Название: La Pire Espèce
Автор: Chiara Zaccardi
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Жанр: Ужасы и Мистика
isbn: 9788873044697
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« Merci beaucoup pour les encouragements » .
« J’essaie seulement de t’inciter à être plus raisonnable et responsable » .
« Ah, donc toi, tu étais raisonnable et responsable quand, à dix-huit ans, tu a fui la maison pour aller vivre avec un producteur qui te permît de travailler comme actrice ? »
« Moi, j’étais pauvre, Pollyanna, et je n’avais, de toute façon, pas beaucoup d’autres alternatives. J’ai été inconsciente et j’ai eu de la chance. J’ai agi sur un coup de tête qui s’est bien terminé, mais je ne permettrais pas que ma fille fasse la même chose. Il existe des solutions plus sûres et moins dangereuses » .
« La vérité, c’est que tu as seulement peur que je devienne comme papa ! » explose Polly, fâchée par le sermon.
« Ne sois pas malpolie maintenant, Pollyanna. Pense positivement : avec une plus grande culture, tu apprécieras plus les beautés de tes prochains voyages » .
« Toi aussi, pense positivement : quand je fuirai la maison, parce que je serai trop fatiguée d’entendre tes excuses, tu pourras alors être fière de me voir suivre tes traces ! »
« Fais en sorte d’acheter le matériel scolaire, Pollyanna, sinon tu n’auras même plus un centime pour le reste » conclut madame Patter avec un regard éloquent vers le livre de Picasso.
Elle sort de la chambre en fermant la porte contre laquelle Polly jette un pinceau.
Elle passe le doigt sur la photo de Guernica, puis referme le livre d’un coup sourd.
« Dans les biographies, personne ne parle jamais des rapports entre les artistes et leur famille... » pense-t-elle. « Et pourtant, ce serait intéressant de savoir si les grands ont, eux aussi, eu les mêmes problèmes que nous le commun des mortels... Qui sait, peut-être qu’aussi la mère de Picasso était obtus comme la mienne... »
“ Mon petit Pablo, sois réaliste, tu ne deviendras jamais célèbre avec le peu de couleurs que tu utilises... ”
“ Maman, tais-toi, je suis dans ma période rose... ”
“ Mais, mon petit Pablo chéri, tu ne crois pas que le rose soit une couleur un peu trop féminine ? Je ne voudrais pas que les gens se méprennent... Où as-tu mis l’argent que je t’ai donné pour t’acheter la palette ? ”
“ Je l’ai dépensé pour fumer du crack et trouver l’inspiration ”.
“ Et, cette toile confuse, que représente-t-elle, mon fils chéri ? ”
“ Officiellement, le bombardement sur Guernica, mais en réalité, c’est moi qui cherche à me retenir de T’ÉTRANGLER, ma petite maman ! ”
« Non » réfléchit Polly l’instant d’après. « Je suis sûre que la mère du petit Pablo était plus compréhensive que la mienne... Et lui, plus élégant » .
Tout ça ne change pas la situation : elle ne tiendra pas une année de plus à la très ennuyeuse Kennedy High School. Et comme elle ne connaît aucun gros bonnet disposé à financer sa tournée artistique, il ne lui reste plus qu’une chose à faire : vendre.
Elle déroule le short pour le remettre à sa longueur d’origine, sous le genou, enfile une paire de vieilles Nike, la casquette de baseball de son père et prend dans l’armoire une grande chemise cartonnée jaune. Elle descend les escaliers en silence, pour éviter de nouvelles réprimandes, et file dehors.
Voilà une autre particularité qu’elle aime dans sa voiture : elle a le toit ouvrant, ce qui facilite énormément l’action de jeter la chemise sur le siège arrière.
Elle s’engage dans ce qu’elle appelle la Vulgaire Street, pour ses stupides défilés de riches devant les magasins les plus chers de la ville, et réfléchit au meilleur endroit où exposer ses affaires. Ce n’est pas que cela nécessite une grande réflexion, Cles est une petite ville côtière de la Californie du sud avec peu d’alternatives.
Elle exclut l’Avenue des Artistes pour sa trop grande concurrence et la faible attention des visiteurs : en journée, l’Avenue est la zone préférée des skaters, des patineurs, des surfeurs, des passionnés de la course et des maniaques du bronzage, car elle conduit directement à la plage. C’est agréable d’y passer en voiture en écoutant les Good Charlotte, mais ne pas s’arrêter pour y installer les stands et les chevalets que les gamins filant à toute allure peuvent facilement renverser. Ou se moquer. Là, seuls les artistes de break dance et les jongleurs de rue font fortune, parce qu’ils effectuent quelques numéros et s’en vont ; celui qui veut exposer quelque chose doit tenir sous le soleil pendant des heures et est constamment ignoré au profit d’un chariot de glaces ou de boissons. Le soir, les caricaturistes ou les portraitistes réussissent à ramasser quelques sous avec les touristes qui se promènent, mais ça, ça ne lui ressemble pas : elle est trop timide pour réussir à scruter le visage de quelqu’un pendant une demi-heure, pendant qu’un petit groupe de curieux s’immobilise derrière elle et juge son travail. Surtout, elle trouve que, aussi bien les portraits que les caricatures, sont des représentations trop banales des personnes qu’elle aime plus prendre par surprise ou dans des poses grotesques et un peu folles.
Elle exclut également l’Austin Park, au-dessus de Roosevelt Street : tranquille et propre, c’est idéal le dimanche pour les familles qui veulent faire un pique-nique ou pour les jeunes désireux d’étudier et de se relaxer à l’air libre, mais pendant la semaine, il est peuplé exclusivement d’employés préssés et de petits vieux avec leur chien, que les histoires de jeunes fauchés n’intéressent pas.
Laisse tomber la gare des autocars et les stations de métro : trop sales, trop d’individus louches. Tout comme la zone industrielle : y transite une marée humaine, mais personne ne s’arrête au-delà du temps strictement nécessaire, pour éviter que la dégradation environnante ne s’accroche à la peau comme un tique gênant.
Elle tourne sur Gardenia Avenue et se décide pour le centre commercial : il s’appelle Cinq Étoiles, nom qui rappelle aisément un hôtel de luxe ; en fait, il s’agit d’un complexe de cent vingt-cinq magasins et de quatorze salles de cinéma, sur trois étages, ouvert 24 heures sur 24. C’est une construction très moderne, remplie de glaces, de vitres et de fontaines, et c’est également le lieu le plus fréquenté des environs, de personnes de tous âges.
Polly réussit à se garer à environ deux milles de l’entrée, au milieu d’une foule de voitures qui miroitent au soleil en attendant que leurs propriétaires finissent le shopping ou les courses, pendant que beaucoup d’autres errent à la recherche d’une place libre. Il y a une grande esplanade devant les portes en verre du Cinq Étoiles, où les gens s’arrêtent pour fumer, pour distribuer des flyers ou pour faire un brin de causette. Polly choisit de dresser sa vitrine artistique devant un parterre coloré. Elle installe les toiles et les dessins par terre, sur un grand drap blanc qu’elle utilise à la maison pour ne pas tâcher le sol, puis elle s’asseoit sur le muret qui entoure le parterre, en attente de potentiels clients. Elle n’expose pas les prix, dans l’espoir que quelqu’un, attiré par ses travaux, s’approche pour lui СКАЧАТЬ