Récits d'une tante (Vol. 3 de 4). Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond
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Название: Récits d'une tante (Vol. 3 de 4)

Автор: Boigne Louise-Eléonore-Charlotte-Adélaide d'Osmond

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/32349

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СКАЧАТЬ avait éclaté d'abord à Cadix; une tentative avait eu lieu chez nous. Naples en fut attaquée, et bientôt après le Piémont.

      L'insurrection à Naples était devenue une révolution; notre cabinet se refusait à l'intervention armée des autrichiens. Il espérait, par des négociations, amener les napolitains eux-mêmes à renoncer à une partie des concessions arrachées aux terreurs de leur vieux Roi et à se contenter de sacrifices qui laissassent du moins la possibilité d'un gouvernement monarchique. En d'autres termes, il désirait faire remplacer la constitution espagnole de 1812 par la charte française de 1814. Les puissances absolutistes se souciaient peu d'un pareil exemple. Il y eut un congrès assemblé à Troppau.

      Je n'écris pas l'histoire et ne prétends point donner le journal de ce congrès ni de ceux qui le suivirent. Je n'en parle que pour citer une anecdote peu connue; je la tiens de bonne source et elle ne laissa pas d'influer sur le destin du monde.

      L'empereur Alexandre, dont le libéralisme commençait à se calmer beaucoup, se trouvant à un grand dîner chez l'empereur d'Autriche, s'exprima en termes fort chauds contre les fauteurs de révolutions. Il assura que les gouvernements militaires étaient seuls à l'abri des bouleversements, ajouta qu'à la vérité la moindre insurrection des troupes y serait mortelle, puis affirma que les armées autrichiennes, russes et prussiennes étaient complètement…

      Le prince de Metternich lui coupa la parole en parlant d'autre chose. L'Empereur parut surpris et choqué. Tout le monde fut étonné, et le dîner s'acheva dans le silence. À peine levé de table, le prince s'approcha de l'Empereur et lui demanda pardon de son impertinence; il avait cru remarquer dans ses paroles l'ignorance de ce qui se passait en Russie et avait voulu l'empêcher de les prononcer.

      Il apprit à l'Empereur l'insurrection de la garnison de Pétersbourg: elle avait déposé ses officiers et quitté la ville pour marcher sur les colonies militaires. L'Empereur protesta de l'impossibilité d'un pareil fait. Monsieur de Metternich le supplia d'attendre avant de se prononcer hautement, promettant de garder le secret le plus absolu, et de laisser Sa Majesté Impériale être le premier à répandre la nouvelle dans les termes qui lui conviendraient le mieux.

      Quarante-huit heures s'écoulèrent. Enfin, le troisième jour arriva le courrier de Pétersbourg. Il apportait la confirmation de l'insurrection et du départ des troupes.

      Leur présence dans les colonies militaires aurait pu entraîner les suites les plus graves, mais elles avaient été poursuivies et ramenées, moitié par force moitié par persuasion. Le danger était conjuré, et c'était pour pouvoir en donner l'assurance à l'Empereur qu'on avait retardé jusque-là le départ du courrier.

      Il fut très mécontent d'avoir appris des événements de cette importance par une voie étrangère et tança vertement son monde; mais il conçut une grande idée de la manière dont le prince de Metternich était instruit par ses agents et beaucoup de reconnaissance du secret qu'il avait fidèlement gardé, même vis-à-vis de l'Empereur son maître. C'est à dater de ce moment que l'empereur Alexandre commença à se livrer, d'une part, aux terreurs qui ont empoisonné le reste de sa vie et, de l'autre, à une confiance pour le prince de Metternich qui bientôt ne connut plus de borne.

      Dans ces conjonctures, le prince Ypsilanti quitta le drapeau russe pour lever en Grèce celui de l'indépendance. À toute autre époque, le cabinet de Pétersbourg, qui préparait cette catastrophe depuis un siècle, l'aurait assurément appuyé de tous ses moyens; mais l'Empereur, effrayé de ce qui portait le caractère d'insurrection et surtout d'insurrection militaire, céda facilement aux exhortations du prince de Metternich. Celui-ci ne voulait pas de guerre en Orient. Son seul but était d'assurer la domination autrichienne en Italie.

