Madame Thérèse. Erckmann-Chatrian
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Название: Madame Thérèse

Автор: Erckmann-Chatrian

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066084783

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СКАЧАТЬ écoutait gravement; il approuvait d'un signe de tête, en rêvant à ses malades.

      Moi, je profitais d'un bon moment pour courir à la forge de Klipfel, dont la flamme brillait de loin, dans la nuit, au bout du village. Hans Aden, Frantz Sépel et plusieurs autres s'y trouvaient déjà réunis. Nous regardions les étincelles partir comme des éclairs sous les coups de marteau; nous sifflions 1 au bruit de l'enclume. Se présentait-il une vieille 2 rosse à ferrer, nous aidions à lui lever la jambe.

      Ainsi se passaient les jours ordinaires de la semaine; mais les lundis et les vendredis l'oncle recevait la Gazette de Francfort, et ces jours-là les réunions étaient plus nombreuses à la maison. Outre le mauser et Koffel, nous voyions arriver notre bourgmestre Christian Meyer et M. Karolus Richter, le petit-fils d'un ancien valet du comte de Salm-Salm 3. Ni l'un ni l'autre ne voulait s'abonner à la gazette, mais ils aimaient d'en entendre la lecture pour rien.

      Que de fois je me suis rappelé le grand Karolus, le plus grand usurier 4 du pays, qui regardait tous les paysans du haut de sa grandeur, parce que son grand-père avait été laquais de Salm-Salm, et qui s'imaginait vous faire des grâces en fumant votre tabac. Combien de fois je l'ai revu en rêve, allant, venant dans notre chambre basse, écoutant, fronçant le sourcil, plongeant tout à coup la main dans la grande poche de l'habit de l'oncle, pour lui prendre son paquet de tabac, bourrant sa pipe et l'allumant à la chandelle en disant:

      «Permettez!»

      Oui, toutes ces choses, je les revois.

      Pauvre oncle Jacob qu'il était bonhomme de se laisser fumer son tabac, mais il n'y prenait pas même garde; il lisait avec tant d'attention les nouvelles du jour. Les Républicains 1 envahissaient le Palatinat, 2 ils descendaient le Rhin, ils osaient regarder en face les trois électeurs, 3 le roi 4 Wilhelm de Prusse et l'empereur Joseph. 5

      Tous les assistants s'étonnaient de leur audace.

      M. Richter disait que cela ne pouvait 6 durer, et que tous ces mauvais gueux seraient exterminés jusqu'au dernier.

      Sur cette réflexion, il s'acheminait vers la porte; les autres le suivaient.

      «Bonne nuit! criait l'oncle.

      --Bonsoir!» répondait le mauser en s'éloignant dans la rue sombre.

       Table des matières

      Or, un vendredi soir du mois de novembre 1793, Lisbeth, après le souper, pétrissait la pâte pour cuire le pain du ménage, selon son habitude. Enfin elle me dit:

      «Maintenant, Fritzel, allons nous coucher; demain, quand tu te lèveras, il y aura de la tarte.»

      Nous montâmes donc dans nos chambres. Je me couchai, rêvant de bonnes choses, et ne tardai point à m'endormir comme un bienheureux.

      Cela durait depuis assez longtemps, mais il faisait encore nuit, et la lune brillait en face de ma petite fenêtre, lorsque je fus éveillé par un tumulte étrange. On aurait dit que tout le village était en l'air: les portes s'ouvraient et se refermaient au loin, une foule de pas traversaient les mares boueuses de la rue. En même temps j'entendais aller et venir dans notre maison, et des reflets pourpres miroitaient sur mes vitres.

      Qu'on se figure mon épouvante.

      Après avoir écouté, je me levai doucement et j'ouvris une fenêtre. Toute la rue était pleine de monde, et non seulement la rue, mais encore les petits jardins et les ruelles aux environs: rien que 1 de grands gaillards, coiffés d'immenses chapeaux à cornes, 2 et revêtus de longs habits bleus, la grande queue pendant sur le dos, sans parler des sabres et des gibernes.

      Je compris aussitôt que les Républicains avaient surpris le village, et, tout en m'habillant, j'invoquai le secours de l'empereur Joseph, dont M. Karolus Richter parlait si souvent.

      Les Français étaient arrivés durant notre premier sommeil, et depuis deux heures au moins, car lorsque je me penchai pour descendre, j'en vis trois, qui retiraient le pain de notre four. Ces gens savaient tout faire, rien ne les embarrassait.

      Lisbeth, assise dans un coin, les mains croisées sur les genoux, les regardait d'un air assez paisible; sa première frayeur était passée. Elle me vit au haut de la rampe, et s'écria:

      «Fritzel, descends... ils ne te feront pas de mal!»

      Alors je descendis. A droite, par la porte de la salle, je voyais l'oncle Jacob assis près de la table, tandis qu'un homme vigoureux, à gros favoris, était installé dans le fauteuil et déchiquetait un de nos jambons avec appétit. De temps en temps, il prenait le verre, levait le coude, buvait un bon coup et poursuivait.

      Tout en déchiquetant, l'homme aux gros favoris parlait d'une voix brusque:

      «Ainsi, tu es médecin? disait-il à l'oncle.

      --Oui, monsieur le commandant.

      --Appelle-moi «commandant» tout court, ou «citoyen 1 commandant,» je te l'ai déjà dit; les «monsieur» 2 et les «madame» 3 sont passés de mode. Mais tu dois connaître le pays; un médecin de campagne est toujours sur les quatre chemins. 4 A combien sommes-nous de Kaiserslautern?

      --A sept lieues, commandant.

      --Et de Pirmasens?

      --A huit environ.

      --Et de Landau?

      --Je crois à cinq bonnes lieues.

      --Je crois... à peu près... environ... est-ce ainsi qu'un homme du pays doit parler? Écoute, tu m'as l'air d'avoir peur; tu crains que, si les habits blancs 5 passent par ici, on ne te pende pour les renseignements que tu m'auras donnés. Ôte-toi cette idée de la tête: la République française te protège.»

      Le jour grisâtre commençait à poindre dehors; on voyait l'ombre de la sentinelle se promener l'arme au bras devant nos fenêtres. Une sorte de silence s'était établi. La pendule allait lentement, le feu pétillait toujours dans la cuisine.

      Cela durait depuis quelques instants, lorsqu'un grand bruit s'éleva dans la rue; des vitres sautèrent, une porte s'ouvrit avec fracas, et notre voisin, Joseph Spick, le cabaretier, se mit à crier:

      «Au secours! au feu!»

      Mais personne ne bougeait dans le village; chacun était bien content de se tenir tranquille chez soi. Le commandant écoutait.

      «Sergent Laflèche!» dit-il.

      Le sergent était allé voir, il ne parut qu'au bout d'un instant.

      «Qu'est-ce qui se passe? lui demanda le commandant.

      --C'est un aristocrate de cabaretier qui refuse d'obtempérer aux réquisitions de la citoyenne Thérèse, répondit le sergent d'un air grave.

      --Eh bien! СКАЧАТЬ