La cour et la ville de Madrid vers la fin du XVIIe siècle. Marie Catherine d'Aulnoy
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Il en était encore ainsi en 1823. Acteurs et spectateurs s'agenouillaient, s'il leur arrivait d'entendre la sonnette qui annonçait aux fidèles le passage du Saint-Sacrement. Les officiers de la garnison française de Barcelone s'égayèrent de cet usage, et, comme on jouait à cette époque le Barbier de Séville, ils se procurèrent la sonnette de l'église voisine et la firent tinter juste au moment où Figaro savonne le menton de son patron. Il en résulta une scène ridicule qui fit quelque scandale dans la ville.

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Arrivée à la frontière de la Castille, madame d'Aulnoy rencontra pour la première fois une ligne de douane. Ce n'est pas là une des moindres singularités de son voyage. Les marchandises qui venaient de France en Biscaye n'acquittaient pas de droits; mais celles qui s'échangeaient entre la Biscaye, la Castille et la Navarre, ne jouissaient pas de cette franchise. Les deux grands royaumes de Castille et d'Aragon se trouvaient enfermés dans leurs lignes de douanes respectives et s'efforçaient de protéger leur industrie à l'aide de tarifs, comme s'ils eussent été des pays rivaux. De plus, chaque ville avait ses péages et ses octrois. Les voyageurs, qui se trouvaient ainsi arrêtés à chaque pas, s'en étonnaient, mais à tort. L'Espagne, en effet, n'était qu'une agrégation de petites souverainetés, qui lors de leur réunion à la couronne, avaient toujours eu grand soin de stipuler leurs privilèges. Elles tenaient au maintien des droits qu'elles imposaient aux marchandises étrangères, non-seulement en raison de leurs vieilles rivalités, mais encore en raison de leurs intérêts matériels. Ces péages formaient une partie de leur revenu et étaient affermés. Les fermiers acceptaient naturellement de fort mauvaise grâce les passe-ports qui les frustraient de leurs bénéfices; ils ne cédaient qu'en présence d'une délibération du Conseil d'État, revêtue de la signature du Roi; encore cette délibération devait-elle être confiée à un alcade de la Cour, qui parfois recourait à la force. On en trouvera un exemple curieux, mais trop long à rapporter ici, dans le voyage du Hollandais Van Aarsen de Sommerdyck, pp. 256-292.

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La licence de la soldatesque fut la cause de ce soulèvement; mais elle ne saurait expliquer à elle seule l'hostilité persistante de la Catalogne, hostilité qu'atteste une longue suite de révoltes. Nous croyons devoir en signaler la cause réelle, car elle ajoute un trait à la physionomie de l'Espagne:

Les couronnes d'Aragon et de Castille se trouvèrent réunies par le mariage de Ferdinand et d'Isabelle, mais ce fut là un fait purement politique. Isolés par leurs âpres montagnes, les Aragonais, les Catalans surtout, demeurèrent complétement étrangers aux Castillans. Ils nourrissaient contre eux les mêmes sentiments d'animosité qui signalèrent longtemps les relations des Anglais et des Écossais après l'avènement du roi Jacques au trône d'Angleterre. Bien qu'ils se gouvernassent par eux-mêmes et qu'ils n'eussent ainsi guère à se plaindre de l'autorité royale, ils étaient toujours disposés à entrer en lutte avec elle. L'esprit qui les animait devait se révéler encore une dernière fois, lorsque Philippe V monta sur le trône. Ils ne manquèrent pas de prendre parti contre le souverain qu'ils considéraient comme le souverain des Castillans, et nous ne serions pas étonné qu'on trouvât encore chez eux des traces de cette haine.

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Nous avons eu la curiosité de vérifier ce fait, qui en lui-même n'avait pas d'importance, mais qui pouvait nous donner la mesure de la véracité de madame d'Aulnoy. Il s'est trouvé parfaitement exact. En effet, Don Luis d'Aragon Cordova y Cardona, sixième duc de Segorbe et septième duc de Cardona, avait eu de son premier mariage avec Dona Maria de Sandoval y Roxas, duchesse de Lerme, une fille unique, Dona Catarina Antonia, qui épousa le duc de Medina-Celi et lui apporta, par la suite, tous les biens de sa maison. Le duc de Cardona épousa en secondes noces Dona Maria Teresa de Benavides, fille du comte de San Estevan, dont il n'eut point d'enfant. Dona Maria Teresa, restée veuve, épousa Don Inigo Melchior de Velasco, duc de Frias, et engagea le procès dont il est question contre la duchesse de Medina-Celi.

