La Terre. Emile Zola
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Название: La Terre

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ bien! et ta part, demanda Fouan, l'acceptes-tu?

      Buteau marcha jusqu'à la porte; puis, se retournant:

      – Non!

      Tout le corps du vieux paysan trembla. Il se grandit, il eut un dernier éclat de l'antique autorité.

      – C'est bon, tu es un mauvais fils… Je vas donner leurs parts à ton frère et à ta soeur, et je leur louerai la tienne, et quand je mourrai, je m'arrangerai pour qu'ils la gardent… Tu n'auras rien, va-t'en!

      Buteau ne broncha pas, dans son attitude raidie. Alors, Rose, à son tour, essaya de l'attendrir.

      – Mais on t'aime autant que les autres, imbécile!.. Tu boudes contre ton ventre. Accepte!

      – Non!

      Et il disparut, il monta se coucher.

      Dehors, Lise et Françoise, encore saisies de cette scène, firent quelques pas en silence. Elles s'étaient reprises à la taille, elles se confondaient, toutes noires, dans le bleuissement nocturne de la neige. Mais Jean qui les suivait, également silencieux, les entendit bientôt pleurer. Il voulut leur rendre courage.

      – Voyons, il réfléchira, il dira oui demain.

      – Ah! vous ne le connaissez pas, s'écria Lise. Il se ferait plutôt hacher que de céder… Non, non, c'est fini!

      Puis d'une voix désespérée:

      – Qu'est-ce que je vais donc en faire de son enfant?

      – Dame! faut bien qu'il sorte, murmura Françoise.

      Cela les fit rire. Mais elles étaient trop tristes, elles se remirent à pleurer.

      Lorsque Jean les eut laissées à leur porte, il continua sa route, à travers la plaine. La neige avait cessé, le ciel était redevenu vif et clair, criblé d'étoiles, un grand ciel de gelée, d'où tombait un jour bleu, d'une limpidité de cristal; et la Beauce, à l'infini se déroulait, toute blanche, plate et immobile comme une mer de glace. Pas un souffle ne venait de l'horizon lointain, il n'entendait que la cadence de ses gros souliers sur le sol durci. C'était un calme profond, la paix souveraine du froid. Tout ce qu'il avait lu lui tournait dans la tête, il ôta sa casquette pour se rafraîchir, souffrant derrière les oreilles, ayant besoin de ne plus penser à rien. L'idée de cette fille enceinte et de sa soeur le fatiguait aussi. Ses gros souliers sonnaient toujours. Une étoile filante se détacha, sillonna le ciel d'un vol de flamme, silencieuse.

      Là-bas, la ferme de la Borderie disparaissait, renflant à peine d'une légère bosse la nappe blanche; et, dès que Jean se fut engagé dans le sentier de traverse, il se rappela le champ qu'il avait ensemencé à cette place, quelques jours plus tôt: il regarda vers la gauche, il le reconnut, sous le suaire qui le couvrait. La couche était mince, d'une légèreté et d'une pureté d'hermine, dessinant les arêtes des sillons, laissant deviner les membres engourdis de la terre. Comme les semences devaient dormir! quel bon repos dans ces flancs glacés, jusqu'au tiède matin, où le soleil du printemps les réveillerait à la vie!

      DEUXIÈME PARTIE

      I

      Il était quatre heures, le jour se levait à peine, un jour rose des premiers matins de mai. Sous le ciel pâlissant, les bâtiments de la Borderie sommeillaient encore, à demi sombres, trois longs bâtiments aux trois bords de la vaste cour carrée, la bergerie au fond, les granges à droite, la vacherie, l'écurie et la maison d'habitation à gauche. Fermant le quatrième côté, la porte charretière était close, verrouillée d'une barre de fer. Et, sur la fosse à fumier, seul un grand coq jaune sonnait le réveil, de sa note éclatante de clairon. Un second coq répondit, puis un troisième. L'appel se répéta, s'éloigna de ferme en ferme, d'un bout à l'autre de la Beauce.

