Madame Thérèse. Erckmann-Chatrian
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Читать онлайн книгу Madame Thérèse - Erckmann-Chatrian страница 7

Название: Madame Thérèse

Автор: Erckmann-Chatrian

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066084783

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СКАЧАТЬ le commandant crier: «Feu!» Puis un coup de tonnerre, puis rien que le bourdonnement de mes oreilles. Tout le côté du carré tourné vers la rue venait de faire feu à la fois; les vitres de nos fenêtres tombaient en grelottant; la fumée entrait dans la chambre avec des débris de cartouches, et l'odeur de la poudre remplissait l'air.

      Moi, les cheveux hérissés, je regardais, et je voyais les Croates sur leurs grands chevaux, debout dans la fumée grise, bondir, retomber et rebondir, comme pour grimper sur le carré; et ceux de derrière arriver, arriver sans cesse, hurlant d'une voix sauvage: «Forvertz!1 forvertz!»

      «Feu du second rang!» cria le commandant, au milieu des hennissements et des cris sans fin.

      Il avait l'air de parler dans notre chambre, tant sa voix était calme.

      Après les feux de peloton2 commencèrent les feux de file.2 Les Croates tourbillonnaient autour du carré, frappant au loin de leurs grandes lattes; de temps en temps un chapeau tombait, quelquefois l'homme. Un de ces Croates, repliant son cheval sur les jarrets, bondit si loin qu'il franchit les trois rangs et tomba dans le carré; mais alors le commandant républicain se précipita sur lui, et d'un furieux coup de pointe3 le cloua pour ainsi dire4 sur la croupe de son cheval; je vis le Républicain retirer son sabre rouge jusqu'à la garde; cette vue me donna froid; j'allais fuir, mais j'étais à peine levé que les Croates firent volte-face et partirent, laissant un grand nombre d'hommes et de chevaux sur la place.

      Les chevaux essayaient de se relever, puis retombaient. Cinq ou six cavaliers, pris sous leur monture, faisaient des efforts pour dégager leurs jambes; quelques-uns, ne pouvant endurer ce qu'ils souffraient, demandaient en grâce qu'on les achevât. Le plus grand nombre restaient immobiles.

      Pour la première fois je compris bien la mort.

      Dans les rangs des Républicains il y avait aussi des places vides, des corps étendus sur la face, et quelques blessés, les joues et le front pleins de sang.

      Le commandant, à cheval près de la fontaine, faisait serrer les rangs.1 On entendait les trompettes des Croates sonner la retraite. Au tournant de la rue, ils avaient fait halte; une de leurs sentinelles2 attendait là, derrière l'angle de la maison commune;3 on ne voyait que la tête de son cheval. Quelques coups de fusil partaient encore.

      «Cessez le feu!» cria le commandant.

      Et tout se tut; on n'entendit plus que la trompette au loin.

      La cantinière fit alors le tour des rangs à l'intérieur, pour verser de l'eau-de-vie aux hommes, tandis que sept ou huit grands gaillards allaient puiser de l'eau à la fontaine, dans leurs gamelles, pour les blessés, qui tous demandaient à boire d'une voix pitoyable.

      Moi, penché hors de la fenêtre, je regardais au fond de la rue déserte, me demandant si les manteaux rouges4 oseraient revenir. Le commandant regardait aussi dans cette direction, et causait avec un capitaine appuyé5 sur la selle de son cheval. Tout à coup le capitaine traversa le carré, écarta les rangs et se précipita chez nous en criant:

      «Le maître de la maison?

      --Il est sorti.

      --Eh bien... toi... conduis-moi dans votre grenier...vite!»

      Je laissai là mes sabots,6 et me mis à grimper l'escalier au fond de l'allée comme un écureuil.

      Le capitaine me suivait. En haut, il vit du premier coup d'oeil l'échelle du colombier et monta devant moi. Dans le colombier il se posa les deux coudes au bord de la lucarne un peu basse, se penchant pour voir. Je regardais par-dessus son épaule. Toute la route, à perte de vue, était couverte de monde: de la cavalerie, de l'infanterie, des canons, des caissons, des manteaux rouges, des pelisses vertes,1 des habits blancs, et tout cela s'avançait vers le village.

      «C'est une armée!» murmurait le capitaine à voix basse.

      Il se retourna brusquement pour redescendre, mais s'arrêtant sur une idée, il me montra le long du village, à deux portées de fusil, une file de manteaux rouges qui s'enfonçaient dans un repli de terrain derrière les vergers.

      «Tu vois ces manteaux rouges? dit-il.

      --Oui.

      --Est-ce qu'un chemin de voiture passe là?

      --Non, c'est un sentier.

      --Et ce grand ravin qui le coupe au milieu, droit devant nous, est-ce qu'il est profond?

      --Oh! oui.

      --On n'y passe jamais avec les voitures et les charrues?

      --Non, on ne peut pas.»

      Alors, sans m'en demander davantage, il redescendit l'échelle et se jeta dans l'escalier. Je le suivais; nous fûmes bientôt en bas, mais nous n'étions pas encore au bout de l'allée, que l'approche d'une masse de cavalerie faisait frémir les maisons. Malgré cela, le capitaine sortit, traversa la place, écarta deux hommes dans les rangs et disparut.

      Des milliers de cris brefs, étranges, semblables à ceux d'une nuée de corbeaux: «Hourrah! hourrah!» remplissaient alors la rue d'un bout à l'autre, et couvraient presque le roulement sourd du galop.

      Moi, tout fier d'avoir conduit le capitaine dans le colombier, j'eus l'imprudence de m'avancer sur la porte. Les houlans1 arrivaient comme le vent. Ce fut comme une vision, et ce n'est qu'au moment où la fusillade recommença que je me réveillai comme d'un rêve, au fond de notre chambre, en face des fenêtres brisées.

      L'air était obscurci, le carré tout blanc de fumée. Le commandant se voyait seul derrière, immobile sur son cheval, près de la fontaine; on l'aurait pris pour une statue de bronze, à travers ce flot bleuâtre, d'où jaillissaient des centaines de flammes rouges. Les houlans, comme d'immenses sauterelles, bondissaient tout autour, dardaient leurs lances et les retiraient; d'autres lâchaient leurs grands pistolets dans les rangs, à quatre pas.2

      Il me semblait que le carré pliait; c'était vrai.

      «Serrez les rangs! tenez ferme! criait le commandant de sa voix calme.

      --Serrez les rangs! serrez!» répétaient les officiers de distance en distance.

      Mais le carré pliait, il formait un demi-cercle au milieu; le centre touchait presque à la fontaine. A chaque coup de lance, arrivait la parade de la baïonnette comme l'éclair, mais quelquefois l'homme s'affaissait. Les Républicains n'avaient plus le temps de recharger; ils ne tiraient plus,3 et les houlans arrivaient toujours, et poussant déjà des cris de triomphe, car ils se croyaient vainqueurs.

      Moi-même, je croyais les Républicains perdus lorsque, au plus fort de l'action, le commandant, levant son chapeau au bout de son sabre, se mit à chanter une chanson qui vous4 donnait la chair de poule,5 et tout le bataillon, comme un seul homme, se mit à chanter avec lui.

      En un clin d'oeil tout le devant du carré se redressa, refoulant dans la rue toute cette masse de cavaliers, pressés les uns contre les autres, avec leurs grandes lances, comme les épis dans les champs.

      On aurait dit que cette chanson rendait les Républicains СКАЧАТЬ