La Guerre et la Paix (Texte intégral). León Tolstoi
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Название: La Guerre et la Paix (Texte intégral)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066445522

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СКАЧАТЬ savais que vous y seriez. J’irai souper chez vous; le puis-je? Ajouta-t-il tout bas pour ne pas gêner le vicomte, qui parlait encore.

      – Non, tu ne le peux pas,» dit André en riant et en faisant comprendre à Pierre par un serrement de main l’inutilité de sa question.

      Il allait lui dire quelque chose, lorsque le prince Basile et sa fille se levèrent, et l’on se rangea pour leur faire place.

      «Excusez-nous, cher vicomte, dit le prince en forçant aimablement Mortemart à rester assis; cette malencontreuse fête de l’ambassade d’Angleterre nous prive d’un plaisir et nous force à vous interrompre. Je regrette vivement, chère Anna Pavlovna, d’être obligé de quitter votre charmante soirée.»

      Sa fille Hélène se fraya un chemin au milieu des chaises, en retenant sa robe d’une main, sans cesser de sourire. Pierre regarda cette beauté resplendissante avec un mélange d’extase et de terreur.

      «Elle est bien belle! Dit le prince André.

      – Oui,» répondit Pierre.

      Le prince Basile lui serra la main en passant:

      «Faites-moi l’éducation de cet ours-là, dit-il en s’adressant à MlleSchérer, je vous en supplie. Voilà onze mois qu’il demeure chez moi, et c’est la première fois que je l’aperçois dans le monde. Rien ne forme mieux un jeune homme que la société des femmes d’esprit.»

      IV

      Anna Pavlovna promit en souriant de s’occuper de Pierre, qu’elle savait apparenté par son père au prince Basile. La vieille dame, qui était restée assise à côté de «la tante», se leva précipitamment et rattrapa le prince Basile dans l’antichambre. Sa figure bienveillante et creusée par les larmes n’exprimait plus l’intérêt attentif qu’elle s’était efforcée de lui donner, mais elle trahissait l’inquiétude et la crainte.

      «Que me direz-vous, prince, à propos de mon Boris?»

      Elle prononçait le mot Boris en accentuant tout particulièrement l’o.

      «Je ne puis rester plus longtemps à Pétersbourg. Dites-moi, de grâce, quelles nouvelles je puis rapporter à mon pauvre garçon?»

      Malgré le visible déplaisir et la flagrante impolitesse du prince Basile en l’écoutant, elle lui souriait et le retenait de la main pour l’empêcher de s’éloigner.

      «Que vous en coûterait-il de dire un mot à l’empereur? Il passerait tout droit dans la garde!

      – Soyez assurée, princesse, que je ferai tout mon possible, mais il m’est difficile de demander cela à Sa Majesté; je vous conseillerais plutôt de vous adresser à Roumianzow par l’intermédiaire du prince Galitzine; ce serait plus prudent.»

      La vieille dame portait le nom de princesse Droubetzkoï, celui d’une des premières familles de Russie; mais, pauvre et retirée du monde depuis de longues années, elle avait perdu toutes ses relations d’autrefois. Elle n’était venue à Pétersbourg que pour tâcher d’obtenir pour son fils unique l’autorisation d’entrer dans la garde. C’est dans l’espoir de rencontrer le prince Basile qu’elle était venue à la soirée de MlleSchérer. Sa figure, belle jadis, exprima un vif mécontentement, mais pendant une seconde seulement; elle sourit de nouveau et se saisit plus fortement du bras du prince Basile.

      «Écoutez-moi, mon prince; je ne vous ai jamais rien demandé, je ne vous demanderai plus jamais rien, et jamais je ne me suis prévalue de l’amitié qui vous unissait, mon père et vous. Mais à présent, au nom de Dieu, faites cela pour mon fils et vous serez notre bienfaiteur, ajouta-t-elle rapidement. Non, ne vous fâchez pas, et promettez. J’ai demandé à Galitzine, il m’a refusé! Soyez le bon enfant que vous étiez jadis, continua-t-elle, en essayant de sourire, pendant que ses yeux se remplissaient de larmes.

      – Papa! Nous serons en retard,» dit la princesse Hélène, qui attendait à la porte.

      Et elle tourna vers son père sa charmante figure.

      Le pouvoir en ce monde est un capital qu’il faut savoir ménager. Le prince Basile le savait mieux que personne: intercéder pour chacun de ceux qui s’adressaient à lui, c’était le plus sûr moyen de ne jamais rien obtenir pour lui-même; il avait compris cela tout de suite. Aussi n’usait-il que fort rarement de son influence personnelle; mais l’ardente supplication de la princesse Droubetzkoï fit naître un léger remords au fond de sa conscience. Ce qu’elle lui avait rappelé était la vérité. Il devait en effet à son père d’avoir fait les premiers pas dans la carrière. Il avait aussi remarqué qu’elle était du nombre de ces femmes, de ces mères surtout, qui n’ont ni cesse ni repos tant que le but de leur opiniâtre désir n’est pas atteint, et qui sont prêtes, le cas échéant, à renouveler à toute heure les récriminations et les scènes. Cette dernière considération le décida.

      «Chère Anna Mikhaïlovna, lui dit-il de sa voix ennuyée et avec sa familiarité habituelle, il m’est à peu près impossible de faire ce que vous me demandez; cependant j’essayerai pour vous prouver mon affection et le respect que je porte à la mémoire de votre père. Votre fils passera dans la garde, je vous en donne ma parole! Êtes-vous contente?

      – Cher ami, vous êtes mon bienfaiteur! Je n’attendais pas moins de vous, je connaissais votre bonté! Un mot encore, dit-elle, le voyant prêt à la quitter. Une fois dans la garde… et elle s’arrêta confuse… Vous qui êtes dans de bons rapports avec Koutouzow, vous lui recommanderez bien un peu Boris, n’est-ce pas, afin qu’il le prenne pour aide de camp? Je serai alors tranquille, et jamais je ne…»

      Le prince Basile sourit:

      «Cela, je ne puis vous le promettre. Depuis que Koutouzow a été nommé général en chef, il est accablé de demandes. Lui-même m’a assuré que toutes les dames de Moscou lui proposaient leurs fils comme aides de camp.

      – Non, non, promettez, mon ami, mon bienfaiteur, promettez-le-moi, ou je vous retiens encore!

      – Papa! Répéta du même ton la belle Hélène, nous serons en retard.

      – Eh bien! Au revoir, vous voyez, je ne puis…

      – Ainsi, demain vous en parlerez à l’empereur?

      – Sans faute; mais quant à Koutouzow, je ne promets rien!

      – Mon Basile,» reprit Anna Mikhaïlovna en l’accompagnant avec un sourire de jeune coquette sur les lèvres, et en oubliant que ce sourire, son sourire d’autrefois, n’était plus guère en harmonie avec sa figure fatiguée. Elle ne pensait plus en effet à son âge et employait sans y songer toutes ses ressources de femme. Mais, à peine le prince eut-il disparu, que son visage reprit une expression froide et tendue. Elle regagna le cercle au milieu duquel le vicomte continuait son récit, et fit de nouveau semblant de s’y intéresser, en attendant, puisque son affaire était faite, l’instant favorable pour s’éclipser.

      «Mais que dites-vous de cette dernière comédie du sacre de Milan? Demanda MlleSchérer, et des populations de Gênes et de Lucques qui viennent présenter leurs vœux à M. Buonaparte. M. Buonaparte assis sur un СКАЧАТЬ