Le Pays de l'or. Hendrik Conscience
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le Pays de l'or - Hendrik Conscience страница 4

Название: Le Pays de l'or

Автор: Hendrik Conscience

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066090203

isbn:

СКАЧАТЬ malin, beaucoup trop malin quelquefois!

      La barque atteignit le navire, et les voyageurs furent salués par une salve d'applaudissements. Le Jonas avait déjà levé l'ancre et tendu ses voiles. Bientôt il prit le vent et avança sous l'impulsion d'une fraîche brise.

      Alors, le navire lâcha sa bordée pour dire adieu à la ville d'Anvers; les canots du fort répondirent à ce salut, les marins agitaient leurs chapeaux sur les mâts, les passagers remplissaient l'air de leurs cris de triomphe, les quais retentissaient des souhaits de bonheur de la foule; et le Jonas glissa majestueusement en avant, au bruit du canon qui grondait et des gigantesques acclamations des milliers de spectateurs.

      Donat Kwik était le plus en train; il bondissait de droite à gauche comme un insensé, les bras levés et criait: «Hourra! hourra!» d'une voix si forte, que ses cris retentissaient au-dessus de ceux des autres passagers, pareils au braiment d'un âne. Comme il heurtait tout le monde, il recevait par-ci par-là un coup de poing dans le dos ou un coup de pied dans les jambes; mais il n'y faisait pas attention et beuglait à perdre haleine.

      Il remarqua ses deux compagnons de la barque qui, debout derrière la batterie, se montraient sur le quai l'endroit où ils croyaient que se trouvaient leurs parents, quoique la foule n'apparût plus à leurs yeux que comme une tache noire confuse. Donat passa la tête entre eux et dit grossièrement:

      —Eh! eh! pardieu, camarades, sommes-nous malades? Je veux dire:

       Messieurs, avons-nous du chagrin?

      —Sur ma parole, dit Jean courroucé, si tu continues à nous ennuyer, je te casse le cou, entends-tu, Donat Kwik?

      —Mais il n'y a pas là-dessous, dans la troisième classe, âme qui vive pour me comprendre! Répondit Donat. Ils sont aussi stupides que des veaux; ils baragouinent un patois inintelligible, et ils ne connaissent même pas un mot de flamand.

      —C'est égal, va-t'en, te dis-je!

      Le paysan, voyant que c'était sérieux, s'éloigna en traînant les jambes et grommela en lui-même:

      —Qu'ils sont fiers, ces messieurs de la ville! Comme si je ne devais pas trouver autant d'or qu'eux, et même davantage. Si mes compatriotes ne veulent pas causer avec moi, je serai donc obligé de me coudre la bouche? Allons, allons, vive la joie!… Hourra! hourra! vive la Californie!

      Et, tournant sur lui-même comme une toupie et balançant les bras comme un moulin à vent, il sauta au milieu d'un groupe de gens joyeux.

      En ce moment, le Jonas tourna derrière la Tête-de-Flandre, et la ville d'Anvers disparut aux regards des passagers. Les voiles s'enflèrent sous un vent favorable. Le joli brick pencha légèrement de côté et s'élança avec un redoublement de vitesse à travers les vagues agitées.

      —Viens, Victor, dit Jean en prenant la main de son ami, descendons pour dire un mot à nos provisions et déboucher une bouteille de madère.

      —Oui, oui, répondit Victor avec enthousiasme, l'heureux voyage est commencé. Hourra! Buvons un coup là-dessus! L'avenir nous appartient.

      Pendant qu'ils parlaient de leurs projets et de leurs espérances en buvant un verre dans l'entre-pont, le Jonas descendait le cours de l'Escaut jusqu'à la hauteur de Calloo, où on laissa tomber l'ancre pour attendre la marée du lendemain.

      Le capitaine, malgré son air dur et sévère, se montrait fort aimable envers les passagers. Il semblait les encourager à passer encore la dernière heure du jour dans la gaieté; serrait, en se promenant, la main aux uns, offrait aux autres d'excellents cigares, et fit même monter quelques bouteilles de rhum, pour en verser un verre à ceux qui le désiraient. Un murmure approbateur s'élevait sur son passage, et le cri de «Vive notre brave capitaine!» retentissait autour de lui.

