Le Docteur Pascal. Emile Zola
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Название: Le Docteur Pascal

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ pressante le tirèrent de son rêve.

      – Eh bien! quoi donc? monsieur, il est midi un quart, vous ne voulez pas déjeuner?

      En bas, en effet, le déjeuner attendait, dans la grande salle à manger fraîche. On avait laissé les volets fermés, un seul venait d'être entrouvert. C'était une pièce gaie, aux panneaux de boiserie gris perle, relevé de filets bleus. La table, le buffet, les chaises, avaient dû compléter autrefois le mobilier empire qui garnissait les chambres; et, sur le fond clair, le vieil acajou s'enlevait en vigueur, d'un rouge intense. Une suspension de cuivre poli, toujours reluisante, brillait comme un soleil; tandis que, sur les quatre murs, fleurissaient quatre grands bouquets au pastel, des giroflées, des oeillets, des jacinthes, des roses.

      Rayonnant, le docteur Pascal entra.

      – Ah! fichtre! je me suis oublié, je voulais finir… En voilà, de la toute neuve et de la très pure, cette fois, de quoi faire des miracles!

      Et il montrait la fiole, qu'il avait descendue, dans son enthousiasme. Mais il aperçut Clotilde droite et muette, l'air sérieux. Le sourd dépit de l'attente venait de la rendre à tout son hostilité, et elle qui avait brûlé de se jeter à son cou, le matin, restait immobile, comme refroidie et écartée de lui.

      – Bon! reprit-il, sans rien perdre de son allégresse, nous boudons encore. C'est ça qui est vilain!.. Alors, tu ne l'admires pas, ma liqueur de sorcier, qui réveille les morts?

      Il s'était mis à table, et la jeune fille, en s'asseyant en face de lui, dut enfin répondre.

      – Tu sais bien, maître, que j'admire tout de toi… Seulement, mon désir est que les autres aussi t'admirent. Et il y a cette mort du pauvre vieux Boutin…

      – Oh! s'écria-t-il sans la laisser achever, un épileptique qui a succombé dans une crise congestive!.. Tiens! puisque tu es de méchante humeur, ne causons plus de cela: tu me ferais de la peine, et ça gâterait ma journée.

      Il y avait des oeufs à la coque, des côtelettes, une crème. Et un silence se prolongea, pendant lequel, malgré sa bouderie, elle mangea à belles dents, étant d'un appétit solide, qu'elle n'avait pas la coquetterie de cacher. Aussi finit-il par reprendre en riant:

      – Ce qui me rassure, c'est que ton estomac est bon… Martine, donnez donc du pain à mademoiselle.

      Comme d'habitude, celle-ci les servait, les regardait manger avec sa familiarité tranquille. Souvent même, elle causait avec eux.

      – Monsieur, dit-elle, quand elle eut coupé du pain, le boucher a apporté sa note, faut-il la payer?

      Il leva la tête, la contempla avec surprise.

      – Pourquoi me demandez-vous ça? D'ordinaire, ne payez-vous pas sans me consulter?

      C'était en effet Martine qui tenait la bourse. Les sommes déposées chez M. Grandguillot, notaire à Plassans, produisaient une somme ronde de six mille francs de rente. Chaque trimestre, les quinze cents francs restaient entre les mains de la servante, et elle en disposait au mieux des intérêts de la maison, achetait et payait tout, avec la plus stricte économie, car elle était avare, ce dont on la plaisantait même continuellement. Clotilde, très peu dépensière, n'avait pas de bourse à elle. Quant au docteur, il prenait, pour ses expériences et pour son argent de poche, sur les trois ou quatre mille francs qu'il gagnait encore par an et qu'il jetait au fond d'un tiroir du secrétaire; de sorte qu'il y avait là un petit trésor, de l'or et des billets de banque, dont il ne connaissait jamais le chiffre exact.

      – Sans doute, monsieur, je paye, reprit la servante, mais lorsque c'est moi qui ai pris la marchandise; et, cette fois, la note est si grosse, à cause de toutes ces cervelles que le boucher vous a fournies…

      Le docteur l'interrompit brusquement.

