Le Pays de l'or. Hendrik Conscience
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Название: Le Pays de l'or

Автор: Hendrik Conscience

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066090203

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СКАЧАТЬ demain, je retiens ma place sur le navire le Jonas!

      —Que tu es heureux! dit Victor en soupirant. Mon Dieu, que ne donnerais-je pas pour pouvoir être ton compagnon de voyage!

      —Tu n'as qu'à vouloir, Victor. L'oncle de Lucie n'a-t-il pas déclaré vingt fois qu'il te prêterait l'argent nécessaire, si tu osais entreprendre un voyage en Californie?

      —Et ma mère, Jean?

      —Oui, ta mère…; mais tu dois considérer que les parents sont tous les mêmes. Si nous ne faisions pas un peu d'effort pour sauter hors du nid, ils nous tiendraient sous leurs ailes, jusqu'à ce que les cheveux commencent à grisonner sur notre tête…

      —Tu ne peux croire, Jean, comme la seule idée d'une pareille résolution fait trembler une mère. L'oncle de Lucie, lorsqu'il vient chez nous, parle beaucoup des voyages lointains qu'il a faits en qualité de capitaine de vaisseau. Ma pauvre mère pâlit à la moindre allusion. Elle m'a toujours aimé si tendrement! je ne peux pas lui enfoncer le poignard dans le coeur.

      —Tu dois le savoir, c'est pourtant le seul moyen de voir s'accomplir le voeu de ton coeur. Le capitaine est un rude gaillard, il n'a pas beaucoup d'estime pour l'homme qui use sa vie courbé sur un pupitre et qui n'a vu qu'un petit coin du monde. Je gage que, si tu oses aller en Californie, à ton retour il te donnera avec joie la main de sa nièce.

      —Il m'a promis son consentement aussitôt que mes appointements atteindront deux mille francs.

      —Oui? alors tu attendras longtemps. La révolution, en France, a fait languir le commerce. Monsieur n'a-t-il pas dit avant-hier qu'il serait obligé de réduire nos appointements?

      Victor tint les yeux baissés sans rien dire.

      —Tu as peut-être peur du long voyage? Demanda l'autre.

      —Peur! moi?… s'écria Victor sortant de sa rêverie. Depuis six mois, je meurs d'envie d'entreprendre ce voyage? Non-seulement la Californie me fait entrevoir le moyen d'obtenir la main de Lucie, mais il y a encore un autre sentiment également puissant, qui me montre dans les contrées lointaines l'étoile d'un meilleur avenir. Juge, Jean: ma mère s'est imposé beaucoup de privations et a diminué son petit avoir pour pouvoir me donner une bonne éducation. Sa boutique et mes appointements subviennent à peine à notre entretien. L'instant est pourtant venu où le fruit de mon travail devrait rapporter quelque chose pour donner un peu d'aisance à ses vieux jours, et la récompenser ainsi de son amour et de ses sacrifices. J'aurais peur d'un voyage en Californie? Qui est-ce qui soupire plus ardemment que moi après cette terre promise? Le bien-être de ma mère et mon propre bonheur ne sont-ils pas là? Et n'ai-je pas des raisons pour mépriser tous les dangers, s'il en existe? Ah! si je pouvais t'accompagner, comme je remercierais Dieu pour sa bonté, même au milieu de l'adversité et de la souffrance!

      —Mais tente encore un effort, Victor. Pense qu'autrement tu te condamnes toi-même à rester toute ta vie, pâlir devant cet éternel pupitre; que ta jeunesse se passe, lente, triste et régulière comme une vieille horloge. La liberté, c'est l'espace, voilà le bonheur de l'homme; voir le monde contempler chaque jour de nouvelles merveilles, se sentir ému à chaque battement du pouls, voilà vivre!… Et alors, après deux ans d'indépendance, revenir dans sa patrie avec assez d'or pour enrichir tous ceux que nous aimons!

