Histoire des salons de Paris. Tome 3. Abrantès Laure Junot duchesse d'
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Название: Histoire des salons de Paris. Tome 3

Автор: Abrantès Laure Junot duchesse d'

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn: http://www.gutenberg.org/ebooks/42663

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СКАЧАТЬ Henriot et moi, nous t'avons toujours retenu sur le bord de cet abîme, où ton entêtement vient de te faire tomber… Dans ton indiscrétion, tu as laissé entendre des noms qui compromettent d'autres têtes avec la tienne… Si tu étais seul, tu serais libre; mais d'autres marchent dans ta voie, et ceux-là agiront à la fois et pour eux et pour toi… Il faut prendre un parti.

ROBESPIERRE, fort pâle

      Que faut-il faire?

SAINT-JUST

      Envoyer ces femmes à la mort.

ROBESPIERRE

      Y penses-tu?..

SAINT-JUST

      C'est le seul moyen de nous conserver; songes-y?

ROBESPIERRE, tombant sur une chaise

      Non… je ne le veux pas!

SAINT-JUST

      Je t'ai dit que tu n'agiras en toute cette affaire que sous la direction de ceux que tu as compromis… Songe à cela, Maximilien!

      Robespierre n'était qu'une figure visible du grand principe que les terroristes de 93 mettaient en avant. Dans sa renommée, rien ne venait de lui; sa force était empruntée; il ne pouvait rien par lui-même.

      Trois jours après cette malheureuse fête de Maisons, madame de Sainte-Amaranthe fut arrêtée dans sa maison, avec madame et M. de Sartines, son jeune fils, et la sœur de M. de Sartines.

      Une heure avant l'arrivée de la force armée, elles avaient reçu une lettre25 sans signature, dit-on, qui leur recommandait de fuir promptement… Elles s'y disposaient lorsqu'elles furent arrêtées.

      Madame de Sainte-Amaranthe fut ordinaire comme courage; tout le monde en avait alors; mais Émilie fut sublime. Calme, résignée, conservant cette liberté d'esprit qui indique le vrai courage, elle fit rougir plus d'une fois ces monstres bourreaux, qui ne rougissaient jamais.

      Il était difficile de condamner deux femmes dont la vie était aussi inoffensive… Le prétexte fut bientôt trouvé. Elles furent condamnées comme complices d'Admiral, assassin de Collot-d'Herbois… Madame de Sartines sourit avec mépris en écoutant ses juges.

      – Pourquoi mentir? leur dit-elle. Il fallait dire en nous condamnant pourquoi vous prenez nos têtes… votre iniquité en serait moins vile.

      Et se tournant vers sa mère, elle lui parla avec calme et tendresse pour la fortifier.

      C'est la preuve d'une haute supériorité qu'un courage de sang-froid comme celui de madame de Sartines… surtout lorsque la vie bouillonne dans vos veines, que vous avez encore tant d'années devant vous à parcourir, et que vous vous voyez ainsi retranché brusquement des vivants. Alors, quand nous voyons une vive énergie sans ostentation, nous devons nous incliner devant elle; et lorsque c'est une femme jeune et belle qui agit ainsi, nous devons ajouter à notre respect une vive et profonde admiration.

      Madame de Sartines coupa elle-même ses cheveux, et les partagea en plusieurs lots qu'elle chargea le concierge de la Conciergerie de remettre aux personnes qu'elle lui désigna. Sa mère était abattue… Émilie fut à elle, et l'embrassant avec son jeune frère: Ma mère, lui dit madame de Sartines… comme nous sommes heureux! nous mourrons avec toi!

      Lorsqu'on leur apporta les robes rouges qu'elles devaient revêtir pour aller à la mort, madame de Sainte-Amaranthe repoussa d'abord la sienne, et retomba pâle et sans force sur sa chaise. Madame de Sartines fut encore pour elle un ange consolateur, et fortifiant sa faiblesse, donnant elle-même l'exemple, elle vint ensuite se montrer à sa mère, comme pour lui dire:

      – Aurai-je plus de courage que ma mère?

      Mais lorsque les victimes furent dans le fatal tombereau, madame de Sainte-Amaranthe reprit sa présence d'esprit; elle causa avec sa fille, encouragea son fils et son gendre, et ces infortunés bravèrent ainsi jusque dans la mort ceux qui les assassinaient.

