Les etranges noces de Rouletabille. Гастон Леру
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Читать онлайн книгу Les etranges noces de Rouletabille - Гастон Леру страница 14

СКАЧАТЬ s'écria La Candeur.

      –Il n'aurait pas commis une pareille infamie!… dit Rouletabille.

      –Bah! ça le gênerait!… dit Vladimir.

      –Il ne savait pas que tu avais une fortune sur toi, releva La Candeur.

      –Si, il le savait. Il se trouvait en même temps que moi chez «ma tante». Seulement on lui allongea vingt levas à lui, pendant qu'on m'en comptait quarante mille, à moi!…

      –Diable! fit Rouletabille… ça devient en effet intéressant… car, certainement, nous avons eu quelqu'un contre nous et autour de nous, dans l'Istrandja…

      –C'est Marko le Valaque!… Je vous dis!… Il a voulu nous faire arrêter par les Turcs pour entraver nos correspondances! et il nous a dénoncés!… Il aura envoyé une dénonciation anonyme aux autorités d'Andrinople ou de Kirk-Kilissé qui ont fait prévenir l'agha!… C'est clair comme le jour!…

      –Voilà le soir qui tombe, et nous n'avons pas revu Mlle Vilitchkov… fit Rouletabille en pressant les flancs de sa bête…

      –Que le diable emporte la demoiselle! grogna La Candeur entre ses dents.

      –Kara-Selim y suffira!… fit tout bas Vladimir.

      –Tais-toi!… s'il t'entendait, Rouletabille te tuerait…

      Soudain, ils entendirent des coups de feu, un bruit de bataille… et, à l'issue d'un étroit défilé, les reporters, Rouletabille en tête, aperçurent des flammes au-dessus d'un village. Rouletabille courait, courait; les autres suivirent… et tous trois retrouvèrent à l'entrée du village Ivana qui semblait les attendre

      Elle leur ordonna de descendre de cheval et les fit pénétrer hâtivement dans une maison dont la façade devait donner sur la place centrale, ou qui, en tout cas, n'en était pas éloignée. Ils traversèrent, derrière elle, plusieurs pièces, en courant, trouvèrent un escalier, s'y engagèrent et furent bientôt sur une terrasse contre les garde-fous de laquelle ils s'écrasèrent pour ne pas être atteints par les balles qui pleuvaient sur la place, du haut de la mosquée. De là, aplatis comme ils l'étaient, ils ne pouvaient être vus mais étaient placés au premier rang pour voir. Ils ne virent d'abord que ceci: Athanase aux prises avec Gaulow!… cependant qu'autour d'eux Bulgares, et bachi-bouzouks se livraient un combat acharné.

      Disons tout de suite que l'attitude de la jeune fille, en cette occasion, comme en beaucoup d'autres, parut de plus en plus louche à Rouletabille. Elle savait qu'Athanase était aux prises avec Gaulow et la farouche guerrière, l'ardente patriote qu'elle était consentait tout à coup à n'être que spectatrice du combat! Elle n'allait pas aider Khetew!… Et elle attendait les jeunes gens à l'entrée du village pour leur faire suivre un chemin d'où ils pourraient voir le combat, mais gui les en éloignait, comme si elle avait peur d'un renfort pour Khetew!…

      Enfin voilà un événement bien extraordinaire! Dans une des premières rencontres que les siens, ses frères bulgares ont avec l'oppresseur turc, Ivana Vilitchkov, se contente de regarder!… mais comme elle regardait! Ce qu'ils voyaient, du reste, avait une véritable grandeur héroïque.

      Dans la nuit commençante, éclairée par les flammes du minaret comme par un gigantesque flambeau, deux hommes, au milieu de la place, se livraient un combat furieux. Ils étaient le centre et le pivot d'une lutte acharnée. Autour d'eux, soldats bulgares et bachi-bouzouks se fusillaient, se déchiraient, se taillaient en pièces. Il y avait cinquante engagements partiels, mais on ne voyait que celui-là! Les deux héros, Gaulow et Athanase, étaient montés sur des chevaux qui semblaient animés de la même haine que leurs maîtres et qui les portaient l'un contre l'autre avec une furie sans égale.

