Название: Les etranges noces de Rouletabille
Автор: Гастон Леру
Издательство: Public Domain
Жанр: Классические детективы
isbn:
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–Eh, monsieur, voilà pourquoi vous me voyez si ennuyé! Perdre son argent n'est rien, mais celui des autres peut vous causer bien des désagréments!…
Rouletabille se retourna vers La Candeur.
–Tu ne voudrais pas conserver cet argent volé? lui dit-il.
–Et pourquoi donc? répondit La Candeur avec des larmes dans la voix, je ne l'ai pas volé, moi, cet argent! je l'ai honnêtement gagné, il est à moi!…
Rouletabille ne répondit à cette parole égoïste et peu scrupuleuse que par un regard de mépris qui fit courber la tête à La Candeur. Finalement, le chef de l'expédition fit disparaître la liasse de billets dans sa poche.
–Ah! mon Dieu! gémit le géant, je ne les reverrai plus.
–Non, tu ne les reverras plus, fais-en ton deuil!… Je les remettrai moi-même à la princesse Kochkaref, à notre retour à Sofia!
Vladimir déclara à son tour d'une voix plaintive et non dénuée d'amertume:
–Du moment, monsieur, que vous trouvez que j'ai mal fait, c'est encore la meilleure solution. Au fond, que l'argent de cette dame soit dans votre poche ou dans celle de La Candeur, le résultat n'est-il pas le même pour moi?
–Mais pour moi, canaille! crois-tu que c'est la même chose, glapit La Candeur en sautant sur Vladimir.
Rouletabille dut les séparer.
–Excuse-moi, Rouletabille, fit le pauvre La Candeur, en se laissant tomber sur son lit de camp qui, illico, s'effondra, c'était la première fois que je gagnais!…
Rouletabille, sortit sans répondre, raide comme la justice. En rentrant sous sa tente, il trouva Athanase Khetew, éveillé, qui avait tout entendu.
–Vous avez bien fait, lui dit le Bulgare, de leur prendre tout cet argent. Il pourra nous servir par les temps qui courent!
Et il se retourna du côté de la toile pour continuer son somme, interrompu.
Rouletabille en resta les bras ballants, puis il se remit, se coucha et s'endormit en se disant:
–Décidément, je n'ai encore rien compris à l'âme slave!
III
LES COMITADJIS
Le lendemain matin, la petite troupe continua de s'enfoncer vers le Sud-Est.
–Il me semble que nous nous éloignons bien de l'armée, dit Rouletabille.
–Je vous ai donné ma parole que nous la retrouverons à temps, répliqua Athanase.
–Et Gaulow! lui cria la voix gutturale d'Ivana.
–Nous le retrouverons aussi, Ivana!… mes cavaliers m'ont quitté pour faire de la bonne besogne… Quand ils auront des nouvelles sûres de Kara-Sélim, ils me les feront savoir… tranquillisez-vous!…
Elle cingla sa bête et prit de l'avance, sans répondre.
Athanase marchait tantôt très en avant de la bande et tantôt en arrière.
Il paraissait encore plus sombre et préoccupé qu'à l'ordinaire.
Soudain l'attention de Rouletabille fut attirée par une figure qu'il n'avait pas encore vue. Ce nouveau personnage avait dû rejoindre les muletiers à la première heure du jour. C'était un vieillard qui frappait par un certain air de majesté, bien qu'il fût habillé de haillons et qu'il marchât la tête basse et comme plongé dans un rêve…
Rouletabille se rapprocha d'Athanase:
–Qui est-ce? demanda-t-il.
–C'est le bonhomme Cyrille, célèbre pour ses malheurs.
–Il a l'air, en effet, très malheureux, dit Rouletabille.
–Non, maintenant, la joie l'habite… Il a pu s'échapper des prisons d'Anatolie, et est revenu dans le pays qu'il n'avait point revu depuis la guerre de l'Indépendance.
–Et pourquoi vient-il avec nous?
–Parce que, répliqua d'une façon assez mystérieuse Athanase… parce qu'il y a des raisons pour qu'il vienne avec moi…
Mais il ne s'attarda pas à l'effet produit par ces dernières paroles et continua:
–Voilà un homme!… On peut le dire: un homme qui a vu le monde dans sa jeunesse, qui a vécu en Bessarabie, à Odessa, à Galatz, à Bucarest, enfin à l'étranger et qui est revenu dans sa patrie quand il a eu compris pour quoi l'homme est né, c'est-à-dire pour la liberté. Il a travaillé jadis avec Levisky à l'organisation d'un comité révolutionnaire et, pour être libre dans ses actions, il a tué sa femme qui s'opposait à ses manifestations patriotiques. Enfin, il a connu mon père, qui, lui aussi, était un de ces hommes…
–Vous devriez le faire monter sur une de nos mules…
–Non, les mules sont déjà trop chargées, et puis, du reste, nous voici arrivés…
–Où?…
Athanase répondit singulièrement:
–Dans un endroit qui vous intéressera… vous pourrez faire ensuite un bel article… N'êtes-vous pas venu chez nous pour cela?…
Et, comme on débouchait dans une clairière, au bord d'une sombre forêt de pins, un geste d'Athanase arrêta les muletiers…
Et voici ce que vit Rouletabille:
Le bonhomme Cyrille était tombé à genoux, à l'aspect d'un village, que l'on apercevait, en contre-bas, à travers les branches. Avec quelle émotion il semblait revoir, après tant d'années de prisons turques, cet amas de pauvres masures aux soubassements de pierre jaunâtre, aux clayonnages enduits de chaux, aux toits en terrasse! Un peu plus loin, il y avait un misérable pont de bois jeté au travers du torrent. Soudain, il s'arracha à cette contemplation et se leva, en apercevant un vieillard courbé par les ans comme lui-même et qui gravissait péniblement la côte un fusil sur l'épaule.
–Ivan! s'écria-t-il.
A cette voix, l'autre s'approcha avec précaution. Il ne reconnaissait point cette figure, mais Cyrille se nomma et les deux vieillards tombèrent dans les bras l'un de l'autre.
–Celui-là, fit Athanase, est Ivan, le charron, qui a connu aussi mon père.
Et il donna des détails sur Ivan avec une grande volubilité et une jubilation évidente.
La caractéristique d'Athanase, que commençait à démêler Rouletabille, était dans cette opposition continuelle d'une sournoiserie qui lui venait de son long métier d'espion et d'une franchise soudaine où se manifestaient avec éclat ses sentiments jusqu'alors les plus cachés. Ensuite, Athanase conversa à voix basse avec les deux vieillards qui saluèrent les voyageurs et disparurent bientôt derrière les troncs noirs de la forêt desséchée. Athanase attendit quelques minutes, puis il dit aux jeunes gens:
–Maintenant, СКАЧАТЬ