Cadio. George Sand
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Название: Cadio

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066082918

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СКАЧАТЬ et je vous somme de me la dire.

      LE COMTE, (irrité.) Vous me sommez... (Devant la courageuse attitude de Le Moreau, il se trouble et il se tord les mains en silence.)

      LE MOREAU. Eh bien, monsieur?

      LE COMTE. Eh bien!... il est vrai, je me sépare de vous.

      LE MOREAU. Au moment du danger?

      LE COMTE. Le danger est égal de part et d'autre, et, d'ailleurs...

      LE MOREAU. Ne répliquez pas, monsieur, la vérité vous écrase. Ah! la noblesse! voilà comme toujours la récompense de nos alliances avec elle, de notre confiance dans ses protestations de civisme, de notre engouement imbécile pour ses détestables séductions! C'est ainsi que, spéculant sur notre candeur, elle nous berne et nous crache au visage! Ah! bourgeois, pauvres dupes, pauvres sots que nous sommes! nous méritons bien ce qui nous arrive. Ceci servira de leçon à quelques-uns, j'espère; mais ceux de nous qui vous eussent épargnés vont devenir atroces d'indignation et de vengeance: ce sera vous qui l'aurez voulu, messieurs les traîtres! Malheur à vous! nous accepterons le règne de la terreur plutôt que votre amitié perfide. Pour ma part, je sors d'ici en secouant la poussière de mes pieds, comme d'un lieu maudit où le canon républicain fera bien de ne pas laisser pierre sur pierre. (Il sort.)

      LE COMTE. Insolent!... non, honnête homme! O mon Dieu! qu'ai-je fait? et où m'entraîne le point d'honneur? (On entend des cris et le tocsin.) Que se passe-t-il? le tocsin, sans mon ordre? (Un coup de fusil très près. Louise entre, venant de l'intérieur. Elle est en costume d'amazone.) Louise, qu'est-ce que cela?

      LOUISE. Je ne sais pas. (Elle va à la fenêtre.)

      LE COMTE, (l'en retirant convulsivement). Ne reste pas là, va-t'en! (Il va pour sortir.--Le Moreau, sanglant, blessé à la figure, paraît au fond de la seconde salle; il élève son chapeau en l'air et crie: «Vive la nation!» et «Vive la République!» Un second coup de fusil, partant de l'escalier, l'atteint en pleine poitrine. Il tombe mort sur le seuil. On entend crier sur l'escalier: «A bas le municipal!»)

      LE COMTE. Ah! les misérables! (Il s'élance, l'épée à la main, sur ses paysans qui paraissent au fond, armés de fusils et de faux. Mézières se précipite à sa rencontre et le force à reculer en le couvrant de son corps.)

      MÉZIÈRES. Arrêtez! ils sont furieux, ils ne se connaissent plus! (Louise aussi s'est élancée au-devant des paysans, qui s'arrêtent devant elle.)

      LOUISE, (aux paysans, montrant le cadavre de Le Moreau.) Malheureux que vous êtes! Cent contre un! c'est odieux! c'est lâche!

      LE COMTE, (exaspéré.) Assassins! vous êtes des assassins! (Les paysans s'arrêtent consternés, quelques-uns emportent Le Moreau.) Ah! ma fille, voilà ce que c'est que la guerre civile! et tu la désirais! (Il tombe sur un siége, suffoqué.)

      LOUISE. Mon père, il faut s'y jeter pour contenir ceux qui déshonorent la cause! C'est le devoir, vous le voyez bien!

      LE COMTE, (se relevant avec énergie.) Oui, contenir et châtier! (Aux paysans.) Qui a fait cela? qui a assassiné chez moi?

      PLUSIEURS PAYSANS. C'est pas moi!--Ni moi!--Ni moi!

      LE COMTE, (à Tirefeuille qui paraît, le fusil à la main.) Est-ce toi, coquin?

      TIREFEUILLE, (farouche.) Oui, c'est moi! Après?

      LE COMTE. Et qui encore?

