Récits d'une tante (Vol. 3 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 3 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32349

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Le carnaval de 1820 fut extrêmement gai et brillant. Les plaies du pays commençaient à se cicatriser. Malgré le peu de reconnaissance témoignée à l'administration qui avait travaillé et réussi à émanciper le pays, les personnes mêmes qui craignaient ce résultat et avaient intrigué pour l'empêcher éprouvaient, en dépit de leurs préventions, du soulagement à ne plus voir l'uniforme étranger se pavanant chez lui, dans nos rues.

      Monsieur le duc de Berry donna un grand bal à l'Élysée. Les invitations furent nombreuses et assez libéralement distribuées. Monsieur le duc de Berry trouvait la Cour tenue trop étroitement. Les prétentions des entours avaient profité des goûts sédentaires et retirés des autres princes pour les accaparer entièrement. Il fallait être de leur Maison, ou y tenir de bien près, pour avoir accès jusqu'à eux.

      Monsieur le duc de Berry blâmait cette exclusion et annonçait l'intention de s'en affranchir. Il avait déjà donné quelques dîners où il avait admis des pairs et des députés marquants par leur existence politique, et il se proposait encore d'étendre le cercle de ses invitations. Lui-même aurait eu beaucoup à y gagner, car il avait assez d'esprit pour pouvoir profiter de la conversation et pour chercher à l'encourager. Il était stimulé dans ce projet par l'attitude du Palais-Royal.

      Monsieur le duc d'Orléans avait affecté, plus que personne, de relever la tête au départ des alliés et de changer sa façon de vivre; il était bien aise qu'on remarquât combien il respirait plus librement. Le premier mercredi de chaque mois, il recevait comme prince, mais non pas en habit de Cour. Il n'était porté, au Palais-Royal, que par les femmes présentées pour la première fois; encore les en dispensait-on fréquemment.

      On n'avait pas non plus, ainsi qu'aux Tuileries, inventé de séparer les hommes et les femmes, ni de nous faire défiler comme un troupeau, ou entrer en fournées, disciplinées par un huissier, pour obtenir le mot, ou le coup de tête qu'on nous accordait avec autant d'ennui que nous en avions à le recevoir.

      Les salons du Palais-Royal, brillamment éclairés, étaient remplis de femmes magnifiquement parées, d'hommes chamarrés d'ordres et de broderies, qui circulaient librement. On s'y rencontrait; on se réunissait aux gens de sa société. On attendait sans ennui la tournée des princes qui distribuaient leurs obligeances de la façon la plus gracieuse.

      Les réceptions du Palais-Royal se trouvaient être de fort belles assemblées où on s'amusait et d'où l'on sortait content de sa soirée et des gens qui vous l'avaient procurée. Elles étaient très à la mode. J'ignore ce qui décida plus tard à y renoncer et à n'avoir plus qu'une seule réception princière le premier mercredi de l'année où il y avait une telle foule que c'était une corvée insupportable.

      En outre des cercles dont je viens de parler, il y avait de fréquents et excellents concerts ainsi que de grands dîners, pas trop ennuyeux où on avait soin que les invitations fussent toujours suffisamment mélangées pour que toutes les opinions se trouvassent représentées et qu'il n'y eût repoussement pour aucune.

      J'allais très souvent au Palais-Royal. Dans les jours ordinaires, les princesses et leurs dames travaillaient à une table ronde placée à l'extrémité de la galerie. Les enfants jouaient à l'autre bout. Monsieur le duc d'Orléans partageait son temps entre ces deux groupes et le billard. Dès que les enfants étaient couchés, il se rapprochait de la table, et on causait de tout fort librement et souvent d'une façon très amusante.

      Monsieur le duc d'Orléans se tenait au courant de tout ce qui paraissait de nouveau soit dans les arts, soit dans les sciences. Les savants lui communiquaient leurs découvertes; celles qui étaient de nature à intéresser les princesses étaient produites et démontrées au salon. Les artistes qui passaient y étaient entendus et y apportaient une variété qui le rendait fort agréable aux habitués.