      —Oui, oui! s'écria Victor comme hors de lui, je le lui demanderai encore; et, s'il le faut, j'implorerai à genoux son consentement, je la supplierai par ce qu'elle a de plus cher au monde…

      —Et moi, vois-tu, je chercherai aujourd'hui le capitaine Morrelo au café, et lui dirai qu'il doit t'aider. Laisse-moi faire… La bonne idée! Nous partagerions là-bas, comme ici, le bien et le mal…

      —Tais-toi, Jean, répliqua l'autre d'une voix étouffée. J'entends monsieur qui vient au bureau.

      —Ne lui dis rien de mon départ. Mon père pourrait quelquefois changer d'avis avant demain; on ne peut pas savoir.

      —Non, mais tiens-toi tranquille; sans cela monsieur se fâcherait.

      Les deux commis prirent leurs plumes; et, lorsque la porte s'ouvrit, ils penchaient silencieusement la tête sur le papier, comme s'ils étaient restés depuis des heures absorbés dans leur travail.

       Table des matières

      LE DÉPART

      Par une chaude journée du mois de juin, deux ou trois heures avant la tombée du soir, une grande foule était réunie au bord de l'Escaut, regardant d'un oeil étonné un beau brick qui, pavillons déployés et flottant au vent, mouillait dans le port, prêt à appareiller. C'était le Jonas, équipé par la société française la Californienne: le premier vaisseau qui fît un voyage direct au pays de l'or, nouvellement découvert.

      Le pont du brick fourmillait déjà de passagers qui agitaient à tout moment leurs chapeaux en l'air et faisaient retentir sur les flots leurs cris de triomphe. Du bord de l'Escaut, on leur envoyait de brillants souhaits de bonheur. C'était comme une kermesse, comme une joyeuse fête à laquelle les habitants d'Anvers ne prenaient pas moins part que les chercheurs d'or surexcités, quoique les émigrants fussent pour la plupart des Français des départements du Nord, et que très-peu de Belges se fussent laissé séduire par le brillant appât de la Californienne.

      Une couple de barques longeaient le quai pour prendre les retardataires qui avaient passé en ville les dernières heures. On voyait voguer également quelques autres canots sur le fleuve. Chacun d'eux avait un drapeau belge au gouvernail, et ceux qui le montaient envoyaient leurs adieux à la ville d'Anvers et à l'Europe, et faisaient un tel vacarme en entrant et en battant des mains, qu'ils avaient l'air de gens ivres ou fous.

      En ce moment, trois personnes, un bourgeois avec ses deux fils, sortirent en hâte d'une rue aboutissant au quai et se dirigèrent vers le lieu où se trouvaient les barques.

      —Vois, vois, mon père, dit l'aîné des deux jeunes gens, voilà le Jonas qui attend avec impatience.

      —Que Dieu le protège! dit en soupirant le vieux bourgeois.

      —Mais allez-vous vous attrister maintenant, mon père? dit le jeune homme en riant. Que sont deux années dans la vie d'un homme? J'en ai usé au moins six devant un stupide pupitre. Pas d'inquiétude! au contraire, soyez content et ayez confiance. Je reviendrai avec des monceaux d'or, avec des trésors, et ce sera mon orgueil d'avoir procuré à mon père et à mon frère une vie douce et paisible. Ainsi, ne soyez pas inquiet: vous n'aurez jamais de raisons de regretter ce voyage… Mais où reste donc Victor? Aurait-il mal aux jambes, maintenant que l'heure décisive est arrivée?

      —Sa mère et lui ont tant de choses à se dire! murmura le vieux bourgeois.

      —Vois, Jean, ils viennent là-bas, remarqua le frère. Cette pauvre Lucie Morrelo, elle marche la tête haute et paraît contente; mais la servante du capitaine m'a dit que, depuis huit jours, elle ne fait que pleurer lorsqu'elle est seule.

      —Tant mieux, mon frère.

      —Comment cela?

      —Certainement, c'est une preuve qu'elle aime sincèrement СКАЧАТЬ