      Cette nuit-là, comme presque toutes les nuits, Hourdequin était venu retrouver Jacqueline dans sa chambre, la petite chambre de servante qu'il lui avait laissé embellir d'un papier à fleurs, de rideaux de percale et de meubles d'acajou. Malgré son pouvoir grandissant, elle s'était heurtée à de violents refus, chaque fois qu'elle avait tenté d'occuper, avec lui, la chambre de sa défunte femme, la chambre conjugale, qu'il défendait par un dernier respect. Elle en restait très blessée, elle comprenait bien qu'elle ne serait pas la vraie maîtresse, tant qu'elle ne coucherait pas dans le vieux lit de chêne, drapé de cotonnade rouge.

      Au petit jour, Jacqueline s'éveilla, et elle demeurait sur le dos, les paupières grandes ouvertes, tandis que, près d'elle, le fermier ronflait encore. Ses yeux noirs rêvaient dans cette chaleur excitante du lit, un frisson gonfla sa nudité de jolie fille mince. Pourtant, elle hésitait; puis, elle se décida, enjamba doucement son maître, la chemise retroussée, si légère et si souple, qu'il ne la sentit point; et, sans bruit, les mains fiévreuses de son brusque désir, elle passa un jupon. Mais elle heurta une chaise, il ouvrit les yeux à son tour.

      – Tiens! tu t'habilles… Où vas-tu?

      – J'ai peur pour le pain, je vais voir.

      Hourdequin se rendormit, bégayant, étonné du prétexte, la tête en sourd travail dans l'accablement du sommeil. Quelle drôle d'idée! le pain n'avait pas besoin d'elle, à cette heure. Et il se réveilla en sursaut, sous la pointe aiguë d'un soupçon. Ne la voyant plus là, étourdi, il promenait son regard vague autour de cette chambre de bonne, où étaient ses pantoufles, sa pipe, son rasoir. Encore quelque coup de chaleur de cette gueuse pour un valet! Il lui fallut deux minutes avant de se reprendre, il revit toute son histoire.

      Son père, Isidore Hourdequin, était le descendant d'une ancienne famille de paysans de Cloyes, affinée et montée à la bourgeoisie, au XVIe siècle. Tous avaient eu des emplois dans la gabelle: un, grenetier à Chartres; un autre, contrôleur à Châteaudun; et Isidore, orphelin de bonne heure, possédait une soixantaine de mille francs, lorsque, à vingt-six ans, privé de sa place par la Révolution, il eut l'idée de faire fortune avec les vols de ces brigands de républicains, qui mettaient en vente les biens nationaux. Il connaissait admirablement la contrée, il flaira, calcula, paya trente mille francs, à peine le cinquième de leur valeur réelle, les cent cinquante hectares de la Borderie, tout ce qu'il restait de l'ancien domaine des Rognes-Bouqueval. Pas un paysan n'avait osé risquer ses écus; seuls, des bourgeois, des robins et des financiers tirèrent profit de la mesure révolutionnaire. D'ailleurs, c'était simplement une spéculation, car Isidore comptait bien ne pas s'embarrasser d'une ferme, la revendre à son prix dès la fin des troubles, quintupler ainsi son argent. Mais le Directoire arriva, et la dépréciation de la propriété continuait: il ne put vendre avec le bénéfice rêvé. Sa terre le tenait, il en devint le prisonnier, à ce point que, têtu, ne voulant rien lâcher d'elle, il eut l'idée de la faire valoir lui-même, espérant y réaliser enfin la fortune. Vers cette époque, il épousa la fille d'un fermier voisin, qui lui apporta cinquante hectares; dès lors, il en eut deux cents, et ce fut ainsi que ce bourgeois, sorti depuis trois siècles de la souche paysanne, retourna à la culture, mais à la grande culture, à l'aristocratie du sol, qui remplaçait l'ancienne toute-puissance féodale.

      Alexandre Hourdequin, son fils unique, était né en 1804. Il avait commencé d'exécrables études au collège de Châteaudun. La terre le passionnait, il préféra revenir aider son père, décevant un nouveau rêve de ce dernier, qui, devant la fortune lente, aurait voulu vendre tout et lancer son fils dans quelque profession libérale. Le jeune homme avait vingt-sept ans, lorsque, le père mort, il devint le maître de la Borderie. Il était pour les méthodes nouvelles; son premier soin, en se mariant, fut de chercher, non du bien, mais de l'argent, car, selon lui, il fallait СКАЧАТЬ