      La liste en était assez étendue pour qu'il y vînt dans le cours de la soirée une trentaine de personnes, soit de celles pour qui la porte était toujours ouverte, soit de celles qui demandaient à faire leur cour et à qui on fixait un jour.

      Monsieur le duc de Berry y venait parfois avec sa femme, et avait l'air de s'y plaire. Je ne le voyais plus que rarement. Dès la seconde Restauration, il avait cessé de faire des visites et, depuis son mariage, il n'allait dans le monde qu'aux grands bals où il accompagnait sa femme. Cependant, lorsque nous nous rencontrions, nos vieilles habitudes, d'une familiarité qui datait de l'enfance, nous remettaient facilement en intimité.

      Je me souviens qu'un soir, au Palais-Royal, me trouvant à côté de lui sur une banquette, dans le billard, il me témoigna son approbation des habitudes sociales des maîtres de la maison, et combien cela valait mieux que d'être toujours: Comme nous, entre nous comme des juifs, ce fut son expression.

      Je lui représentai qu'il lui serait bien facile de mettre l'Élysée sur le même pied et qu'il aurait tout à gagner à se faire connaître davantage.

      «Pas si facile que vous le croyez bien. Mon père le trouverait très bon et serait même aise d'en profiter, car, malgré tous ses scrupules religieux, il aime le monde; mais je ne crois pas que cela convînt au Roi; et je suis sûr que cela déplairait à mon frère et plus encore à ma belle-sœur. Elle n'entend pas qu'on s'amuse autrement qu'à sa façon: moult tristement … vous savez?..» Et il se prit à rire.

      Ce moult tristement est un terme que Froissard applique aux divertissements des anglais.

      Après quelque long dîner de Londres, monsieur le duc de Berry s'écriait souvent:

      «Ah! que nous nous sommes bien divertis, moult tristement, selon l'us de leur pays

      En outre des sévérités de madame la duchesse d'Angoulême, il y avait un obstacle principal qu'il n'exprimait pas mais qu'il voyait très bien: c'était la différence qui existait entre madame la duchesse de Berry et madame la duchesse d'Orléans. Toutefois, dans l'approbation du Prince il perçait beaucoup de jalousie contre le Palais-Royal. J'en eus une nouvelle preuve le jour de ce bal de l'Élysée où je retourne après cette longue digression.

      La maladie du duc de Kent avait fait hésiter à le remettre, un léger mieux encouragea à le donner. Le télégraphe apporta la nouvelle de la mort le jour même où il devait avoir lieu. Je l'appris par monsieur le duc de Berry.

      La file m'avait retardée. Je lui trouvai, dès en arrivant, l'air que je lui connaissais quand il était mécontent. Le bal était si beau, si brillant, si animé que je ne comprenais pas qu'il n'en fut pas satisfait. Il s'approcha de moi.

      «Hé bien! vous savez que le Palais-Royal ne vient pas; ils ont envoyé leurs excuses.

      – Vraiment, Monseigneur?

      – C'est fort déplacé. Le Roi avait décidé que la nouvelle de la mort du duc de Kent ne serait sue que demain; et voilà qu'ils la répandent par leur absence qu'il faut bien expliquer… C'est pour me donner un tort.»

      Je cherchai à l'apaiser et lui rappelai, ce qui était exact, que monsieur le duc d'Orléans était personnellement intimement lié avec le duc de Kent, qu'il devait être douloureusement affecté et que sa situation était toute différente de celle de monsieur le duc de Berry.

      «Ah bah, reprit-il avec impatience, c'est toujours pour faire pot à part.»

      Il y avait bien un peu de vrai dans cette boutade de mauvaise humeur.

      Le bal fut magnifique et parfaitement ordonné. Le Prince en fit les honneurs avec bonhomie et obligeance, et le succès de cette fête, dont il s'était lui-même occupé, le dérida avant la fin de la СКАЧАТЬ