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Le duché de Cardona comprend, en effet, le territoire de Solsona, où se trouvent de célèbres carrières de sel.

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Lors de sa fuite en Espagne, le cardinal de Retz passa par Saragosse, où il arriva accompagné de cinquante mousquetaires montés sur des ânes. Il visita l'église de Notre-Dame del Pilar. Il y vit un homme qui, au su de toute la ville, n'avait jamais eu qu'une jambe et s'en était trouvé deux, grâce à l'intercession de la Vierge et à des onctions répétées faites avec de l'huile des lampes qui brûlaient devant son image. On célébrait à cette occasion une fête qui attirait plus de vingt mille personnes. (Collection des Mémoires relatifs à l'histoire de France, t. XXV, p. 450.)

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Il existe une Vie de Maria Calderona, imprimée à Genève en 1690. Il n'y est nullement fait mention de son aventure avec le duc de Medina-de-las-Torres. Le Roi s'en éprit du jour où elle débuta sur la scène. Elle n'avait point de beauté, mais infiniment de grâce, d'esprit et de charme dans la voix. Néanmoins, la version que donne madame d'Aulnoy était fort accréditée en Espagne.

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Cette fable était répandue par les partisans de Don Juan qui aspira, à ce qu'il semble, un instant à la couronne malgré sa bâtardise. Une lettre de Louis XIV au chevalier de Gremonville témoigne que l'opinion générale acceptait le récit dont parle madame d'Aulnoy. (Négociations relatives à la succession d'Espagne, t. III, p. 390.)

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Les reines d'Espagne, à la mort de leurs époux, se retiraient dans le couvent de las Descalzas Reales et, par un usage bizarre, les maîtresses du Roi étaient obligées d'en faire autant lorsqu'il venait à se séparer d'elles.

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A l'âge de quatre ans, le roi Charles II pouvait à peine marcher et parler. Il était debout, dit l'archevêque d'Embrun, appuyé sur les genoux de la señora Miguel de Texada, menine qui le soutenait par les cordons de sa robe. Il porte sur sa tête un petit bonnet à l'anglaise qu'il n'a pas la force d'ôter, ainsi qu'il l'aurait fait autrement lorsque je m'approchai de lui avec M. le marquis de Bellefond. Nous n'en pûmes tirer aucune parole, sinon celle qu'il me dit: cubrios, et sa gouvernante, qui était à la droite de la menine, fit quelques réponses à nos compliments. Il est extrêmement faible, le visage blême et la bouche tout ouverte, ce qui marque quelque indisposition de l'estomac, ainsi que les médecins en demeurent d'accord; et quoique l'on dise qu'il marche sur ses pieds et que la menine le tient seulement par les cordons pour l'empêcher de faire un mauvais pas, j'en douterais fort, et je vis qu'il prit la main de sa gouvernante pour s'appuyer en se retirant. Quoiqu'il en soit, les médecins jugent mal de sa longue vie, et il semble que l'on prend ici ce fondement pour règle de toutes les délibérations. (Négociations relatives à la succession d'Espagne, t. I.)

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Le maréchal de Gramont fait en ces termes le portrait de la nation espagnole: Nation, dit-il, fière, superbe et paresseuse. La valeur lui est assez naturelle, et j'ai souvent ouï dire au grand Condé qu'un Espagnol courageux avait encore une valeur plus fine que les autres hommes. La patience dans les travaux et la constance dans l'adversité sont des vertus que les Espagnols possèdent au dernier point. Les moindres soldats ne s'étonnent que rarement des mauvais événements… Leur fidélité pour le Roi est extrême et louable au dernier point. Quant à l'esprit, ou voit peu d'Espagnols qui ne l'aient vif et agréable dans la conversation, et il s'en trouve dont les saillies (agudezas) sont merveilleuses. Leur vanité est au delà de toute imagination, et, pour dire toute la vérité, ils sont insupportables à la longue à toute autre nation, n'en estimant aucune dans le monde que la leur seule… Leur paresse et l'ignorance, non-seulement des sciences et des arts, mais quasi-généralement de tout ce qui se passe de l'Espagne, vont presque de pair et sont inconcevables. (Collection des Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. XXXI, p. 524.)

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L'incurie espagnole a perpétué jusqu'à nos jours un règlement du dix-septième siècle, qui avait pour but de faciliter les diverses professions. Ce règlement s'appliquait alors avec une telle rigueur, que l'aubergiste du Hollandais Van Aarsen de Sommerdyck fut traduit en justice pour avoir engraissé des volailles qu'il destinait à la table de ses hôtes. La police se mêlait, on le voit, des moindres détails.

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