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СКАЧАТЬ haine ni de vengeance. Mais chaque jour ses yeux étaient tristement frappés de la vue des familles qui portaient le deuil, ses oreilles douloureusement atteintes par les gémissements des victimes.

      – Non, dit-elle, Dieu ne veut pas qu'une faible femme ait au cœur un si ardent désir, si sa volonté ne l'y mettait elle-même… Allons, et que sa sainte mère soit avec moi!

      C'était en 1794, le 23 mai au matin; elle se leva, fit sa prière, car elle avait été élevée pieusement par une mère qu'elle avait perdue, puis elle descendit auprès de son père, lui demanda sa bénédiction, et sortit de la maison paternelle, qu'elle ne devait plus revoir.

      Arrivée chez Robespierre, elle s'adresse à mademoiselle Duplaix, qui, la regardant avec une curiosité jalouse, lui répond que Robespierre n'était pas chez lui, et que même y fût-il, il n'avait pas de temps à perdre avec la première personne venue.

      – S'il est sorti, j'attendrai, répond doucement la jeune fille.

      – Avez-vous donc un rendez-vous de lui?

      – Un rendez-vous! non. Est-ce que cela est nécessaire? N'est-il pas fonctionnaire public et le chef du Gouvernement? ne se doit-il pas à tout venant? Notre bon roi saint Louis, sous le chêne de Vincennes, rendait justice au premier paysan qui venait la lui demander.

      Cette parole imprudente la perdit. Hélas! dans ces temps malheureux, il n'en fallait pas tant pour éveiller les soupçons. Elle fut arrêtée et conduite immédiatement au comité révolutionnaire, où d'abord on l'interrogea.

      – Connaissez-vous Robespierre?

      – Non.

      – Que lui voulez-vous?

      – Cela ne vous regarde pas.

      – Avez-vous dit que vous regrettiez Capet?

      – J'ai dit que je pleurais notre bon roi… oui, je l'ai dit, et je voudrais qu'il vécût encore. N'êtes-vous pas cinq cents rois, et tous plus insolents et despotiques que ne l'était celui que vous avez tué… Vous êtes tous des tyrans… et j'allais chez Robespierre pour voir comment était fait un tyran.

      – Que portez-vous dans ce paquet?

      Elle avait en effet un petit paquet sous le bras.

      – Je m'attendais de toute manière à être arrêtée, et j'avais emporté du linge pour mon usage.

      On ouvrit le paquet: il n'y avait, en effet, qu'un peu de linge; mais on la fouilla, et l'on trouva sur elle un grand couteau d'un usage ordinaire… Ce fut suffisant!.. et l'infortunée fut condamnée ce même jour, et mourut le lendemain matin15. Malgré la force de son âme, il y eut un moment où son courage faillit: ce fut en voyant son père, un vieillard âgé de soixante-deux ans, aller avec elle à la mort, comme son complice… Son désespoir fut violent; et lui la consolait en lui disant: Eh quoi! ma fille, tu me plains de mourir! Mais dans un temps aussi cruel, lorsque Dieu a retiré son bras de nous, c'est un bonheur de mourir. Toute la famille de cette jeune fille, deux de ses tantes autrefois religieuses, tous ses parents, au nombre de dix-huit, périrent avec elle!.. Dans ce nombre étaient huit femmes mères et filles; toutes s'embrassaient, s'exhortaient et se donnaient mutuellement de la force…

      – Nous sommes heureuses de mourir ensemble! disaient-elles…

      – Voyez, disait Fouquier-Tinville, la hardiesse de ces femmes, qui prennent de l'audace pour du courage!.. Il faut que j'aille les voir mourir, pour voir si cette grande force se soutiendra, dussé-je pour cela me passer de dîner!..

      Tels étaient les hommes qui formaient la société de Robespierre, et Fouquier-Tinville cependant avait un esprit remarquable hors de cette mer de sang où il se baignait tous les jours… Mais tous en étaient venus à cette extrémité qu'il fallait qu'eux-mêmes fussent toujours montés à ce diapason d'une extrême terreur, pour être compris de ceux à qui ils parlaient, et le délire de cette époque produisit le Père Duchesne!.. Le tutoiement acheva de corrompre le beau langage, dont la tradition se conservait néanmoins encore… Le changement total des noms de chaque chose, même des noms propres, acheva l'ouvrage commencé… Insensiblement la société s'effaça en France… on en perdit jusqu'au souvenir… on ne reçut plus, et lorsque madame de Fontenay, après le 9 thermidor, voulut avoir une maison à Chaillot, à ce qu'on nommait la Chaumière, elle eut une peine extrême à la former.