      Tout à coup madame de Sartines, qui parlait avec la gravité que demandait le moment, mais avec une entière présence d'esprit, s'arrêta au milieu d'une phrase; son front pâle reçoit une teinte encore plus blanche, son œil se voile…; une larme est suspendue à sa longue paupière; sa bouche se resserre convulsivement… Ah! c'est que, parmi cette foule oiseuse qui vient voir mourir deux pauvres femmes portant la chemise rouge, parmi cette foule cruelle, son œil a rencontré celui d'un être dont le regard a fait battre son cœur plus rapidement… elle cherche encore celui du malheureux qui est venu demander un dernier signe d'amour à celle qui va mourir!.. Une douce reconnaissance émeut le cœur d'Émilie en remarquant la physionomie bouleversée de cet ami qu'elle ne doit plus revoir, et que pourtant elle aimait tant!.. À cette pensée, sa tête se penche sur sa poitrine… ses yeux se ferment… elle croit mourir avant de toucher l'échafaud…! L'échafaud…! ce mot évoqué par elle-même la fait tressaillir…; mais ce n'est pas pour elle…! quel spectacle pour le malheureux…! Émilie relève sa tête avec force…; son beau regard se promène sur cette foule avide…; elle cherche de nouveau un visage aimé…; elle a retrouvé son œil chargé de pleurs attaché sur elle… Une dernière fois attachant, appuyant son regard sur le sien, elle lui révèle, POUR LA PREMIÈRE FOIS, tous les trésors d'affection que contenait son cœur; puis, rassemblant toutes ses forces, elle le supplie, par la puissance de ce même regard, de fuir cette scène d'horreur et de deuil… D'abord, son ami ne put lui obéir…; il suivait machinalement cette charrette où sa vie était attachée… Tout à coup un cri sourd fut entendu… Émilie ouvrit les yeux…; elle tressaillit… car elle approchait en ce moment de l'échafaud!.. Mais ce n'était pas elle qui avait crié…

      BAL DES VICTIMES

      (JANVIER 1795.)

      Tout est de l'histoire chez un peuple comme nous… Nous sommes légers dans ce qui est sérieux, sérieux dans ce qui est léger; et tout cela avec un aplomb parfait. Je ne veux pas, en avançant cette opinion, soutenir une thèse défavorable à la nation française. Je dis seulement qu'elle est légère et peu réfléchie dans les grandes choses. Les infortunes les plus terribles ne laissent pas de souvenirs dès qu'elles sont éloignées, même avec les deuils les plus profonds. Cela est heureux, dira-t-on vulgairement: peut-être. Je ne crois pas que le bonheur consiste à oublier. – Il est des peines dont il faut même que le souvenir demeure comme leçon, ou même comme point de ressemblance. – En quoi que ce soit en ce monde, tout est préférable à l'oubli… L'oubli est une mort morale de l'âme et du cœur… L'oubli annonce l'absence de toute affection douce… Celui qui oublie, enfin, est un être à part dans la création, car, s'il n'a pas de souvenirs, il n'a pas d'espérances, il n'a pas de craintes; et toute la vie pourtant ne se compose que de ces continuelles péripéties. C'est par elles que notre existence est animée; c'est par elles enfin que nous sortons de l'apathie et du néant, et que nous vivons.

      Ce fut surtout au moment où la France échappa à ce massacre général dont quelques monstres l'avaient menacée, que cet oubli de toutes choses dont j'ai parlé fut frappant; à peine respirait-on! à peine était-on rassuré sur sa vie et celle des siens, qu'oubliant l'état dans lequel était encore Paris après 1794, les femmes et les hommes de tous les âges et de toutes les conditions, fatigués de larmes et de souffrances, ennuyés d'une aussi longue privation de tous plaisirs, firent un appel à toutes les joies, à tous les plaisirs. Mais un obstacle renaissait sans cesse pour s'opposer à ces joyeux desseins; on voulait rire, mais on n'osait pas; on oubliait le danger passé parce qu'il rappelait à beaucoup de gens qu'ils devraient être encore en deuil, mais on voulait bien se le rappeler pour laisser éveiller une crainte personnelle. Aucune personne de la société ayant un nom, une fortune, une position, ne voulait recevoir ni ouvrir sa maison; il y avait un reste de terreur qui parfois se soulevait encore et faisait trembler les СКАЧАТЬ



<p>25</p>

On a dit que cette lettre était de Robespierre; je le croirais sans peine.