Название: Jane Austen: Oeuvres Majeures
Автор: Джейн ОÑтин
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 9788027302383
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Les chevaux furent prêts plus vite même qu’on ne l’aurait cru ; le colonel pressa la main d’Elinor avec le regard le plus expressif de douleur et d’amitié, et se jeta dans sa voiture. Minuit sonna ; elle se hâta de retourner auprès de sa sœur pour attendre le médecin, bien décidée à veiller encore.
CHAPITRE XLV.
Cette nuit fut également douloureuse pour les deux sœurs. Les heures s’écoulèrent les unes après les autres sans apporter de changement ; Maria dans un délire toujours croissant, et Elinor dans la plus cruelle anxiété, attendant le médecin avec impatience, et redoutant d’entendre ce qu’il allait prononcer. Une fois que ses craintes furent éveillées, elle paya bien cher sa première sécurité, et Betty, qui veillait avec elle, la torturait encore en lui parlant des tristes pressentimens de sa maîtresse. Elinor n’était pas du tout superstitieuse ; mais, qui n’a pas éprouvé qu’on le devient dans un grand danger ? Elle écoutait tout, croyait tout, s’affligeait de tout, et n’avait presque plus conservé d’espérance. Les idées de Maria étaient encore fixées par intervalles sur sa mère, et lorsqu’elle prononçait son nom en l’appelant avec vivacité, c’était un nouveau coup de poignard pour Elinor, qui se reprochait amèrement d’avoir laissé passer plusieurs jours sans la faire venir. Peut-être madame Dashwood, éclairée par sa tendresse maternelle, aurait imaginé quelque remède salutaire, qui serait à présent inutile ou trop tardif. Elle se représentait sans cesse cette tendre mère arrivant et ne retrouvant plus son enfant chéri, ou la retrouvant en délire, et n’en étant pas même reconnue.
Elle était sur le point d’envoyer encore chez M. Harris quand il arriva environ sur les cinq heures ; son opinion fut cependant moins alarmante que son délai : tout en avouant qu’il trouvait un grand changement dans l’état de sa malade, il ne la crut pas dans un danger pressant, et donna l’espoir qu’un nouveau traitement aurait plus de succès ; il en parla avec une telle confiance qu’il la communiqua à Elinor. Il partit en promettant de revenir dans trois ou quatre heures, et la laissa un peu plus calme qu’au moment de son arrivée.
Madame Jennings apprit en se levant, avec un grand chagrin, ce qui s’était passé pendant la nuit ; elle entra grondant Betty et presque Elinor de ne l’avoir pas demandée ; s’attendrissant sur le départ du colonel, sur l’émotion de madame Dashwood, sur les tourmens d’Elinor, sur les souffrances de Maria ; disant qu’il ne fallait pas désespérer, mais que pour elle, elle avait toujours prévu que cela finirait mal. Son bon cœur était réellement très-affligé. Avoir vu se flétrir par degrés cette belle fleur sous le poids meurtrier du chagrin ; la voir expirer si jeune, si aimable, si pleine de vie jusqu’au moment fatal qui brisa son cœur, c’était assez pour frapper et toucher même une personne moins intéressée dans cet événement. Maria avait plus de droits encore à la compassion de madame Jennings ; elle avait été pendant trois mois sa compagne, elle était encore sous ses soins, et c’est pendant qu’elle y était qu’on l’avait si cruellement blessée, injuriée, rendue si malheureuse. Le malheur d’Elinor aussi, qui était sa favorite, lui faisait une peine cruelle ; et quand elle se représentait celle de leur mère, qui aimait Maria, comme elle-même aimait Charlotte, la part qu’elle prenait au triste événement qui se préparait, et dont elle ne doutait pas, était aussi vive que sincère.