      Une des singularités frappantes de l'époque de la Terreur était ce contraste journalier qu'on allait voir au Tribunal révolutionnaire… Ce langage pur et même presque toujours élégant des victimes, avec les paroles grossièrement meurtrières des bourreaux, frappait vivement ceux qui allaient assister à ces horribles scènes pour surprendre quelquefois un mot ou un regard d'adieu!.. Mais ce que je suis fière d'écrire, c'est que l'honneur de cette époque est tout entier aux femmes: leur courage, et leur bravoure même, je puis dire ce mot, est sans aucune comparaison au-dessus de celui des femmes de l'antiquité, même dans leurs actions les plus vantées. Je vais encore en citer un exemple.

      Madame Le Callier, jeune, belle et charmante, est arrêtée et jetée dans une des prisons de Paris les plus renommées pour fournir au charnier populaire… Elle y était avec M. Boyer, qu'elle aimait et devait épouser aussitôt, disait-elle avec crainte, que nous serons hors de cet horrible lieu… Mais M. Boyer est mandé au Tribunal révolutionnaire; c'était aller à la mort: en effet, elle ne le revit plus!

      Elle ne dit rien, ne pleura même pas… Mais le même jour elle écrivit à Fouquier-Tinville.

      – Vous êtes tous des monstres! vous m'avez fait arrêter parce que j'aimais nos rois, disiez-vous. Eh bien! oui, je les aime, je les pleure, les appelle, et vous maudis.

      Un des amis de madame Le Callier intercepta la lettre, qu'il soupçonnait être ce qu'elle était en effet, un titre de mort. Deux jours après, ne recevant pas de réponse, madame Le Callier se douta qu'on voulait la servir comme elle ne voulait pas l'être; et elle écrivit une seconde lettre semblable à la première, en prenant toutefois des mesures pour qu'elle parvînt. Le même jour, elle rassemble toutes les lettres de M. Boyer, les relit encore, y joint tout ce qu'elle tenait de lui, se fait une ceinture de toutes ses reliques, et passe le reste de la nuit en prières. Dès que le jour est venu, elle s'habille avec le plus d'élégance qu'il lui est possible de le faire, et se met à table pour déjeuner avec ses compagnons d'infortune. Au milieu du repas, on entend la cloche sinistre… Tout le monde pâlit… madame Le Callier est seule joyeuse et rassurée; elle se lève, dit adieu à ses amis, leur distribue quelques souvenirs.

      – C'est moi qu'on vient chercher, dit-elle avec joie; adieu! je suis heureuse de mourir… Je ne verrai plus mon pays livré à une sanglante anarchie, et je vais rejoindre l'ami qui m'attend.

      Elle coupe elle-même ses beaux cheveux, et les distribue autour d'elle à ceux qui peut-être feront le jour suivant le même legs… C'était bien elle, en effet, qu'on venait chercher. Conduite au tribunal, on lui demande si elle est l'auteur de la lettre qu'on lui montre.

      – Oui, répondit-elle avec fermeté, cette lettre est de moi… Je regrette peu la vie, car vous avez fait de mon pays un vaste charnier, et vous venez de donner la mort au seul être qui pouvait m'y retenir encore!.. Vive le Roi! s'écria-t-elle avec une sorte d'enthousiasme… vive le Roi! et mort à vous tous!..

      Elle mourut le même jour, heureuse, comme elle le disait, de quitter cette France qui n'était plus qu'un vaste cimetière…

      J'ai СКАЧАТЬ



<p>15</p>

Cécile Renault mourut le 29 prairial an II, à l'âge de vingt ans. Ses deux frères furent les seuls de sa famille qui lui survécurent; ils étaient à l'armée, où ils furent arrêtés, mais leurs supérieurs leur fournirent le moyen d'échapper. J'ai connu l'un d'eux qui était parvenu au grade de chef d'escadron.