      TIREFEUILLE, (montrant un camarade.) Y a lui, La Mouche; on a tiré chacun son fusil. On n'est pas dans les maladroits.

      LE COMTE, (le prenant au collet avec vigueur.) A moi, vous autres! Honnêtes gens, qui n'avez pu empêcher cette infamie, prenez-moi ces deux brutes et jetez-les au cachot. Je les abandonne à la vengeance de nos ennemis! (Les paysans font un mouvement pour obéir et s'arrêtent. Mézières tient Tirefeuille en respect.)

      UN PAYSAN. Oui... mais... dites donc, monsieur le comte, faut pourtant savoir si vous êtes pour ou contre nous!

      LE COMTE. Je suis votre capitaine et je vous mène à la guerre pour le roi et la religion.

      TOUS. Vive notre capitaine, et en route!

      TIREFEUILLE et LA MOUCHE. Oui, oui, en route, et tout de suite!

      LE COMTE, (les montrant aux autres paysans.) Ces deux hommes au cachot d'abord, ou, devant vous, je me brûle la cervelle!

      LES PAYSANS. Oh!... pourquoi ça?

      UN PAYSAN. Oui, pourquoi, monsieur le comte?

      LE COMTE, (exalté.) Parce que, si je ne suis pas obéi, je vais faire avec vous une guerre de démons, et non une guerre de chrétiens! J'aime mieux mourir que de vous conduire à la damnation éternelle!

      LE PAYSAN. Il a raison... oui, oui... c'est vrai, ça!

      TOUS. Oui, oui, vive Sauvières!

      LE PAYSAN. Vive la religion! au cachot les assassins!

      TOUS, (s'emparant de Tirefeuille et de La Mouche.) Au cachot! Vive Sauvières et la religion! (Ils sortent.)

      MÉZIÈRES. Tout est prêt, monsieur le comte; il faut monter à cheval. Je vais vous habiller.

      LE COMTE, (à Louise, qui s'est jetée dans ses bras.) Ah! Louise, quel commencement et quel présage! Le seuil de ma maison est souillé du sang innocent; j'ai mérité de le franchir pour la dernière fois! (Il sort par l'intérieur, Mézières le suit.)

      SCÈNE X.--LOUISE, MARIE, entrant.

      LOUISE, (se jetant dans ses bras.) Ah! où étais-tu? Chère Marie, je suis brisée!

      MARIE. Je sais tout, je me suis hâtée de faire vos préparatifs et les miens.

      LOUISE. Les tiens? Tu retournes dans ta famille?

      MARIE. Quand vous avez besoin de moi? A quoi songez-vous, Louise?

      LOUISE. Vraiment? Ah! brave fille!... Mais c'est impossible, tu n'es royaliste ni par situation ni par croyance. Tu ne peux pas renier tes parents, ton milieu, ton opinion pour venir partager nos périls, nos revers peut-être!

      MARIE. Ma famille, qui se réduit à une vieille tante et à un frère infirme, a vécu du travail que votre amitié m'a procuré chez vous. Une petite pension vient de leur être accordée à la considération d'un cousin que nous avons sous les drapeaux et qui sert bien la République. Moi, je suis libre, je n'ai besoin de rien, et je vous servirai mieux qu'une femme de chambre, si dévouée qu'elle soit.

      LOUISE. Toi, me servir?...

      MARIE. Oui, moi, car ce ne sont plus seulement des soins matériels qu'il vous faut; c'est une amitié à l'épreuve de tout, c'est du courage pour soutenir le vôtre, c'est en un mot ce que l'on ne peut ni exiger ni obtenir pour de l'argent, mais ce qu'on doit accepter d'un coeur reconnaissant, sous peine de l'offenser en doutant de lui!

      LOUISE. Ah! chère amie, viens, alors! oui, avec toi je serai capable de tout supporter! Ah! que j'ai besoin de toi! Mon âme est déjà éperdue, je tremble d'avoir mal СКАЧАТЬ