      On avait déjà vu le vieux Roi de Naples arriver à Troppau, accompagné de deux énormes lévriers seuls objets de ses sollicitudes, rapporter tous les engagements pris avec ses sujets, manquant ainsi aux serments les plus solennels au risque des dangers qu'il pouvait faire courir à son fils, resté à Naples en otage de sa bonne foi. On l'avait vu suivre les souverains alliés à Laybach, passer dans les rangs des troupes autrichiennes, prêcher la croisade contre ses propres États et, les larmes aux yeux, demander vengeance envers ceux qu'il avait juré de protéger. Ses vœux étant accomplis et son pays conquis, occupé, foulé et ruiné par l'étranger, il reprit assez de courage pour consentir à y retourner.

      On le fit accompagner par des commissaires de toutes les puissances, en partie pour le soutenir contre ses propres terreurs, en partie pour donner à sa cause triomphante l'appui moral de la sanction européenne et plus encore pour modérer la cruauté des réactions que la peur dont il était encore dominé aurait pu lui inspirer. Naples se rappelait en frémissant son premier retour de Sicile, et le monde n'en avait pas perdu la mémoire.

      Le prince héréditaire vint à sa rencontre jusqu'à Rome. Les commissaires assistèrent à l'entrevue de ces deux royaux personnages, et c'était la rougeur sur le front que Pozzo, pleurant d'un œil et riant de l'autre, racontait la discussion qui s'éleva entre eux sur l'excès des craintes qu'ils avaient mutuellement ressenties.

      En Italie, les choses s'appellent par leur nom; on ne cherche pas de circonlocution. Et c'était de leur maladetta paüra que le père et le fils s'entretenaient librement:

      «E che paüra ti! è io che ho avuto paüra.

      – Oh! cara maestà no, non era niente, è dopo la sua partenza ch'è venuta la vera paüra.»

      Et puis ils racontaient tous les degrés et tous les effets de cette terrible paüra avec une candeur qui pourtant ne touchait guère leurs auditeurs.

      Pozzo me disait: «En sortant de cette entrevue, mes collègues et moi nous avons été vingt-quatre heures sans oser seulement nous regarder.»

      Le prince de Metternich fait, au même sujet, un récit où il convient de joindre la pantomime lazaronesque au jargon du vieux Roi pour qu'il ait tout son mérite.

      Ferdinand lui parlait sans cesse à Laybach di questa maladetta paüra. L'impassibilité du ministre persuadant au Roi qu'il n'appréciait pas toute l'importance de ce mobile, il lui demanda un jour s'il savait bien ce que c'était que la «paüra». Sur la réponse un peu dédaigneuse de monsieur de Metternich, le Roi reprit, avec une extrême bonhomie:

      «Non … non ce n'est pas ça … ve lo dirò io… C'est une certa cosa qui vous piglia là», en mettant sa main sur le sommet de sa tête et faisant le geste de tordre; «et qui vous prend les cervelles et les fait danser fin qu'on croit qu'elles vont sortir de la tête; poi scende al stomacho … on croit qu'on va svenarepare qu'on se meurt…» Et il mettait les deux mains sur son estomac, «poi scende un po più giù», les deux mains suivaient. «On sent une dolor del diavolo, et poi … poi … brebre brebre»…; en lâchant les mains et terminant sa description physiologique par un geste expressif.

      Lorsque l'insurrection militaire se déclara en Piémont, le roi Victor donna sa démission et descendit du trône plutôt que d'imiter le roi de Naples en s'humiliant devant ses sujets pour les trahir par la suite. Victor avait à la fois trop de courage et trop de loyauté pour jouer un pareil rôle. Celui qu'accepta le prince de Carignan dans cette triste affaire, si mal conçue, lui attira l'animadversion de tous les partis.

      J'avoue que je me sens un assez grand fond de bienveillance envers ce prince pour être tentée de l'excuser. Il était bien jeune: nourri dans la haine des autrichiens qu'il avait raison de détester, il savait ce sentiment partagé par le Roi.

      On l'avait entouré et persuadé qu'il s'agissait d'entrer dans une ligue commune à tous les peuples de la péninsule. Naples était déjà émancipée. La СКАЧАТЬ