      Les deux bêtes et les deux chefs se heurtaient avec une rage qui paraissait devoir, en un instant, les anéantir. On s'attendait, après le choc qui faisait trembler le sol de la place, à ce qu'ils roulassent tous quatre pour ne plus se relever, et l'esprit restait confondu de les voir se dégager pour courir autour de cette arène de carnage et se retrouver avec une force nouvelle!

      Les sabres tournaient autour des têtes et s'abattaient pour les faucher, mais les bonds prodigieux des montures sauvaient les cavaliers d'un coup funeste, ou un cheval se cabrait, formant bouclier, et c'était à recommencer! On eût dit qu'ils étaient invulnérables tous deux, et tous deux ne cessaient de se frapper.

      Ivana, haletante, regardait cette joute avec une passion qui touchait au délire.

      Des interjections, des mots inarticulés, des phrases incompréhensibles s'échappaient de sa gorge râlante.

      Dans son désordre, elle n'avait pas pris garde qu'elle avait saisi la main de Rouletabille et qu'elle la lui serrait avec plus ou moins de force suivant les phases du combat.

      Mais quelle ne fut pas l'horreur dans laquelle Rouletabille fut plongé en constatant soudain que chaque pression de cette main fiévreuse, que chaque soupir de cette gorge haletante était pour Gaulow.

      Oui, alors que Rouletabille et ses compagnons suivaient les péripéties de cette terrible passe d'armes avec une angoisse qui augmentait chaque fois qu'Athanase courait un danger plus grand, et avec un espoir qui s'exprimait par d'encourageantes exclamations chaque fois que ce dernier semblait prendre le dessus, Ivana, elle, partageait des émotions diamétralement opposées.

      Quand Gaulow, sous un coup imprévu, semblait menacé, elle était prête à défaillir et c'est avec peine qu'elle retenait le cri de son allégresse quand on pouvait croire que tout était fini pour Athanase.

      Soudain, comme le cheval de Gaulow venait de s'abattre, entraînant dans sa chute son cavalier, elle eut un sourd gémissement.

      En un instant, Athanase, hors de selle, s'était jeté sur le pacha noir, le sabre haut.

      Gaulow faisait des efforts inouïs pour se dégager de sa bête, mais il n'y parvint que dans le moment qu'Athanase l'abattait d'un coup terrible.

      Le pacha noir tomba au milieu des cris de victoire des Bulgares, qui traînèrent sa dépouille au milieu de la place, cependant que les bachi-bouzoucks, qui avaient décidément le dessous, s'enfuyaient de toutes parts.

      La Candeur, Vladimir, Tondor s'étaient levés et applaudissaient au triomphe de leur champion; mais Rouletabille était occupé à soutenir Ivana qui, sans force, quasi mourante, s'était laissée tomber dans les bras du reporter et tournait vers lui une figure désespérée.

      –Ivana, lui dit Rouletabille, revenez à vous!… reprenez vos sens!… C'est sans doute la joie qui vous tue!

      A cette parole fatale, la jeune fille eut un douloureux sourire et ne répondit rien…

      Sur la place, il n'y avait plus de combat qu'autour de la mosquée, où quelques bachi-bouzoucks s'étaient réfugiés et risquaient d'être brûlés vifs!… Aussi s'efforçaient-ils d'en sortir, cependant que les Bulgares, avec des cris de joie et de victoire, et tout aussi cruels que les Turcs, les rejetaient dans la fournaise…

      –Allons féliciter Athanase!… s'écria La Candeur.

      –Allez donc! fit Rouletabille: Madame est souffrante, je reste près d'elle…

      –Allez-vous-en tous! pria Ivana… dans un souffle… ne vous occupez pas de moi…

      Or dans le moment il y eut un curieux mouvement sur la place…

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