu sans aucun obstacle. Louvel fut mené en place de Grève à trois heures de l'après-midi, escorté de l'exécration du peuple et sans exciter de trouble, quoique les esprits fussent mis en fermentation par la discussion de la nouvelle loi d'élection et qu'il y eût eu les jours précédents des rassemblements assez tumultueux pour devoir être réprimés par la force armée; mais ces groupes, formés principalement d'officiers à demi-solde et de jeunes étudiants excités par les députés libéraux, n'auraient pas voulu se déclarer en faveur d'un assassin.

      Le gouvernement déploya la force nécessaire, sans rigueurs inutiles. Quelques coups de plat de sabre et de poitrails de chevaux suffirent. La sentinelle qui avait tiré sur le jeune Lallemant, étudiant en droit, fut mise en jugement. On acheva de discuter la loi. Les ministres Pasquier et de Serre emportèrent, un à un, les arguments avec autant de talent que d'habileté et la tranquillité se rétablit pour le moment.

      Toutefois, le parti révolutionnaire s'était renforcé du parti militaire, gens d'action, arrêtés subitement dans une carrière de vanité et d'ambition, froissés et irrités dans tous leurs sentiments par la Restauration et animés contre elle d'une haine vindicative.

      Ces dispositions avaient été réprimées pendant l'occupation étrangère, mais, depuis l'émancipation, il s'ourdissait partout des trames. C'était un danger inhérent à l'évacuation du territoire qu'il fallait prévoir et affronter.

      Malgré le jugement de la Cour des pairs, madame la duchesse de Berry fit élever à Rosny un tombeau renfermant le cœur de son malheureux époux sur lequel elle fit inscrire: «Tombé sous les coups des factieux». Cela choqua le pays qui avait pris une part si généreuse à sa douleur.

      Monsieur de Chateaubriand publia une histoire sur monsieur le duc de Berry où il représenta le crime comme celui de la France. Ces deux monuments élevés à sa mémoire indisposèrent contre elle.

      Monsieur de Chateaubriand était profondément blessé de n'avoir pas été appelé à faire partie du nouveau ministère. Louis XVIII n'était rien moins que disposé à le nommer, et monsieur de Richelieu n'en voulait pas davantage pour collègue. Mais, comme il avait était fort avant dans toutes les intrigues du pavillon de Marsan, quoique Monsieur n'eût aucun goût pour lui, on obtint que le Roi payât les dettes qu'il a toujours en permanence, et il fut envoyé ministre en Prusse. Il ne resta guère à Berlin. Il avait déjà été nommé à Stockholm où il n'avait jamais voulu se rendre.

      Je m'étais assez bien trouvée des eaux d'Aix, l'année précédente, pour avoir le désir d'y retourner. Je souhaitais d'ailleurs assister à l'inauguration d'un bel établissement que monsieur de Boigne fondait à Chambéry. C'est la maison de refuge de Saint-Benoît, destinée à recevoir quarante personnes, parmi la classe moyenne de la société, ayant dépassé l'âge de soixante ans et se trouvant sans ressource, des ecclésiastiques, de vieux militaires, d'anciens employés, etc.; des veuves ou des vieilles filles, ayant perdu leurs maris ou leurs parents, sans conserver de fortune.

      Monsieur de Boigne avait doté cette maison d'un assez gros revenu et s'était complu à l'établir avec tous les soins qui devaient assurer à ses futurs habitants une existence aussi douce que paisible.

      Je m'identifiai fort à cette noble pensée et je fis, avec satisfaction, les honneurs du premier repas donné aux réfugiés (c'est le nom qu'on assigna aux habitants de la maison Saint-Benoît) et aux autorités du pays invitées à cette occasion. Je passai la journée, et presque la totalité du lendemain, avec les nouveaux installés dont le contentement faisait bonheur à voir. Monsieur de Boigne n'avait rien négligé pour rendre [le séjour] confortable.

      De tous les nombreux bienfaits dont il a doté Chambéry, la maison du refuge m'a toujours paru la plus utile et la plus satisfaisante pour son cœur. Il a construit une aile à l'hôpital, un hospice pour les aliénés, un pour les voyageurs, un autre pour les maladies cutanées. Il a bâti des casernes, un théâtre, ouvert des rues, planté des boulevards, construit des maisons; et, pour couronner l'œuvre, rétabli un couvent de capucins et un collège de Jésuites lorsque, dans les dernières années, il devint très dévot, à sa façon pourtant car, avec l'autorisation du directeur jésuite, les capucins faisaient le carême, jeûnaient et mangeaient maigre pour le général de Boigne, moyennant des bons de deux mille livres de viande qu'il donnait au couvent, à prendre sur les bouchers de Chambéry.

      Je ne sais pas trop comment cela s'arrangeait. Il est avec le ciel des accommodements. Cette façon de faire maigre m'a toujours extrêmement réjouie, et monsieur de Boigne ne se faisait faute d'en plaisanter lui-même les capucins ses bons amis.

      C'est pendant le séjour que je fis aux eaux, cette année, que je vis le plus familièrement monsieur Lainé et que je me confirmai dans l'idée qu'il n'était point du tout homme d'État. Lui-même répétait souvent qu'il n'était nullement propre aux affaires.

      Il avait refusé la demande que monsieur de Richelieu lui avait faite de rentrer au ministère. Cependant, par suite de cette inconséquence naturelle à la vanité humaine, il ne laissait pas d'être blessé que ce sacrifice n'eût pas été exigé de son patriotisme.

      La grande conspiration militaire, qui se préparait depuis plusieurs mois, éclata au mois d'août de cette année. Monsieur Lainé en recevait les détails par chaque courrier. Il n'arrivait que deux fois la semaine.

      Monsieur Lainé ouvrait ses lettres avec le frisson et leur lecture déterminait un accès de fièvre, soit qu'elles lui apportassent l'espoir ou l'inquiétude. Il venait les attendre chez moi, et je l'ai vu passer alternativement, trois fois en dix jours, de la confiance absolue à un entier découragement: tout était sauvé; tout était perdu.

      Il déduisait alors les motifs de ses craintes ou de ses espérances avec une éloquence bien propre à entraîner mais qui perdit bientôt toute influence sur mon esprit par la mobilité des impressions qu'elle exprimait. Et c'était moi, faible femme, qui cherchais à le remonter en lui répétant ses arguments de la veille; mais il ne les écoutait plus dès que son imagination se trouvait autrement frappée. Après avoir fait son hymne de joie ou de désespoir, il retournait chez lui, se mettait au lit, avait un accès de fièvre, et attendait le jour de poste СКАЧАТЬ