Madame Thérèse. Erckmann-Chatrian
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Читать онлайн книгу Madame Thérèse - Erckmann-Chatrian страница 6

Название: Madame Thérèse

Автор: Erckmann-Chatrian

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066084783

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СКАЧАТЬ minutes après, notre allée se remplissait de monde; la porte se rouvrit, et Joseph Spick parut sur le seuil, entre quatre soldats de la République.

      Derrière, dans l'ombre, se voyait la tête d'une femme pâle et maigre, qui attira tout de suite mon attention; elle avait le front haut, le nez droit, le menton allongé et les cheveux d'un noir bleuâtre. Ses yeux étaient grands et noirs.

      Le commandant attendait que tout le monde fût entré, regardant surtout Joseph Spick, qui semblait plus mort que vif. Puis, s'adressant à la femme, qui venait de relever son chapeau d'un mouvement de tête:

      «Eh bien, Thérèse, fit-il, qu'est-ce qui se passe?

      --Vous savez, commandant, qu'à la dernière étape je n'avais plus une goutte d'eau-de-vie, 1 dit-elle d'un ton ferme et net; mon premier soin, en arrivant, fut de courir par tout le village pour en trouver, en la payant, bien entendu. Mais les gens cachent tout, et depuis une demi-heure seulement j'ai découvert 2 la branche 3 de sapin à la porte de cet homme. Le caporal Merlot, le fusilier Cincinnatus et le tambour-maître Horatius Coclès me suivaient pour m'aider. Nous entrons, nous demandons du vin, de l'eau-de-vie, n'importe quoi; mais le kaiserlick1 n'avait rien, il ne comprenait pas, il faisait le sourd.2 On se met donc à chercher, à regarder dans tous les coins, et finalement nous trouvons l'entrée de la cave au fond d'un bûcher, dans la cour, derrière un tas de fagots qu'il avait mis devant.

      «Nous aurions pu nous fâcher; au lieu de cela, nous descendons et nous trouvons du vin, du lard, de la choucroute, de l'eau-de-vie; nous remplissons nos tonneaux, nous prenons du lard, et puis nous remontons sans esclandre. Mais, en nous voyant revenir chargés, cet homme, qui se tenait tranquillement dans la chambre, se mit à crier comme un aveugle,3 et, au lieu d'accepter mes assignats,4 il les déchira et me prit par le bras en me secouant de toutes ses forces. Cincinnatus ayant déposé sa charge sur la table, prit ce grand flandrin au collet et le jeta contre la fenêtre de sa baraque. C'est alors que le sergent Laflèche est arrivé. Voilà tout, commandant.»

      Quand cette femme eut parlé de la sorte, elle se retira derrière les autres.

      Et le commandant s'adressant en allemand à Joseph Spick, lui dit en fronçant les sourcils:

      «Dis donc, toi, est-ce que tu veux être fusillé? Cela ne coûtera que la peine de te conduire dans ton jardin! Ne sais-tu pas que le papier de la République vaut mieux que l'or des tyrans? Écoute, pour cette fois je veux bien te faire grâce, en considération de ton ignorance; mais s'il t'arrive encore de cacher tes vivres et de refuser les assignats en payement, je te fais1 fusiller sur la place du village, pour servir d'exemple aux autres. Allons, marche, grand imbécile!»

      Puis se tournant vers la cantinière:

      «C'est bien, Thérèse, dit-il.»

      Tout le monde sortit, Thérèse en tête et Joseph le dernier.

      Le commandant se leva, s'avança jusqu'à l'une des fenêtres et se mit à regarder le village. L'oncle et moi nous regardions à l'autre fenêtre. Il pouvait être alors cinq heures du matin.

       Table des matières

      Toute ma vie je me rappellerai cette rue silencieuse encombrée de gens endormis, les uns étendus, les autres repliés, la tête sur le sac.

      A droite de notre grange, devant l'auberge de Spick, stationnait la charrette de la cantinière, couverte d'une grande toile.

      La cantinière, à la fenêtre en face, raccommodait une petite culotte, et se penchait de temps en temps pour jeter un coup d'oeil sous le hangar, où dormait un petit tambour d'une douzaine d'années, tout blond comme moi, et qui m'intéressait particulièrement. C'est lui que surveillait la cantinière, et dont elle raccommodait sans doute une culotte. Il avait son petit nez rouge en l'air, la bouche entr'ouverte, le dos contre les deux tonnes et un bras sur sa caisse; ses baguettes étaient passées dans la buffleterie, et sur ses pieds, était étendu un grand caniche2 tout crotté, qui le réchauffait. A chaque instant cet animal levait la tête et le regardait comme pour dire. «Je voudrais bien faire un tour dans les cuisines du village!» Mais le petit ne bougeait pas; il dormait si bien! Et comme, dans le lointain, quelques chiens aboyaient, le caniche bâillait; il aurait voulu se mettre de la partie.

      Bientôt deux officiers sortirent de la maison voisine; deux hommes élancés, jeunes, la taille serrée dans leur habit. Comme ils passaient devant la maison, le commandant leur cria:

      «Duchêne! Richer!

      --Bonjour, commandant, dirent-ils en se retournant.

      --Les postes sont relevés?

      --Oui, commandant.

      --Rien de nouveau?

      --Rien, commandant.

      «Allons! s'écria le commandant d'un ton joyeux, en route!»

      Il prit son manteau, le jeta sur son épaule, et sortit sans nous dire ni bonjour, ni bonsoir.

      Nous pensions être débarrassés de ces gens pour toujours.

      On entendait dehors les officiers commander: «En avant, marche!» Les tambours résonnaient; et le bataillon se mettait en route, quand une sorte de pétillement terrible retentit au bout du village. C'étaient des coups de fusil, qui se suivaient quelquefois plusieurs ensemble, quelquefois un à un.

      Les Républicains allaient entrer dans la rue.

      «Halte!» cria le commandant, qui regardait debout sur ses étriers, prêtant l'oreille.1

      Je m'étais mis à la fenêtre, et je voyais tous ces hommes attentifs, et les officiers hors des rangs autour de leur chef, qui parlait avec vivacité.

      Tout à coup un soldat parut au détour de la rue; il courait, son fusil sur l'épaule.

      «Commandant, dit-il de loin, tout essoufflé, les Croates!1 L'avant-poste est enlevé... ils arrivent!...»

      A peine le commandant eut-il entendu cela qu'il se retourna, courant sur la ligne ventre à terre2 et criant:

      «Formez le carré!»

      Les officiers, les tambours, la cantinière se repliaient3 en même temps autour de la fontaine, en moins d'une minute, ils formèrent le carré sur trois rangs,4 les autres au milieu, et presque aussitôt il se fit dans la rue un bruit épouvantable; les Croates arrivaient; la terre en tremblait. Je les vois encore, leurs grands manteaux rouges flottant derrière eux, et courbés si bas sur leur selle, la latte en avant, qu'on apercevait à peine leurs faces brunes aux longues moustaches jaunes.

      Il faut que les enfants soient possédés du diable, car, au lieu de me sauver, je restai là, les yeux écarquillés, pour voir la bataille. J'avais bien peur, c'est vrai, mais la curiosité l'emportait encore.5

      Le СКАЧАТЬ