Mathilde. Эжен Сю
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Название: Mathilde

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ que jamais je pus apprécier quelle était l'influence de ma tante, et combien on la redoutait. La femme la plus agréable, la plus à la mode, n'aurait pas été plus entourée, plus courtisée à son entrée dans le bal, que ne le fut mademoiselle de Maran; elle recevait ces respectueuses prévenances, ces hommages empressés, avec un très-grand air et une affabilité protectrice presque dédaigneuse.

      Nous allâmes du côté de la galerie où l'on dansait. M. de Versac, à qui je donnais le bras, me nomma différentes personnes qui méritaient d'être distinguées.

      Nous nous arrêtâmes un moment auprès d'une des portes de la galerie. J'entendis là les paroles suivantes, échangées entre deux personnes que je ne pouvais voir.

      – Eh bien! vous savez… Lancry est arrivé d'Angleterre… Je viens de le voir… Il est plus brillant que jamais…

      – Vraiment! il est de retour?.. – reprit l'autre personne. – La duchesse de Richeville doit être bien joyeuse, car elle avait été plus que triste de son départ… Pauvre femme!..

      A un mouvement assez brusque de M. de Versac pour nous frayer un passage dans la foule, je compris qu'il voulait distraire mon attention de cet entretien, qu'il n'était pas convenable que j'entendisse, et dont M. Gontran de Lancry, son neveu, était le héros.

      Je n'attachai alors aucune importance à cet incident, et je suivis M. de Versac. Avant d'arriver au bal, il me semblait que tout devait m'embarrasser: mon maintien, ma démarche, mon regard; mais ma première émotion passée, une fois au milieu de cette société à laquelle j'appartenais, je me sentis non pas rassurée, mais, pour ainsi dire, placée au milieu des miens.

      L'on n'est presque jamais gêné ou intimidé que lorsqu'on aborde une sphère au-dessus de celle à laquelle on appartient. Je recouvrai bientôt toute ma liberté d'observation.

      En entrant dans la galerie où l'on dansait, je fus presque éblouie de l'éclat, de la magnificence des toilettes. Madame de Mirecourt, amie de ma tante, et qui chaperonnait une jeune femme récemment mariée, offrit de nous ménager une place auprès d'elle. Mademoiselle de Maran accepta; Ursule et moi nous nous assîmes entre madame de Mirecourt et ma tante.

      M. de Versac nous quitta pour aller chercher son neveu, qu'il voulait nous présenter.

      – Eh bien! – dis-je tout bas à ma cousine, – ce n'est pas si effrayant, après tout; es-tu un peu rassurée?

      – Non, – me dit Ursule, – je ne puis vaincre mon émotion; je tremble; c'est à peine si je vois ce qui se passe autour de moi.

      – Moi, je vois fort bien, – lui dis-je gaiement; et, pour lui donner un peu de courage, j'ajoutai: – J'avoue que je trouve ce coup d'œil charmant. Quel dommage que tu ne puisses pas en jouir! Décidément, c'est une bien jolie chose qu'un bal.

      Comme je disais ces mots avec une joie naïve, ma tante, à côté de qui j'étais aussi, se prit à rire aux éclats.

      Plusieurs personnes qui étaient debout devant nous, pendant le repos d'une valse, se retournèrent. Madame de Mirecourt, qui se trouvait de l'autre côté d'Ursule, se pencha et dit à ma tante:

      – Qu'avez-vous donc à rire ainsi?

      – Est-ce qu'on peut y tenir, avec une petite moqueuse comme elle? – dit mademoiselle de Maran en me montrant à son amie. – Si vous entendiez combien ses remarques sont drôles, malignes… c'est à en mourir… Prenez bien garde à vous, car elle emporte la pièce d'abord! – Puis, se retournant vers moi, ma tante ajouta à demi-voix, d'un ton affectueusement grondeur: – Voulez-vous bien ne pas avoir autant d'esprit que ça, mademoiselle! on dira que c'est moi qui vous ai rendue si méchante.

