Le Pays de l'or. Hendrik Conscience
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Название: Le Pays de l'or

Автор: Hendrik Conscience

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066090203

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СКАЧАТЬ dont l'arrivée avait été annoncée par le frère de Jean se montrèrent bientôt au coin de la rue. C'était une dame déjà vieille, qui marchait en parlant à côté d'un jeune homme et lui pressait la main avec une tendresse inquiète, pendant que lui dirigeait vers le Jonas, pavoisé comme aux jours de fête, des yeux où brillait une joyeuse excitation.

      Derrière eux venait un homme avec des joues tannées et de larges favoris, qui donnait le bras à une très-jeune fille au visage charmant et délicat, et s'efforçait de lui faire comprendre, en riant et en plaisantant, qu'un voyage en mer n'était pas plus dangereux qu'une petite excursion à Bruxelles par le chemin de fer.

      —Victor, Victor, dépêche-toi! on lève déjà l'ancre là-bas! s'écria Jean, qui se tenait debout dans une barque. On nous annonce qu'il n'y a plus de temps à perdre.

      Lorsque la veuve regarda, du bord de l'Escaut, le faible esquif qui allait dans quelques minutes lui enlever, pour toujours peut-être, son fils bien-aimé, les larmes tombèrent sur ses joues et elle le pressa en sanglotant dans ses bras. Ce tendre embrassement émut profondément Victor, et il s'efforça de consoler et de tranquilliser sa mère affligée par de douces paroles, et en lui promettant plus d'aisance et de bonheur pour ses vieux jours.

      Il fût resté longtemps encore sur le coeur de sa mère, sourd à l'appel de son ami; mais le vieux capitaine, l'oncle de Lucie, l'arracha de ses bras en se moquant de cet excès d'attendrissement. Jean, de son côté, criait plus fort que jamais que la barque ne pouvait attendre plus longtemps.

      Victor prit les deux mains de la jeune Lucie dans les siennes et pénétra par un long regard jusqu'au fond de son coeur; ses yeux demandaient: «M'attendras-tu? Ne m'oublieras-tu pas?» La demande et la réponse devaient être toutes les deux très-émouvantes, car un torrent de larmes roula sur le visage de la jeune fille, et le visage du jeune homme s'illumina d'une joie extrême.

      Le marin prit Victor par le bras et l'entraîna vers la barque. Le jeune homme, ému, embrassa encore sa mère et murmura à son oreille les plus ardentes paroles d'amour.

      —Eh bien, puisque Dieu l'a permis, dit-elle en sanglotant, va, mon fils; je prierai pour toi tous les jours, toutes les heures. Ne m'oublie pas! N'oublie pas ta mère!

      Victor descendit dans le canot: les rames plongèrent dans le fleuve… En ce moment, on vit accourir de loin un jeune homme qui agitait ses bras au-dessus de sa tête, avec des gestes inquiets, et qui criait:

      —Attendez un peu, pour l'amour de Dieu! Je suis Donat Kwik; j'ai payé mon passage; il faut que j'aille aussi au pays de l'or!

      Ce jeune homme paraissait être un paysan; la longue redingote bleue qui lui pendait jusqu'aux talons, son visage rouge et bouffi, son air naïf ou bête, et surtout ses grandes mains et ses membres robustes et trapus, indiquaient qu'il avait quitté les travaux des champs pour courir également après la fortune.

      Son premier pas ne fut cependant point heureux. Dans sa crainte que le canot ne partît sans lui, il sauta avec une précipitation aveugle sur le bord du léger esquif et culbuta dans l'eau la tête la première.

      Un matelot le saisit par les cheveux; un second, aidé de Jean, le tira dans la barque, au milieu des éclats de rire et des applaudissements des bourgeois réunis sur le quai.