M. Harris fut exact à sa seconde visite ; mais il fut entièrement trompé dans son espoir sur ses derniers remèdes. Ils avaient tous manqué leur effet ; la fièvre n’était point abattue, la poitrine point dégagée ; la malade était peut être plus tranquille, mais cette tranquillité même, qui n’était qu’une pesante stupeur, augmentait ses alarmes. Elinor qui cherchait à lire dans son âme, s’en aperçut bientôt, et parut désirer d’autres avis ; mais M. Harris jugea que ce serait inutile, et ne ferait que retarder le traitement qui pouvait encore la sauver : il le proposa. Elinor accepta tout, demanda à Dieu instamment dans le fond de son cœur de bénir ces nouveaux remèdes, et conjura M. Harris de ne rien épargner. Il fit tout ce qu’il jugea nécessaire, et ressortit avec des promesses qui, cette fois, ne calmèrent pas le triste cœur d’Elinor. À force de douleur elle était calme en apparence, mais n’avait presque plus d’espoir ; et quand elle pensait à sa mère, à sa pauvre malheureuse mère, ses forces étaient près de l’abandonner. Elle resta ainsi jusqu’à midi, sans s’éloigner un instant du chevet de sa sœur, ses pensées errant tristement d’un sujet de douleur à un autre, écoutant vaguement madame Jennings, qui lui rappelait, heure par heure, tout ce que Maria avait souffert à Londres, et s’étonnait qu’elle n’y eût pas succombé. Ici, du moins, disait-elle, elle a été assez tranquille ; elle a fait ce qu’elle a voulu ; nous ne l’avons point contrariée ; elle s’est promenée seule, et n’a sûrement rien vu qui pût avoir renouvelé son chagrin. Willoughby est paisiblement à Londres avec sa femme, et ne songe pas plus à elle que si elle n’était pas au monde. Hélas ! peut-être n’y sera-telle bientôt plus ! Ah ! mon dieu ! quelle pitié de voir mourir cela à cet âge, et de chagrin d’amour encore, quand elle en devrait vivre. Si du moins c’était moi, etc. etc. etc. etc.
Après midi, cependant, Elinor commença à se flatter qu’elle était mieux. À peine osait-elle se l’avouer à elle-même, de crainte de se livrer encore à de fausses espérances, mais il lui parut qu’il y avait quelque léger changement dans l’état de sa sœur. Penchée sur son lit, elle l’examinait sans cesse, elle écoutait chacune de ses respirations, lui tâtait à chaque instant le pouls. Il lui parut moins intermittent ; son haleine semblait être un peu plus libre ; enfin, avec une agitation de bonheur plus difficile à cacher sous un extérieur calme que son angoisse précédente, elle se hasarda de dire à son amie qu’elle ne pouvait s’empêcher de reprendre un peu d’espoir. Madame Jennings, avec l’air du doute, alla examiner à son tour ; et quoique forcée de convenir qu’il y avait quelques légers changemens en bien, elle essaya d’empêcher Elinor de se livrer à une espérance qu’elle n’avait pas elle-même, et qui rendrait encore le coup plus affreux ; mais ce fut en vain : Elinor ne voulait plus rien entendre que la certitude de conserver sa Maria.
Une demi-heure s’écoula, et les symptômes favorables continuèrent ; d’autres même s’y joignirent et les confirmèrent. Voyez, voyez, chère amie, disait-elle à madame Jennings, sa peau est moins sèche, sa respiration moins gênée, ses lèvres moins serrées ; oh, Maria ! ma sœur, mon amie, tu nous seras rendue ! maman ne sera pas plongée dans le désespoir. Ô mon Dieu ! confirmez cette lueur d’espérance, recevez mes actions de grâces. Elle était à genoux à côté du lit ; sa bouche posa sur la main de Maria ; elle crut sentir qu’une légère pression de cette main contre ses lèvres répondait à son baiser. Oh, mon Dieu ! dit-elle à demi-voix, elle m’entend, elle me reconnaît ! Au moment même, le regard de Maria, languissant, mais plein de tendresse et sans la moindre expression d’égarement, s’attache sur elle ; elle l’entendit même prononcer faiblement : Chère Élinor ! Alors elle eut peine à contenir sa joie ; et quand M. Harris arriva, elle courut au-devant de lui, et le prenant par la main : Venez, monsieur, lui dit-elle, regardez ma sœur ; je ne me trompe point, n’est-ce pas, elle est un peu mieux ? et elle attendait en tremblant ce qu’il allait dire.
Non seulement elle est mieux, dit-il avec assurance, mais si la nuit est telle que je l’ose espérer, je réponds de sa vie. Oh, mon Dieu ! dit Elinor en joignant les mains et fondant en larmes, tandis que pendant les heures de tourmens qu’elle venait de passer, elle n’en avait pas versé une seule. Son cœur alors était serré trop douloureusement pour qu’elle pût pleurer ; à présent elles coulent sans effort et lui font du bien. Maria rendue à la vie, à la santé, à ses amis, СКАЧАТЬ