      – Ah ça! dites donc, est-ce que vous allez vous mettre contre moi, vous aussi? Non, non! ce serait trop!.. Hier, vous m'avez fait beaucoup de chagrin, toutes les deux, et j'étais en colère. Mais il faut que cela cesse, je ne veux pas que la maison devienne un enfer… Deux femmes contre moi, et les seules qui m'aiment un peu! Tous savez, je préférerais tout de suite prendre la porte!

      Il ne se fâchait pas, il riait, bien qu'on sentit, au tremblement de sa voix, l'inquiétude de son coeur. Et il ajouta, de son air gai de bonhomie:

      – Si vous avez peur pour votre fin de mois, ma fille, dites au boucher de m'envoyer ma note à part… Et n'ayez pas de crainte, on ne vous demande pas d'y mettre du vôtre, vos sous peuvent dormir.

      C'était une allusion à la petite fortune personnelle de Martine. En trente ans, à quatre cents francs de gages, elle avait gagné douze mille francs, sur lesquels elle n'avait prélevé que le strict nécessaire de son entretien; et, engraissée, presque triplée par les intérêts, la somme de ses économies était aujourd'hui d'une trentaine de mille francs, qu'elle n'avait pas voulu placer chez M. Grandguillot, par un caprice, une volonté de mettre son argent à l'écart. Il était ailleurs, en rentes solides.

      – Les sous qui dorment sont des sous honnêtes, dit-elle gravement. Mais monsieur a raison, je dirai au boucher d'envoyer une note à part, puisque toutes ces cervelles sont pour la cuisine à monsieur, et non pour la mienne.

      Cette explication avait fait sourire Clotilde que les plaisanteries sur l'avarice de Martine amusaient d'ordinaire; et le déjeuner s'acheva plus gaiement. Le docteur voulut aller prendre le café sous les platanes, en disant qu'il avait besoin d'air, après s'être enfermé toute la matinée. Le café fut donc servi sur la table de pierre, près de la fontaine. Et qu'il faisait bon là, dans l'ombre, dans la fraîcheur chantante de l'eau, tandis que, à l'entour, la pinède, l'aire, la propriété entière brûlait, au soleil de deux heures!

      Pascal avait complaisamment apporté la fiole de substance nerveuse, qu'il regardait, posée sur la table.

      – Ainsi, mademoiselle, reprit-il d'un air de plaisanterie bourrue, vous ne croyez pas à mon élixir de résurrection, et vous croyez aux miracles!

      – Maître, répondit Clotilde, je crois que nous ne savons pas tout.

      Il eut un geste d'impatience.

      – Mais il faudra tout savoir… Comprends donc, petite têtue, que jamais on n'a constaté scientifiquement une seule dérogation aux lois invariables qui régissent l'univers. Seule, jusqu'à ce jour, l'intelligence humaine est intervenue, je te défie bien de trouver une volonté réelle, une intention quelconque, en dehors de la vie… Et tout est là, il n'y a, dans le monde, pas d'autre volonté que cette force qui pousse tout à la vie, à une vie de plus en plus développée et supérieure.

      Il s'était levé, le geste large, et une telle foi le soulevait, que la jeune fille le regardait, surprise de le trouver si jeune, sous ses cheveux blancs.

      – Veux-tu que je te dise mon Credo, à moi, puisque tu m'accuses de ne pas vouloir du tien… Je crois que l'avenir de l'humanité est dans le progrès de la raison par la science. Je crois que la poursuite de la vérité par la science est l'idéal divin que l'homme doit se proposer. Je crois que tout est illusion et vanité, en dehors du trésor des vérités lentement acquises et qui ne se perdront jamais plus. Je crois que la somme de ces vérités, augmentées toujours, finira par donner à l'homme un pouvoir incalculable, et la sérénité, sinon le bonheur… Oui, je crois au triomphe final de la vie.

      Et son geste, élargi encore, faisait le tour du vaste horizon, comme pour prendre à témoin cette campagne en flammes, où bouillaient СКАЧАТЬ