Название: Perdus Pour Toujours
Автор: Nuno Morais
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Жанр: Героическая фантастика
isbn: 9788835424628
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Entre-temps, nous arrivons à l’arrêt Marquês où nous devons changer de métro et où nous avons dû faire une des sorties les plus rapides des annales du métro. Nous montons jusqu’au hall où se trouve la billetterie et prenons les escaliers pour descendre de l’autre côté. Nous arrivons pile à temps pour prendre le métro de Campo Grande qui est beaucoup moins rempli et où personne n’a l’air de vouloir discuter avec nous. Le métro est un des nouveaux véhicules en circulation, avec des écrans LCD installés en haut de chaque fenêtre, qui retransmettent des publicités sans interruption, alternant avec les habituelles affiches plastifiées, pour les annonceurs qui ne peuvent pas se payer des publicités vidéo. Les wagons sentent encore le neuf, les tagueurs n’ont encore laissé que peu de marques ou de signatures à l’encre indélébile qu’ils ont l’habitude d’utiliser pour être sûrs que personne ne puisse les effacer, comme si ces marques étaient magiques et représentaient une partie d’eux-mêmes. Les publicités des écrans sont muettes avec des sous-titres occasionnels, entièrement pensées et adaptées pour être retransmises dans le métro, tandis que le système sonore nous distrait avec une compilation de musiques jazz parmi lesquelles je reconnais Benny Goodman, Sidney Bechet, Stan Getz, Louis Armstrong et Chet Baker ; aujourd’hui la personne qui a choisi avait bon goût.
Le métro de Lisbonne arrive parfois à nous surprendre avec ces petites choses, qui ne compensent cependant par aucun moyen le manque d’ascenseurs ou d’escalators du quai jusqu’à la rue dans toutes les stations, mais qui servent tout de même à rendre nos voyages plus supportables.
Parfois je me demande si je suis le seul à penser à cela et je me demande en même temps comment font les personnes qui ont des bébés, des enfants dans les bras ou les personnes handicapées ; elles ne doivent sûrement pas pouvoir aller où elles veulent ou doivent alors aller d’autobus en autobus ou prendre leur voiture, qui ne sont vraiment pas les manières les plus rapides pour se déplacer à Lisbonne.
Becca me tire la manche et j’arrête alors immédiatement de penser aux escalators et autre ascenseurs inexistants pour écouter ce qu’elle veut me dire. « Kalle, on peut manger une glace ? », à cette heure de la matinée ? « Non bébé, il est encore trop tôt » Elle ne se montre pas satisfaite de ma réponse et revient tout de suite à la charge : « Et cet après-midi on pourra manger une glace ? Tu sais les grandes ? » Je lui dis que oui, en sachant très bien qu’elle n’aura pas oublié et que cet après-midi je devrai évidement lui acheter une glace. Grande, de préférence – même si ce qualificatif dans ce cas est assez subjectif : un jour c’est un grand cornetto, un autre jour ça peut être un solero et encore un autre jour ça peut être un perna-de-pau qui ne mérite pas tellement cette distinction.
Nous sortons à Campo Pequeno, je l’aide à monter les escaliers jusqu’à la billetterie et ensuite jusqu’à la rue – ce serait plus facile si elle n’insistait pas pour tout faire toute seule. Parfois, je me dis qu’il serait mieux si elle que je la porte encore dans les bras.
Nous remontons l’avenue, tournons à droite et plus ou moins au milieu de la rue nous entrons dans l’école maternelle Luso-Espagnole Sancho Pança, ouverte, il y a près de trente ans, par une amie de ma grand-mère qui a déménagé à Lisbonne avec son mari.
La plupart des éducatrices sont espagnoles, bien qu’il y ait aussi quelques portugaises. Les enfants se parlent espagnol entre eux. Ce sont en majorité des enfants d’espagnols ou de sud-américains qui, pour une raison ou une autre, sont à Lisbonne, ou comme dans le cas de Becca, ont de la famille en Espagne et qu’il est important de ne pas perdre le contact avec la langue. C’est une petite maison sympathique du début de XXème siècle que Madame Pilar a petit à petit transformé en un sympathique foyer pour les enfants âgés d’un à sept ans. Ce qu’il y a de mieux dans cette école, c’est son énorme jardin, plein de jouets en bois et en plastique ainsi qu’un grand bac à sable pour que les enfants puissent jouer. Becca adore passer ses journées là-bas.
Au début – Becca a commencé la crèche peu avant son premier anniversaire – ma mère et ma sœur avait peur qu’autant de contact avec l’espagnol lui fasse oublier le suédois, qu’elles cherchaient à lui enseigner à la maison. Cependant, nous nous sommes vite aperçus qu’il n’y avait aucun risque que cela se produise. Elle utilisait les mots suédois qu’elle apprenait avec elles et moi et les mots espagnols et portugais avec mon père et ma grand-mère – la plupart du temps en semblant savoir distinguer les langues les unes des autres mais aussi les personnes avec qui les utiliser.
Les premiers temps, nous faisions attention à ce que ce soient les mêmes personnes qui lui parlent les mêmes langues, mais maintenant, et par la force des choses, j’alterne d’une langue à l’autre pour la maintenir intéressée et en général elle ne se trompe pas. Nous pensions encore que la langue la plus difficile à maintenir serait le portugais, mais avec tant d’enfants bilingues à l’école, et tous les autres rencontrés avec qui elle ne parle que portugais, en peu de temps elle parlait les trois langues avec la même aisance.
Mais même ainsi, j’ai pensé qu’il valait mieux lui trouver une enseignante de suédois afin de la maintenir exposée à la langue, car même si nous avons une tonne de DVD avec des dessins animés et des films en suédois, je ne pense pas qu’elle puisse beaucoup apprendre avec Pippi et Bamse.
Je la laisse à Ana, qui est une des éducatrices de son groupe, et qui semble presque avoir plus de peine de me voir partir que Becca. Quelle différence par rapport à avant ! Quand elle a commencé à venir, il fallait que nous restions un peu avec elle, et ensuite on pouvait la laisser seule et venir la chercher quand elle commençait à pleurer et à réclamer sa mère. Cela a duré pratiquement un mois. Maintenant, dès qu’elle voit Carmen ou Ana, c’est comme si je m’étais évaporé, je n’existe purement et simplement plus. Et si elles ne lui disent pas de me dire au revoir, elle ne le fait même pas. Même si c’est vrai que c’est bien, c’est quand même un peu triste de les voir devenir indépendants. Un jour elle me demandera les clés de la voiture et me dira de ne pas l’attendre avant le petit-déjeuner…
Qui aurait pu penser il y a quelques années que je dirais ça aujourd’hui, la paternité, encore que ce n’est qu’un prêt, fait vraiment changer les gens.
DEUX
J’arrive au bureau rue Garrett un peu après huit heures, comme d’habitude, c’est moi qui ouvre la porte et désactive l’alarme qui orne depuis un an l’entrée principale. Les services de nettoyage n’arrivent pas avant neuf heures, les secrétaires embauchent à neuf heures et demie et les autres avocats aux environs de dix heures. Nous occupons les quatre derniers étages de cet immeuble reconstruit et transformé depuis l’incendie de quatre-vingt-huit – pas celui ayant détruit le reste du Chiado. Mon bureau se situe dans la partie arrière du troisième étage, le même qui était celui de mon père, avec vue sur le fleuve.
L’entreprise s’est énormément développée ces dernières années, mon père disait qu’elle s’était trop développée, trop vite et que l’idée originale d’être СКАЧАТЬ