La tombe de fer. Hendrik Conscience
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Название: La tombe de fer

Автор: Hendrik Conscience

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066087104

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СКАЧАТЬ mariée?

      —Vierge et épouse, en effet.

      Je ne savais que penser du ton solennel avec lequel le vieillard avait prononcé ces derniers mots. Je commençais à être en proie à une singulière émotion. Je m'imaginais que la tombe de fer devait cacher une histoire touchante, et ma curiosité était piquée au plus haut point.

      Assurément, le vieillard devina que j'allais insister pour obtenir une explication plus précise, il me prit le bloc d'albâtre avant que je pusse soupçonner son intention; et, comme je m'efforçais de continuer à porter le fardeau, il m'assura que, du moins dans le village, il devait refuser mon aide, et échappa, à mon grand dépit, aux questions qui se pressaient déjà sur mes lèvres. Il marcha vers l'entrée du cimetière en disant:

      —Venez, je vous montrerai la tombe de fer. Voyez là-bas, près du mur de l'église, ces fleurs derrière ce grillage, c'est la tombe de fer.

      Je, m'approchai de l'endroit désigné et je regardai avec étonnement dans le petit enclos. Je cherchai vainement une pierre ou un signe quelconque qui m'apprît le nom de cette morte tant regrettée. Rien que des fleurs, mais des fleurs si belles, si rares, et assorties avec un sentiment si profond de la forme et de la couleur, que la main d'un amant pouvait seule atteindre à ce degré d'harmonie. Pour moi, il était indubitable que l'ermite—si réellement un ermite veillait sur la tombe—devait être jeune et bercé encore par les plus douces illusions de la vie. Mais, en regardant le banc de bois aminci par l'usage, je commençai à revenir de ma première idée.

      —Depuis combien de temps ce banc est-il là? demandai-je au vieillard.

      —Depuis quarante ans.

      —C'est assurément l'ermite qui l'a usé ainsi en s'y asseyant ou s'y agenouillant pour prier?

      —C'est l'ermite, répondit mon guide.

      —Mais cela dépasse les forces humaines! m'écriai-je avec admiration. S'asseoir pendant, quarante ans près d'une tombe! Si c'est de l'amour, quel sentiment profond, immense, infini! Le sacrifice, le dévouement, la fusion d'une âme qui vit sur la terre avec une âme qui habite déjà le ciel! On pourrait appeler cela de i'idolâtrie, si cette aspiration vers le ciel n'attestait pas une foi robuste en la bonté divine et dans la félicité d'un avenir sans fin. Vivre pour une morte et avec une morte!

      —Elle n'est pas morte, murmura le vieillard.

      —Pas morte? répétai-je. Quels mystères, quels prodiges cachent donc ces fleurs?

      —Vous feignez de ne pas me comprendre, monsieur, dit le vieillard avec un accent calme et profond; votre coeur m'a pourtant si bien compris! Morte? Mais pendant que je vous parle, je la vois, elle me sourit, j'entends sa voix; elle me crie du milieu de ses fleurs; «Le temps devient court: j'attends, j'attends!»

      —Elle vous attend! m'écriai-je avec stupeur. Est-ce donc vous qui avez usé ainsi ce banc de bois?

      —Nul autre que moi.

      —L'ermite?...

      —Est le vieillard que le hasard vous a donné pour guide, le sculpteur dont vous avez porté l'albâtre, sans savoir quel souvenir sacré il y taillera.... Mais venez avec moi, ne me demandez plus rien. Voyez là, derrière le mur du cimetière, c'est ma demeure; suivez-moi, je vous dirai des choses que nul autre que vous n'a jamais sues aussi bien que vous allez les savoir.

