Histoire des salons de Paris. Tome 3. Abrantès Laure Junot duchesse d'
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Название: Histoire des salons de Paris. Tome 3

Автор: Abrantès Laure Junot duchesse d'

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/42663

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СКАЧАТЬ il m'en aurait parlé à moi-même… et il ne m'a rien dit… Je dois même lire ce soir un drame de moi chez lui, et nous devons nous y trouver, Louise et moi, avec tous nos amis, Danton et sa femme, Saint-Just et tous les autres… Et puis, c'est le comité de Sûreté générale qui entraîne Robespierre… il n'est pas coupable de ce qui se fait!

      Madame Desmoulins entra dans ce moment dans le cabinet de son mari; Prudhomme répéta ce qu'il croyait devoir être compris par elle; mais, bien loin de l'écouter, elle lui imposa silence.

      – Si Camille pouvait suivre vos conseils, lui dit-elle, je le désavouerais. C'est une noble mission qu'il a reçue de l'humanité agonisante… il doit parler… dût-il en mourir…

      Et s'approchant de son mari, elle l'embrassa avec amour.

      – Si tu meurs pour cette cause sainte, mon Camille, lui dit-elle en le regardant avec une ineffable tendresse, je mourrai avec toi…

      – Mais en mourant il cesse de remplir cette mission à laquelle il est appelé, lui répondit Prudhomme…

      – N'importe quel sera son sort… il doit faire son devoir… Si Camille cessait d'écrire dans le moment où la tyrannie des comités n'a plus de bornes, lorsqu'enfin leur inamovibilité révèle leur ambition, il serait un lâche… et moi-même je le renierais et l'éloignerais de mon cœur.

      – Prenez garde à vous-même, malheureuse femme; prenez garde à vos imprudentes paroles… les bourreaux de la France ne reconnaissent aucun pouvoir… celui de la vertu, de la beauté, de l'esprit, demeure sans force devant eux… tremblez de les irriter…

      Madame Desmoulins demeura quelques secondes dans le silence… Au bout de ce temps, elle releva fièrement la tête, et regardant Prudhomme avec calme: – Ils ne me feront pas mourir la première, lui dit-elle; et après lui!.. je demanderais la mort…

      Et se jetant dans les bras de son mari, elle l'embrassa en pleurant… mais au milieu de ses sanglots, on entendait encore ces mots:

      Fais ton devoir!

      Désespéré du peu de succès de sa démarche, Prudhomme courut chez madame Duplessis, mère de madame Desmoulins… il lui parla de ses craintes et du sujet fondé qui les lui inspirait. Madame Duplessis lui répondit qu'elle connaissait sa fille, et que son caractère étant beaucoup plus fort que celui de Camille, tout était perdu si elle le portait à résister…

      On sait en effet quel fut le résultat de la conduite nouvelle de Camille Desmoulins!.. Le second jour de son arrestation, sa femme, au désespoir de ne pouvoir fléchir aucun des juges-bourreaux qui devaient prononcer sur le sort de son mari, organisa un mouvement avec ses amis pour le délivrer… Elle eut l'imprudence de lui écrire. La lettre fut interceptée, et tout espoir détruit. Madame Camille Desmoulins, arrêtée à l'instant même, périt huit jours après sur le même échafaud, comme ayant voulu renverser le gouvernement de la république.

      … Et elle était plus républicaine qu'aucun d'eux!..

      Une ambition sans mesure, appuyée sur un orgueil sans égal, et pourtant une grande infériorité à côté de ceux qu'il a fait périr, tels sont les principaux traits du caractère de Robespierre; il faut y ajouter le goût du sang par nature et une profonde hypocrisie. Mais ce qui, surtout, était la passion la plus effrayante pour tout ce qui se trouvait sur son chemin, c'était cette jalousie envieuse que lui inspirait toute supériorité. C'est cette appréhension d'être primé en quoi que ce fût, qui lui fit sacrifier Danton et Camille Desmoulins. Voici, à cet égard, une anecdote assez singulière qui m'a été rapportée par un témoin de la chose.

