Récits d'une tante (Vol. 3 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 3 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32349

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СКАЧАТЬ Je le voyais beaucoup au Palais-Royal, où il jouait son grand jeu, interrogeant tous les enfants, jusqu'à ceux au maillot, s'attendrissant de leurs réponses, et les encensant avec un excès de flatterie qui n'avait pas cours en ce lieu.

      Je ne parlerai pus des autres hommes de la société de madame de Poix. Quelques-uns s'étaient renouvelés depuis la Révolution et n'appartenaient pas à son temps. Messieurs de Chalais et de Damas étaient de fort bons et loyaux personnages, mais nullement remarquables.

      Le salon de madame de Montcalm était composé de gens de notre âge, et, jusqu'à la mort de son frère le duc de Richelieu, il a eu une teinte politique très marquée.

      Le duc de Richelieu avait été marié, a dix-sept ans, à mademoiselle de Rochechouart qui en avait douze. Selon l'usage du temps, on l'avait envoyé voyager. Pendant les trois années de son absence, il recevait de fréquentes lettres de sa jeune épouse, remplies de grâce et d'esprit. À son instante prière, elle lui envoya son portrait où il retrouva les traits, un peu plus développés, du petit minois enfantin gravé dans son souvenir.

      Madame la comtesse de Chinon (c'est le nom que portait le jeune ménage) ayant accompli sa quinzième année, le mari fut rappelé. Plein d'espérance, il débarqua à l'hôtel de Richelieu. On vint au-devant de lui sur l'escalier.

      Le vieux maréchal, son grand-père et le duc de Fronsac, son père, avaient placé entre eux un petit monstre de quatre pieds, bossue par devant et par derrière, qu'il présentèrent au comte de Chinon comme la compagne de sa vie. Il recula de trois marches et tomba sans connaissance sur l'escalier. On le porta chez lui. Il se dit trop souffrant pour paraître au salon, écrivit à ses parents sa ferme détermination de ne jamais accomplir un hymen qui lui répugnait si cruellement, fit demander des chevaux de poste dans la nuit même, prit en désespéré la route d'Allemagne et alla faire les campagnes de Souvarow contre les Turcs.

      La duchesse de Fronsac, seconde femme de son père, avait trouvé moyen de pénétrer jusqu'à lui, pendant son court séjour à Paris et de lui présenter deux petites sœurs charmantes, dont il emporta le gracieux souvenir.

      Lorsque, quinze ans plus tard, la tourmente révolutionnaire étant un peu calmée, il obtint par la protection de l'empereur Paul Ier, au service duquel il était entré, la permission de venir faire un voyage en France sous le consulat de Bonaparte, il rapporta cette agréable image, et retrouva deux petites bossues qui ne cédaient guère à sa femme dans leur tournure hétéroclite. Toutefois, mieux aguerri, il ne prit pas la fuite.

      Ce ne fut qu'après avoir vendu ses biens, payé les dettes de la succession et distribué sa part de l'héritage paternel à ses deux sœurs qu'il reprit le chemin de la Crimée où il s'occupait à fonder la ville d'Odessa.

      La difficulté des communications, pendant la Révolution, avait tenu le duc de Richelieu dans la même ignorance sur la tournure de ses sœurs que la discrétion mal entendue de sa famille sur celle de sa femme. Il lui en était resté une sorte de répugnance instinctive pour les bossues.

      Longtemps après, ayant été nommé tuteur de sa nièce, mademoiselle d'Hautefort, devenue baronne de Damas, et la trouvant aussi contrefaite, il ne put s'empêcher de s'écrier en serrant la main d'un homme de ses amis:

      «Ah! par Dieu, c'est trop fort, je suis donc né pour être poursuivi, enguignonné de bossues!»

      Si le petit monstre de quinze ans, présenté à monsieur de Richelieu, lui avait inspiré une répugnance invincible, son propre aspect, en revanche, avait produit un effet bien différent. Son air noble, sa charmante figure avaient confirmé l'impression préparée par une correspondance tendre qui se poursuivait fort activement entre les deux jeunes époux.

