L'Immortel. Alphonse Daudet
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Название: L'Immortel

Автор: Alphonse Daudet

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089313

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СКАЧАТЬ situation diplomatique considérable; et pas de changement à la couronne ni au titre, ce qui avait bien son importance ménagère: «Enfin, ma chère, s'il faut vous l'apprendre, un homme qui a pour vous le plus vif sentiment...»

      Ce mot de sentiment blessa d'abord la princesse comme un outrage, mais elle s'habitua à l'entendre. On rencontrait d'Athis à l'église, puis rue de Beaune, en grand mystère, et Colette convenait bientôt que lui seul aurait pu la faire renoncer au veuvage... Mais, quoi? son pauvre Rosen l'avait aimée si dévotement, si uniquement!

      «Oh! uniquement!...» faisait Mme Astier dans un petit sourire renseigné que suivaient des allusions, des demi-mots, et, comme toujours, l'empoisonnement de la femme par la femme. «Mais, chère amie, il n'y a pas d'amour unique, de mari fidèle... les honnêtes, les élevés s'arrangent pour ne pas attrister, humilier leur femme, troubler le ménage...

      —Alors vous croyez qu'Herbert?...

      —Mon Dieu! comme les autres.»

      La princesse se révoltait, boudait, fondait en ces larmes faciles, sans douleur, d'où la femme sort apaisée et rafraîchie comme une pelouse après l'ondée. Tout de même, elle ne cédait pas, au grand dépit de Mme Astier bien loin de soupçonner la cause réelle de cette résistance.

      Le vrai, c'est qu'à force d'examiner ensemble ce projet de mausolée, frôlant leurs mains et leurs cheveux sur les plans, les esquisses de caveaux et de statues funèbres, Paul et Colette s'étaient pris l'un pour l'autre d'une sympathie de camarades, peu à peu devenue plus tendre, jusqu'au jour où Paul Astier surprit dans un regard posé sur lui le trouble d'un caprice, presque un aveu. Cette possibilité, ce rêve, ce prodige lui apparut de Colette de Rosen l'épousant, lui apportant ses vingt ou trente millions. Oh! plus tard, après un stage de patience, un siége en règle de la place. Avant tout, se méfier de m'man, très subtile, très forte, mais péchant par abus de zèle, surtout lorsqu'il s'agissait de son Paul. Elle brûlerait toutes les chances à vouloir hâter la réussite. Il se cachait donc de Mme Astier, sans se douter qu'elle allait à contre-mine dans le même chemin que lui, agissait tout seul, très lentement, charmant la princesse par sa jeunesse élégante, sa gaîté, son esprit blagueur dont il avait soin de rentrer les griffes, sachant que la femme, comme le peuple, comme l'enfant et tous les êtres de naïveté et de spontanéité, déteste l'ironie qui la déconcerte et qu'elle sent l'antagoniste des enthousiasmes, des rêveries de l'amour.

      Ce matin de printemps, le jeune Astier arrivait avec plus d'assurance encore que d'habitude. C'était la première fois qu'il déjeunait à l'hôtel de Rosen, sous prétexte d'une visite à faire ensemble au Père-Lachaise pour voir les travaux sur place. On avait choisi le mercredi, jour de Mme Astier, par une complicité muette afin de ne pas l'emmener en tiers; aussi, malgré sa réserve, le prudent jeune homme, en franchissant le perron, jeta négligemment sur la vaste cour, les communs somptueux, un regard circulaire, enveloppant comme une prise de possession. Il se refroidit en traversant l'antichambre, où suisse et valets de pied en grandissime deuil mat somnolaient sur les banquettes et semblaient en veillée funèbre autour du chapeau du mort, un superbe chapeau gris annonçant la belle saison et l'entêtement de la princesse à la perpétuité du souvenir. Paul s'en trouva vexé comme de la rencontre d'un rival: il ne se rendait pas compte de la difficulté pour Colette captive d'elle-même, d'échapper à son immense deuil. Et, furieux, il se demandait: «Est-ce qu'elle va me faire déjeuner avec lui?...» quand le valet qui lui prenait sa canne et son chapeau des mains l'avertit que madame la princesse attendait monsieur dans le petit salon. Tout de suite introduit sous la rotonde vitrée, verdie de plantes rares, il se rassura par la vue de deux couverts dressés sur une toute petite table, dont Mme de Rosen surveillait elle-même l'installation.

      «Une fantaisie, en voyant ce beau soleil... Nous serons comme à la campagne...»

      Elle avait ruminé cela toute la nuit, de ne pas manger avec ce beau garçon devant le couvert de l'autre; et ne sachant comment s'y prendre pour les gens, elle avait imaginé de céder la place, de commander tout à coup, en caprice: «Dans la serre.»

      En somme, le déjeuner d'affaires s'annonçait bien; le Romanée blanc au frais dans la vasque du petit rocher, parmi des fougères et des capillaires, du soleil sur les cristaux, sur la laque verte des feuilles découpées, et les deux jeunes gens en face l'un de l'autre, leurs genoux se touchant presque, lui très calme, ses yeux clairs brûlants et froids, elle toute rose et blonde, ses cheveux repoussés en fin plumage ondé, marquant la forme de sa petite tête sans le moindre artifice de coiffure féminine. Et tandis qu'ils parlaient de choses indifférentes, mentant à leur vraie pensée, Paul Astier triomphait de voir là-bas, dans la salle à manger déserte, s'ouvrant au va-et-vient silencieux du service, le couvert du mort, réduit pour la première fois à l'ennui de la solitude.

       Table des matières

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