      Tout ceci fut dit à voix basse, mais de façon à être entendu des personnes qui nous entouraient.

      Je regardai ma tante avec un profond étonnement. Ursule, se penchant à mon oreille, me demanda ce que j'avais dit de si plaisant à mademoiselle de Maran, et de quel ridicule je m'étais choquée.

      – Mais d'aucun, – lui répondis-je. – Je ne comprends pas un mot à ce qu'elle vient de me dire.

      Voici le mot de cette énigme. Ma tante voulait commencer à me faire cette réputation de méchanceté. Grâce à ses perfides paroles, plusieurs personnes placées devant nous (l'une d'elles, la bonne et charmante lady Fitz-Allan, me l'a répété plus tard) crurent être l'objet de mes moqueries.

      J'entrais pour la première fois dans le monde; pour plusieurs raisons je devais être assez remarquée. L'exclamation de ma tante sur mes observations malicieuses devait donc se répandre, et se répandit à l'instant.

      Il n'est pas, pour une femme, de plus funeste réputation que celle d'être même spirituellement moqueuse… Les sots la redoutent et la calomnient; les gens d'esprit la jalousent; les caractères bienveillants et généreux s'en éloignent. Aussi une demi-heure ne s'était pas écoulée depuis mon arrivée au bal, que j'avais déjà des ennemis.

      Lady Fitz-Allan m'a dit depuis que ma méchanceté fut un moment la nouvelle du bal. On s'entretint de l'ironie mordante de mademoiselle Mathilde de Maran. (On m'appela ainsi pour me distinguer de ma tante.)

      Personne n'avait entendu mes sarcasmes, il est vrai; mais, ainsi que cela arrive toujours, tout le monde en parlait.

      Ma tante voulut compléter son œuvre; quelques minutes après, au milieu d'un nouveau repos de valse, elle dit tout haut à Ursule:

      – Mon Dieu! ma pauvre enfant! n'ayez donc pas l'air si sérieux, si mélancolique; soyez donc un peu de votre âge si vous pouvez: qu'est-ce que c'est que cette sauvagerie-là?

      Ces mots de ma tante aussi entendus, répétés, commentés, établirent positivement que j'étais aussi moqueuse, aussi étourdie, que ma cousine était timide, sensée, réfléchie.

      Le monde revient bien rarement de ses premières impressions; ces quelques mots de ma tante eurent donc une grande influence sur ma destinée.

      Hélas! il faut tout dire, mon inexpérience, ma vanité, augmentèrent encore la portée du mal qu'on me faisait… Plus tard, je déplorai amèrement cette réputation de méchanceté moqueuse. J'eus d'abord assez de faiblesse pour en être presque flattée, presque fière. Je me croyais belle, je pensais que l'ironie était un brevet d'esprit.

      La valse finie, M. de Versac s'approcha de ma tante avec son neveu, M. le vicomte Gontran de Lancry.

      Je l'avoue… je ne pus m'empêcher de rester presque immobile de surprise à la vue de M. de Lancry; il avait alors environ trente ans. Il était difficile de voir un homme plus parfaitement agréable, d'un extérieur plus séduisant.

      J'étais bien jeune, et chez mademoiselle de Maran je n'avais vu personne qui pût en rien être comparé à M. de Lancry.

      Ancien page du roi, il avait servi et fait très-vaillamment la guerre en Espagne. Attaché plus tard à une grande ambassade, il avait, au bout de quelques années, abandonné l'état militaire; et, grâce aux bontés du roi et à la protection de M. de Versac, il avait été nommé gentilhomme de la chambre du roi.

      Ma première entrevue au bal de l'ambassade d'Autriche me revient très-présente à l'esprit. Il y avait eu grande réception au château; beaucoup d'hommes de la cour étaient venus au bal en uniforme. M. de Lancry sortait aussi des Tuileries; il portait l'éclatant habit de sa charge, et avait au cou le СКАЧАТЬ