      Pendant ce temps, les matelots échangeaient entre eux des regards mystérieux, et semblaient se dire que les manières amicales du capitaine cachaient un secret.

      Le capitaine laissa les passagers s'amuser jusqu'à dix heures du soir; mais alors il leur fit comprendre, avec bonté, que chacun devait aller se coucher dans la cabine qui lui était désignée. On aida des gens fatigués à trouver leur lit, et le silence le plus complet régna enfin sur le pont.

      Vers minuit, les barques quittèrent silencieusement le bâtiment et se dirigèrent vers la côte flamande de l'Escaut, puis revinrent aussi mystérieusement avec de nouveaux passagers. Immédiatement après, les marins, s'éclairant au moyen de lanternes, tirèrent d'une cachette des planches de sapin, et se mirent à clouer et marteler si fort, que le pont en fut ébranlé. Ce travail nocturne avait pour but d'ajuster, au moyen de ces planches préparées d'avance, des lits pour les nouveaux arrivants. Les passagers, endormis dans leurs cabines, ne s'étonnèrent guère de ce vacarme, car on avait eu la précaution de les avertir que, pendant la nuit, on construirait, pour leur facilité, une nouvelle cuisine.

      Il existe dans le port d'Anvers, comme ailleurs, des règlements qui déterminent le nombre de voyageurs qu'un bâtiment peut prendre en raison de sa grandeur. Une commission visite les navires avant leur départ, compte les voyageurs, mesure la place assignée à chacun d'eux dans l'entre-pont, et pèse et examine les provisions, pour s'assurer que les personnes qui s'embarquent ne manqueront ni d'espace ni de la nourriture suffisante. Sur le Jonas, on avait trouvé assez d'espace, des provisions plus qu'il n'en fallait et tout était en règle pour cent hommes, sans compter les matelots. Mais, pendant que la commission inspectrice achevait sa visite par les mots sacramentels: All right! le dernier convoi du chemin de fer de la Flandre amena encore une cinquantaine de chercheurs d'or, tous Français, des environs de Lille et de Douai, qui furent conduits à Calloo par des gens apostés à cet effet, pour s'embarquer secrètement à minuit sur le Jonas. Le résultat de cette fraude était un bénéfice net de trente ou quarante mille francs pour celui en faveur duquel elle avait été pratiquée; car on recevait le prix du voyage de cinquante passagers que, d'après les dispositions de la loi, l'on ne pouvait pas prendre à bord.

      L'accumulation de tant de monde pouvait être une cause de grande gêne; mais le capitaine semblait s'en inquiéter fort peu. Il répondit à une remarque de son pilote:

      —Cela ira, Corneille. Il y a assez de provisions; on diminuera la ration; si c'est nécessaire.

      —Mais l'eau, capitaine? Il n'y en a pas la moitié de ce qu'il faut pour tant de monde!

      —Je le sais, Corneille. Cela prend trop de place; nous renouvellerons notre provision dans le premier port d'Amérique.

      —Les passagers ne seront pas peu étonnés de l'arrivée de tant de nouveaux compagnons…

      —Bah! cela importe peu, si nous pouvons seulement prévenir les plaintes jusqu'à ce que nous soyons sortis de l'Escaut… Une fois en pleine mer, je saurai bien leur fermer le museau.—Dis à Jacques, le cuisinier en chef, d'allumer le feu tout à l'heure et de faire cuire des biftecks pour tous. On leur donnera à leur déjeuner un bon verre de rhum. Tu verras, Corneille, la venue de ces nouveaux compagnons ne fera que les réjouir. Veille à ce que tout soit prêt pour lever l'ancre à la première lueur du jour. Le bâtiment doit être sous voiles avant que les passagers aient quitté leurs cabines.

      Le pilote se dirigea vers l'autre extrémité du pont pour aller trouver le cuisinier en chef; il se frottait les mains en marchant et chantonnait entre ses dents:

      Plus on est de fous, plus on rit!

       СКАЧАТЬ