      Le paysan regarda autour de lui avec embarras, se frotta la tête, rejeta une gorgée d'eau et murmura tout stupéfait:

      —Camarades, il y a, pardieu! trop de sel dans la soupe! Vous n'aviez pas besoin non plus d'arracher la moitié de mes cheveux: je nage comme une anguille…

      Mais, comme le canot bondit tout à coup sous la vive impulsion des rames, Donat Kwik tomba en arrière sur un banc et se cramponna avec frayeur au bord de l'embarcation.

      Cet incident avait à peine détourné du quai l'attention de Victor. Pendant que la barque s'éloignait avec rapidité du rivage, il tenait le regard dirigé vers l'endroit où sa mère et Lucie lui faisaient toutes sortes de gestes encourageants, comme si elles eussent cru, les âmes aimantes, qu'il était encore plus malheureux qu'elles.

      Jean était debout sur un banc. Il jeta à son père et à son frère un dernier adieu retentissant, agita son chapeau et poussa un hourra triomphant qu'on entendit jusque près des maisons du quai.

      Ces cris de joie firent un singulier effet sur Donat Kwik. Il sauta debout, s'élança au cou du joyeux jeune homme et le pressa dans ses bras avec tant de force, que Jean sentit l'eau mouiller sa poitrine. Il éloigna avec une sorte de colère le grossier compagnon de voyage, et s'écria:

      —Ah ça! mon gaillard, êtes-vous fou ou gris?

      —Je crois, en effet, que j'ai un petit coup dans le cerveau, répondit l'autre. Il y a de la bonne bière à Anvers, de la forte bière…

      —Ne voyez-vous pas que vous me mouillez et que vous abîmez mes vêtements?

      —Pardieu! j'avais oublié le bain froid! Bah! camarade, nous pourrons acheter là-bas autant d'habits que nous voudrons. De l'or par brouettes!

      —De quel pays êtes-vous? A votre langage, on dirait que vous venez de

       Malines? demanda Jean.

      —Vous l'avez presque deviné. Je suis Donat Kwik, un fils de paysan de Natten-Haesdonck, au delà de Rupelmonde, dans le petit Brabant, dit l'autre en bredouillant très-vite. Ma tante est morte; j'ai hérité, mais pas assez, à mon goût. Je vais chercher de l'or. A mon retour, je me marie avec Hélène, la fille du notaire, ou avec Trine, la fille du bourgmestre, ou avec la demoiselle du château. Je ramasserai tant d'or, tant, tant, que je pourrai acheter tout le village!

      Jean se retourna, en haussant les épaules, vers son ami Victor, qui répondait encore par signes au tendre adieu qu'on lui envoyait du quai, et il le plaisanta sur la visible émotion de Lucie et sur sa profonde affection pour lui.

      Donat vint interrompre la conversation. Il montra aux deux amis un morceau de papier imprimé:

      —Camarades, voyez un peu ceci… dit-il.

      —Vous devenez ennuyeux avec vos camarades! murmura Jean d'un ton courroucé.

      —Eh bien, je dirai, messieurs, puisque vous le voulez absolument, quoique je ne sois pas pauvre non plus. Allons, ne faisons pas tant de Compliments; vous devriez me dire, messieurs, ce que je tiens ici en main.

      —C'est un billet de banque anglais de cinq livres, mon ami, répondit

       Victor.

      —Oui, mais en francs?

      —Quelque chose de plus que cent vingt-cinq francs.

      —J'avais peur, pardieu! que le vieux juif chez lequel j'ai changé mon argent ne m'eût fourré en main des chiffons de papier.

      —En avez-vous beaucoup de cette espèce? Demanda Victor en souriant.

      Le paysan regarda les matelots avec défiance, et dit mystérieusement à l'oreille des deux amis:

      —J'en ai quatre: le reste de mon héritage. J'aurais bien pu placer ces cinq cents francs à intérêt chez l'agent d'affaires de notre village; mais on ne peut savoir ce qui arrivera là-bas; la prudence est la mère de la porcelaine. СКАЧАТЬ