      Je me laissai conduire hors du cimetière, sans rien dire. Chemin faisant, le vieillard reprit:

      —Depuis que ce tombeau de fer est là, je n'ai jamais épanché les sentiments de mon coeur dans le sein de personne. Je vous aime parce que, dans vos ouvrages, je vous ai trouvé capable de comprendre une vie que les autres nomment une longue folie. Mon passage sur la terre touche à sa fin: un pressentiment secret me dit que je la verrai bientôt autrement que par le souvenir. Recevez la confidence de ce que j'ai espéré et souffert, et, lorsque je reposerai à côté d'elle dans le tombeau, racontez alors mon humble et triste vie, si vous croyez qu'elle vaille la peine d'être écrite.

      Il s'arrêta derrière le mur du cimetière et sonna à la porte d'une maison à façade blanche, dont les fenêtres étaient fermées par des volets verts. Une vieille servante ouvrit, et, pendant que nous entrions, le vieillard dit:

      —Catherine, voici un ami qui dînera avec moi. Mettez un second couvert.

      La servante s'éloigna sans mot dire.

      Je voulus m'excuser de l'embarras que ma présence causait au vieillard et à sa vieille servante; mais il me prit la main et me conduisit au fond de sa maison, dans une grande chambre qui prenait jour sur un vaste jardin tout émaillé de fleurs. L'aspect de cette chambre m'étonna. J'aurais pu me croire transporté par enchantement dans une salle d'étude de l'Académie d'Anvers, car elle contenait une multitude d'objets que j'avais eus plus d'une fois entre les mains, ou dont j'avais vu les pareils des centaines de fois.

      —Jetez un rapide coup d'oeil sur ces objets, me dit le vieillard. Ils jouent tous un rôle plus ou moins important dans l'histoire que je vais vous raconter; mais ne me demandez pas maintenant une explication à leur sujet. Ce serait du temps perdu, et cela m'obligerait à des répétitions fastidieuses.

      Pourtant, je n'avais jamais vu ce que mon hôte me montra tout d'abord, et je n'y pus trouver aucune signification. Sur une table se trouvaient toutes sortes de figures informes de chiens, de vaches, d'oiseaux, de chevaux et d'autres animaux, très-grossièrement taillés au couteau dans du bois blanc. Sur un morceau de velours bleu s'étalaient deux ou trois figures assez rares, à côté d'une de ces boîtes d'opale où les femmes mettent des pastilles de menthe ou des dragées de citron. On y voyait aussi un couteau à manche de nacre, et plusieurs médailles d'or et d'argent avec des rubans verts fanés.

      En faisant le tour de la chambre, je vis successivement le long des murs toutes les études ordinaires des jeunes élèves de l'académie d'Anvers: des nez, des oreilles, des mains, des têtes, puis des figures entières; plus loin, tout cela se trouvait reproduit en terre glaise séchée, puis aussi en plâtre.

      Je ne vis qu'une seule composition caractéristique; au bout de cette chambre. L'artiste y attachait sans doute beaucoup de prix, car il l'avait enfermée dans une armoire vitrée pour la garder de la poussière et de l'humidité. C'était un groupe en plâtre représentant une jeune femme qui pose la main gauche sur la tête d'un enfant; tandis que l'autre, étendue en avant, semble montrer à cet enfant la route de l'avenir. Dans le sourire protecteur de la femme, et dans l'expression reconnaissante des traits de l'enfant, il y avait un sentiment profond et presque mystérieux qui m'émut et me fit rêver.

      Après avoir regardé quelque temps en silence cette oeuvre singulière, je dis à mon hôte:

      —Cette statue n'est pas une création de fantaisie, quoiqu'elle ne soit pas conçue non plus d'après les règles classiques. La nature seule a été le modèle de l'artiste. N'est-il pas vrai, monsieur, cette femme a vécu?

      —Elle a vécu, répéta le vieillard avec un soupir dont le son étrange me surprit.

      —Quoi! m'écriai-je, je vois l'image de la femme qui repose...?

      —Qui repose sous la tombe de fer;

      —Elle était donc belle?

      —Belle comme СКАЧАТЬ