      Sous une enveloppe si hideuse, madame de Richelieu portait un esprit élevé et un cœur généreux. Elle ne s'occupa qu'à réconcilier les deux familles à la fuite intempestive de monsieur de Richelieu, offrit à celui-ci de l'assister dans toutes les tentatives pour faire casser son mariage et accepta comme une faveur le refus qu'il en fit. Avertie par la conduite de son mari des disgrâces personnelles que la tendresse de ses parents avait cherché à lui dissimuler, elle ne voulut pas s'exposer aux dédains du monde et à la pitié des indifférents. Elle se retira dès lors dans une belle terre (Courteilles), à vingt lieues de Paris, qu'elle a constamment habitée jusqu'à sa mort.

      Quoique bien jeune encore au moment où la Révolution éclata, ses vertus lui avaient déjà acquis de l'influence; elle l'employa à maintenir la tranquillité dans ses environs. Elle fut la providence de toute la famille Richelieu, et, loin de jamais témoigner du ressentiment au duc, elle a constamment employé les recherches les plus délicates à l'entourer des soins d'une amitié désintéressée, renfermant dans son sein tout ce qui pouvait sembler dicté par un sentiment plus vif.

      Le duc de Richelieu, vaincu par des procédés si généreux et assez noble lui-même pour pardonner à une personne qu'il avait si grièvement offensée, allait quelquefois, depuis la Restauration, la voir au château de Courteilles où il était reçu avec une joie extrême.

      Leur âge à tous deux aurait fini par rendre cette existence simple et facile; je suis persuadée qu'au moment où la mort l'a enlevé, monsieur de Richelieu était près de s'établir à Courteilles. Quant à sa femme, rien ne l'aurait décidée à affronter le monde de Paris dont elle s'était retirée avant d'y être entrée.

      Madame de Montcalm était l'aînée des deux sœurs du duc de Richelieu. Un très mauvais état de santé l'autorisait à ne point quitter une chaise longue, et l'espoir de dissimuler sa taille lui donnait la patience de se soumettre à cette sujétion. Elle montrait un beau visage, et le reste de sa personne était enveloppé de tant de garnitures, de châles, de couvre-pieds que sa difformité était presque entièrement cachée.

      J'ai toujours attribué à cette circonstance la préférence marquée que monsieur de Richelieu lui accordait sur sa sœur, madame de Jumilhac, qui promenait son épouvantable figure sans le moindre embarras à travers toutes les foules et toutes les fêtes. Un esprit extrêmement piquant, une imperturbable gaieté, un entrain naturel que je n'ai vu à personne autant qu'à elle, la faisaient rechercher de tout ce qu'il y avait de plus élégant dans la meilleure compagnie.

      Il n'y avait pas de bonne fête sans madame de Jumilhac. Elle était très à la mode et, chose bien bizarre, malgré sa figure, c'était le but et l'ambition de toute sa vie.

      Madame de Montcalm, avec un esprit beaucoup plus cultivé, était, à mon sens, bien moins aimable que sa sœur. Fort exigeante, elle voulait, avant tout, être admirée de gens capables d'apprécier un mérite qu'elle croyait transcendant. L'autre ne pensait qu'à s'amuser avec les premiers venus.

      Peut-être suis-je partiale dans mon jugement des deux sœurs. J'étais fort liée avec la cadette; il m'était difficile de rester neutre entre elles. En ayant réciproquement l'une pour l'autre les procédés les plus nobles, les plus délicats dans les circonstances importantes, elles se taquinaient et se chagrinaient si constamment dans tous les petits détails de la vie journalière qu'elles en étaient venues à se détester cordialement. Les personnes de leur intimité se trouvaient nécessairement influencées et conduites à prendre parti.

      Quoiqu'il en soit, monsieur de Richelieu accordait une préférence marquée à madame de Montcalm. Il passait chez elle la plus grande partie de ses soirées, ce qui lui facilitait le moyen d'attirer autour de sa chaise longue toutes les notabilités françaises et étrangères.

      CHAPITRE III

      Carnaval de 1820. – Le Palais-Royal. – Bal à l'Élysée. – Humeur de monsieur le duc de Berry. – Bal masqué chez monsieur Greffulhe. – Mascarade СКАЧАТЬ