Les etranges noces de Rouletabille. Гастон Леру
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СКАЧАТЬ avec laquelle Athanase s'exprimait, la lumière qui brillait dans ses yeux et sur son front avaient frappé le reporter.

      –Que veut-il dire? Nous ne l'avons jamais vu ainsi… faisait La Candeur, peu rassuré.

      –On dirait un apôtre, dit Rouletabille.

      –Moi, je n'aime pas les apôtres, répliqua l'autre.

      –Je parie qu'on va voir quelque chose de rigolo, dit Vladimir.

      Ivana se taisait.

      Ils suivirent Athanase au plus profond de la forêt, en s'éloignant sur la gauche du village que l'on apercevait encore par instant au bas du coteau.

      Quand ils furent arrivés dans une sorte de ravin, Athanase les fit se tenir tranquilles, immobiles et muets. Ils n'attendirent pas longtemps. D'abord se montrèrent une demi-douzaine de chasseurs bulgares qui paraissaient équipés pour aller tuer le gros animal. Au milieu d'eux, il y avait un jeune homme aux joues écarlates qui semblait fort timide et entre les mains de qui on avait mis un drapeau brodé de mots slaves qui signifiaient: «La liberté ou la mort!!»

      L'un des chasseurs, après avoir parlé à Athanase, monta sur un roc et siffla d'une certaine façon. Tous gardèrent dès lors le plus grand silence, jusqu'au moment où une sorte de pope parut, sortant d'un buisson. Athanase s'inclina et tous s'inclinèrent devant le pope qui considéra quelque temps Rouletabille et sa troupe, et qui finit par sourire en montrant des dents éclatantes. Ce pope avait à sa ceinture pastorale un crucifix et deux énormes pistolets et un magnifique cimeterre qui datait au moins du sultan Selim. Il s'appelait Goïo. Vladimir traduisait à Rouletabille tous les propos échangés, d'où il résultait qu'une grande joie s'était déjà répandue dans le village à la nouvelle que les armées avaient passé la frontière. Entre les comitadjis, il était aussi question d'un certain Dotchov dont le nom semblait faire bouillir toutes les cervelles et aussi d'un certain «pré des porchers» dont les termes: svinartka lenki, revenaient à chaque instant dans la conversation comme un leit-motiv.

      La petite troupe grossissait sans cesse; il arrivait des Bulgares de partout, on aurait dit qu'ils sortaient de terre, qu'ils tombaient des arbres.

      Le pope Goïo s'agitait au milieu d'eux et, pour mieux se faire entendre, parlait en agitant le crucifix d'une main et l'un de ses pistolets de l'autre.

      Ce brave ecclésiastique avait une façon spéciale de catéchiser les fidèles. Il demandait au jeune homme qui portait le drapeau et qui était un néophyte:

      –Combien as-tu l'intention de tuer de Turcs? Combien as-tu fabriqué de cartouches? Si tu en as fait moins de trois cents, tu n'auras pas la communion. As-tu bien graissé tes armes? préparé des biscuits?

      Et comme on riait autour de lui, il déclara en se tournant vers la troupe:

      –C'est comme ça que je confesse depuis deux mois!

      –Quand nous aurons affranchi la Thrace, nous te ferons exarque! s'écria Ivan le Charron.

      –Il y en a déjà un à Constantinople! répliqua-t-il. Deux soleils ne peuvent exister en même temps. Mais que le diable emporte celui qui m'a fait pope!

      Là-dessus, il tira de sa poche un morceau d'étoffe blanche qu'il suspendit à son cou, à quoi on reconnut que c'était un rabat; il prit le sabre du sultan Selim d'une main, montra le Christ de l'autre, cependant qu'il avait encore un pistolet sous un bras et expliqua d'une voix tonnante, au néophyte, la sainteté du serment. Le néophyte jura. Tous jurèrent et s'écrièrent:

      –Enfin le sang versé en Thrace va être vengé!

      Après cela Athanase prononça quelques paroles qui obtinrent un gros succès et il dit:

      –Maintenant, allons au pré des porchers!

      Tous répétèrent dans leur langue: «Allons au pré des porchers!»

      Toute la bande se mit en branle en agitant des armes. Seul, Athanase, qui venait le dernier, affectait un grand recueillement.

      –A quelle comédie, allons-nous? se demandait Rouletabille.

      Ivana suivait les événements, avec une trompeuse indifférence.

      Vladimir répétait:

      –Vous allez voir que ça va être rigolo!

      La Candeur tirait prudemment son cheval par la bride, car on passait par des chemins peu ordinaires pour arriver au «pré des porchers». Enfin on l'atteignit, ce fameux pré. Il était assez éloigné du village et dans un endroit sauvage et lugubre, dominé par des collines abruptes. Un torrent faisait entendre sa méchante musique entre une double rangée d'arbres qui, penchés au-dessus de la rivière, l'un vers l'autre, avaient l'air, de se raconter des histoires épouvantables qui les faisaient frissonner. Un pont était là que tous traversèrent en silence et l'on s'arrêta sur l'autre rive, sous les arbres.

      –Nous camperons ici, dit Athanase à Rouletabille. C'est là que j'ai affaire.

      –Quelle affaire et pourquoi tous ces gens-là nous ont-ils accompagnés?…

      –C'est parce qu'ils veulent nous offrir à souper et se réjouir avec nous de la bonne besogne qui se prépare.

      Et il se tourna vers les autres et cria avec exaltation et dans la langue bulgare:

      –Regardez, voilà les femmes qui arrivent avec les agneaux, et les porchers avec les porcs… Mais voici le maître du pré des porchers, le nommé Dotchov lui-même, qui est, ma foi, comme vous voyez, un vieillard très respectable. Encore un qui a vu la guerre de l'Indépendance et qui a connu mon brave homme de père. Dotchov est accompagné de son bon ami Ivan le Charron. Ils ont combattu autrefois ensemble, se préparent à de nouvelles batailles et peuvent se réjouir de compagnie avec nous. Avancez, avancez, vieillards respectables!…

      Vladimir, en traduisant les discours bulgares d'Athanase, ne pouvait s'empêcher de répéter à Rouletabille:

      –Qu'est-ce qu'il prépare? Ça ne va pas être ordinaire, cette affaire-là! Le plus fou me paraît Athanase… Regardez, regardez comme il est aimable avec ce vieux Dotchov, qu'il met au centre, à la place d'honneur et cependant il le regarde avec des yeux qui tuent.

      Pendant ce temps, on avait allumé les feux et les agneaux étaient préparés à la heidouk, c'est-à-dire avec leur peau, tout entiers, dans les trous chauffés comme un four de boulanger. Et les femmes venues du village, commençaient de danser le choro, au son de la gaïda.

      –Tu vois, mon vieux camarade, comme nous sommes gais, disait Ivan le Charron au vieillard Dotchov, lequel, assis à la turque, au centre de la bande, semblait présider à la fête.

      –Pourquoi ne tue-t-on point mes cochons? fit Dotchov; je les ai fait amener par mes porchers pour qu'ils engraissent la fête.

      –C'est Athanase qui ne veut pas, répondit Ivan le Charron. Je lui en ai demandé la raison; il m'a répondu qu'il ne les trouvait pas encore assez gras pour une fête pareille!…

      –Mais de quelle fête, au fond, s'agit-il donc? demanda encore Dotchov!

      –Demande-le à Athanase! demande-le à Athanase!…

      Athanase, appelé, répliqua:

      –On te le dira au raki. Mais СКАЧАТЬ