      Avant que les deux comités11, qui étaient à eux seuls tout le pouvoir, se centralisant encore dans Robespierre, eussent fait périr, dans la même journée, la fleur des talents que renfermait la Convention; avant que cette Convention, se mutilant elle-même, envoyât à l'échafaud cette faction de la Gironde qui voulait réellement la liberté, et ne savait pas d'abord, simple qu'elle était, que Robespierre et les siens voulaient de la tyrannie et du despotisme; avant la mort des Girondins, plusieurs tentatives furent faites pour opérer un rapprochement entre les deux factions. Un jour, Danton, alors dans tout l'éclat de sa belle puissance tribunitienne, attendait avec d'autres collègues l'ouverture de la séance. Plusieurs membres de différents partis causaient ensemble dans une des salles qui précédaient la Convention. L'un d'eux dit à Danton:

      – Vous devriez bien vous rapprocher de ceux de la Gironde. Et il mena Danton vers Valazé et quelques autres. Après avoir échangé quelques mots, Valazé dit à Danton:

      – Ce n'est pas Robespierre, ce n'est pas Marat, bien que celui-ci ait une verve et une repartie mordante qui souvent emporte la pièce, que nous redoutons… Le premier est nul, et le second est faible malgré sa fureur apparente… C'est vous que nous craignons… c'est votre éloquence tonnante, c'est cette colère d'un homme persuadé, convaincu, que vous jetez à la tête de vos adversaires et que vous leur opposez comme une digue qu'ils ne peuvent quelquefois renverser. Votre éloquence entraîne, détermine la multitude… Et voilà la véritable éloquence du tribun du peuple dans des temps orageux… Voilà ce qui nous inquiète; le reste est de peu d'importance.

      Le Girondin n'avait pas aperçu, à deux pas de là, Robespierre assis sur un banc et en apparence enseveli dans ses réflexions. Il écouta et entendit toute la conversation, il en recueillit chaque parole dans la haine de son cœur… Et la perte de Danton, qui jusque-là n'avait été qu'incertaine, fut jurée par Robespierre… De ce moment, sa haine ne se voila même plus… et il répétait à ses confidents que bientôt le colosse tomberait.

      Un ami de Danton l'en avertit; Danton sourit, et son horrible figure s'illumina tout à coup de ce sourire sardonique.

      – Lui se jouer à moi! s'écria-t-il de sa voix tonnante qui frappait les murs avec retentissement. Lui!.. si je le croyais, poursuivait-il avec rage, je lui arracherais les entrailles de ma propre main!..

      Tallien avait été envoyé en mission dans les départements; à son retour, comme il ignorait complètement les nouvelles de Paris, car les Conventionnels comme les autres étaient soumis au même régime de sévérité pour la poste, et afin de ne pas éveiller les soupçons des deux comités, ils préféraient ne pas recevoir de lettres. En arrivant à Paris, Tallien alla voir Robespierre, avec qui il était fort intimement lié; il croyait alors, disait-il, au républicanisme pur de cet homme. Il fut donc franc avec lui et lui dit que dans les provinces sa mission n'avait pas eu le succès qu'elle devait avoir, parce que toute puissance pâlissait devant celle des membres des deux comités de Salut public et de Sûreté générale. Un député, un représentant simple, n'avait aucune influence. – Cette suprématie liberticide, ajouta Tallien, n'a pour cause qu'une mesure, au reste attentatoire à la majesté de la représentation nationale… Pourquoi les membres des deux comités sont-ils inamovibles, Robespierre? Comment toi, le fils de la liberté, un républicain si pur et si fidèle, tu as accepté un emploi qui n'est autre chose qu'une méchante copie du despotisme couronné!.. Et le peuple n'a-t-il fait tomber la tête d'un roi que pour en voir renaître vingt autres? Robespierre, cette mesure ne fut pas proposée par toi, j'en réponds; mais tu devais la combattre.

      Robespierre fut d'une extrême adresse dans cette conversation; il sut maintenir son pouvoir sur Tallien, tout en accusant d'autres collègues.

      – Que veux-tu qu'on fasse, après tout?

      – Prouver que toi ainsi que Carnot, et tous ceux qui composent les deux comités, n'avez aucune ambition, les renouveler enfin.

      Robespierre СКАЧАТЬ



<p>11</p>

Le comité de Salut public et celui de Sûreté générale.