Название: Les etranges noces de Rouletabille
Автор: Гастон Леру
Издательство: Public Domain
Жанр: Классические детективы
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Ils regardèrent devant, ils regardèrent derrière, de tous les côtés… Ils virent qu'ils étaient entourés de toutes parts par une bande nouvelle. Cette fois, ce n'étaient pas des pomaks aux discours ironiques qui les encerclaient, mais des soldats irréguliers turcs aux uniformes les plus disparates qu'il se pût imaginer et ces soldats irréguliers les mettaient régulièrement en joue.
La Candeur tira aussitôt de sa poche son mouchoir qui était immense, l'agita en signe de paix et l'on commença de parlementer…
Il n'y avait pas à résister. Nos reporters furent conduits, non loin de là, au centre d'un petit camp que l'on était en train de dresser, et où se trouvait déjà édifiée une tente fort belle, aux dessins noirs sur la toile blanche, tente qui devait abriter le chef de cette troupe ennemie. En effet, sitôt qu'ils furent entrés, ils aperçurent sur des coussins un homme pour lequel tous montraient une grande déférence. Un turban blanc, large et haut comme une tiare, entourait sa tête. Sa veste bleue étincelait de broderies d'argent, et sur son kilt, semblable à celui des montagnards d'Écosse, pendait un arsenal compliqué de petits instruments d'argent ciselé, dont les anciens se servaient pour charger leurs armes à feu.
Deux longs pistolets se perdaient dans l'écharpe de cachemire qui lui entourait la taille et un sabre était suspendu à son côté par une étroite cordelière de soie rouge à glands d'or. Cet homme avait un grand air de noblesse et fumait avec calme des herbes aromatiques dans un narghilé de grand prix. Les prisonniers le saluèrent, mais il ne daigna point répondre à leur salut. Non loin de lui se tenait une espèce de scribe qui avait en main des sortes de tablettes et qui ordonna, en français, aux jeunes gens de s'avancer. C'était l'interprète.
–Messieurs, leur dit l'interprète, notre seigneur l'agha a été chargé par les autorités de Sa Majesté le sultan de rechercher et de ramener une petite troupe de journalistes français qui font métier d'espions dans l'Istrandja-Dagh, ayant passé notre frontière sans aucune permission.
A ces mots inattendus, Rouletabille sursauta.
Le reporter prit immédiatement la parole pour protester avec indignation contre l'accusation qui était portée contre ses camarades et lui! Envoyés par leur journal pour faire du reportage et, ayant terminé leur besogne en Bulgarie, ils étaient descendus dans l'Istrandja-Dagh sans aucun esprit de retour à Sofia; bien mieux, ils avaient décidé de suivre les opérations de guerre avec les armées turques; où pouvait-on voir de l'espionnage en tout cela?
Mais, à leur grand étonnement, l'interprète répliqua que l'agha savait parfaitement que M. Rouletabille (il l'appela par son nom) avait reçu une mission de confiance du général-major Stanislawoff après que celui-ci lui eut accordé une audience spéciale avant son départ!…
–Sapristi! pensait Rouletabille! Ils sont bien renseignés!…
Ils paraissaient si bien renseignés et si sûrs de leur affaire que l'interprète ne prenait même point la peine de traduire quoi ce fût à l'agha, lequel continuait de fumer son narghilé avec un certain air de penser à autre chose.
Rouletabille se retourna vers Vladimir et lui dit:
–Toi qui parles turc, tu devrais parler à l'agha; peut-être t'écouterait-il?
–Je connais un moyen pour qu'il m'entende, sans que j'aie à lui adresser la parole. Voulez-vous que j'essaye?
–Quel moyen?
–Donnez-moi mille levas.
–Vrai! fit Rouletabille, tu crois?
–Donnez-moi mille levas…
Rouletabille sortit de la poche intérieure de son gilet les mille francs demandés. Vladimir les prit et alla les déposer près de l'agha sur la petite tablette qui supportait son narghilé.
–Si j'étais l'agha, pensait Rouletabille, j'allumerais ma pipe avec!
Vladimir revint près de Rouletabille. L'agha n'avait pas bougé.
–Eh bien? demanda Rouletabille.
–Eh bien, vous voyez, il ne m'a pas entendu. Donnez-moi encore mille levas.
–En voilà cinq cents! c'est tout ce qui me reste de la provision que j'ai emportée de la banque de Sofia… Ne me demande plus rien!… Vladimir alla placer les cinq cents levas près des mille qui se trouvaient déjà sur la tablette.
L'agha ne bougea pas davantage.
L'interprète avait assisté à ce petit manège avec un grand air de sévérité. Il finit par dire aux jeunes gens:
–Prenez-vous mon maître pour un mendiant?
–Tu vois, dit Rouletabille à Vladimir. Tu nous fais faire des bêtises.
L'agha est froissé.
–L'agha est froissé de ce que nous ne lui offrons pas une assez forte somme et parce qu'il est persuadé qu'il nous reste encore de l'argent!
–Ma parole! je n'en ai plus! dit Rouletabille.
–Si… vous avez les quarante mille!…
–Oh! les quarante mille ne sont ni à toi, ni à moi! répliqua Rouletabille sans grande conviction et en secouant la tête avec bien peu d'énergie.
–Non! répondit Vladimir, ils ne sont ni à vous, ni à moi, mais ils sont à La Candeur!…
–C'est pourtant vrai! acquiesça Rouletabille comme s'il faisait une grande découverte qui lui libérait la conscience… Offre-lui donc ces quarante mille francs qui sont à La Candeur et qu'il nous fiche la paix! Aussi bien, si nous ne les lui offrons pas, il les prendra bien tout de même,… car il doit être aussi bien renseigné sur ce que nous avons dans nos poches que sur ce que nous avons fait à Sofia!…
Et il passa la liasse à Vladimir, qui alla la déposer près du narghilé.
Cette fois, l'agha posa son bout d'ambre sur la tablette, prit les billets, les compta, sourit à ces messieurs et leur fit savoir par le drogman qu'ils pouvaient partir, qu'ils étaient libres de continuer leur voyage comme ils l'entendaient et qu'il priait Allah de les garder de toute mauvaise rencontre.
Vladimir sortit de la tente en criant: «Vive La Candeur!» Rouletabille en criant: «Vive la Turquie!». Seul La Candeur ne cria rien du tout, et tous évitèrent de parler de la princesse Kochkaref, qui avait de si belles fourrures…
V
COMBAT A MORT ENTRE ATHANASE KHETEW ET GAULOW ET DE CE QUI S'ENSUIVIT
La première préoccupation de Rouletabille fut de hâter la marche de la petite caravane pour rattraper Ivana qu'ils avaient tout à fait perdue de vue. Il se félicitait de la chance qui avait fait échapper la jeune fille aux irréguliers de l'agha, car il pensait bien que pour la fille du général Vilitchkov, les choses ne se seraient peut-être point passées de la même façon… Il voulait absolument rattraper Ivana avant le soir et se désolait de ne point voir réapparaître sa silhouette. Il bousculait La Candeur et Vladimir. Ah! tout en détestant Ivana, il l'aimait encore!…
–Allons Vladimir! Allons! un peu plus vite! à quoi penses-tu, mon garçon!…
–Je pense, monsieur, СКАЧАТЬ