Mathilde. Эжен Сю
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Название: Mathilde

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ de coquetterie. Lorsque, le soir, sa toilette, d'une recherche peut-être extrême pour son âge, était rehaussée du cordon bleu et de la plaque du Saint-Esprit, on ne pouvait imaginer un type plus agréable du grand seigneur d'autrefois.

      Il voyait rarement madame la duchesse de Versac, sa femme, qui depuis la restauration était retirée à l'Abbaye-aux-Bois, où elle s'occupait de pieuses et bonnes œuvres.

      Ce qui nous faisait encore aimer M. de Versac, c'étaient toutes ses narrations enchanteresses des bals de madame la duchesse de Berry, et surtout des quadrilles costumés. M. de Versac était un homme de plaisir par excellence; il parlait de ces fêtes, de ces distractions de la vie oisive et opulente, avec le plus vif intérêt.

      Parmi les autres personnes qui composaient, le matin, le petit cercle de mademoiselle de Maran, il y avait encore un des ministres du roi. C'était le meilleur homme du monde; il nous amusait fort par ses distractions et par ses insurmontables envies de dormir, auxquelles il cédait quelquefois en plein jour avec une bonhomie charmante.

      Ce qui mettait le comble à notre joie, c'était l'arrivée de M. Bisson, homme d'une science prodigieuse et d'une réputation européenne; il passait pour l'un des membres les plus éminents de l'Académie des sciences. C'était un grand homme maigre, haut de six pieds, avec une toute petite tête, et la figure la plus débonnaire qu'on pût voir; son long cou sortait d'une cravate blanche roulée en corde, dont le nœud se trouvait ordinairement derrière sa tête. En toute saison, il portait un spencer vert, fourré d'astracan, par-dessus son habit noir à larges basques. Pour rien au monde on ne l'aurait fait monter en voiture, tant il avait peur de verser; aussi, lors des temps pluvieux ou boueux, arrivait-il quelquefois chez mademoiselle de Maran dans un état à faire pitié.

      Rempli d'esprit, de connaissances, de bonté, il n'avait qu'une manie incurable, celle de toucher à tout, de tout déranger de place, et souvent de tout casser.

      Ma tante se mettait dans des colères furieuses; mais comme elle aimait beaucoup causer sciences avec un homme de la réputation de M. Bisson, elle finissait par s'apaiser.

      Je me souviendrai toujours d'une charmante tabatière ornée d'émaux de Petitot que ma tante lui avait imprudemment confiée, au milieu d'une dissertation sur un des derniers mémoires lus, je crois, par M. le duc de Luynes à l'Académie des sciences, sur les vases étrusques.

      M. Bisson commença par rouler innocemment la précieuse boîte dans sa main, puis peu à peu la conversation s'anima. Mademoiselle de Maran ne mettait aucune mesure dans ses attaques; plutôt que de céder, elle niait l'évidence.

      Le savant, exaspéré par je ne sais plus quelle fausse affirmation de ma tante, s'écria en frappant impétueusement sur la cheminée:

      – Eh! non, non, non, mille fois non, et encore non, madame.

      Chaque négation était accompagnée d'un grand coup de tabatière, donné à tour de bras sur la tablette de marbre.

      Ma tante ne s'aperçut de la destruction de sa fragile botte qu'au nuage de tabac et aux éclats d'émaux qui s'en échappèrent.

      – Ah! l'affreux brise-tout! – s'écria-t-elle en colère: – qu'est-ce qu'il m'a encore cassé là?.. mais, c'est ma tabatière de Petitot! Ah! le vilain homme; mais, monsieur, pour l'amour de Dieu, tenez-vous donc tranquille! vous me jetez du tabac dans les jeux, vous m'aveuglez! Pour cette fois, je vous défends de remettre les pieds chez moi, entendez-vous… Ma tabatière de Petitot!.. L'autre jour c'était une bonbonnière de cristal de roche irisé, une bonbonnière de cinquante louis, s'il vous plaît, qu'il m'a mise en morceaux en faisant gesticuler ses grands bras! Allez-vous-en… de chez moi, je vous en supplie… allez-vous-en… vos conversations me coûtent trop cher, sans compter que vous avez l'inconvénient d'arriver toujours fait comme un voleur et de m'apporter ici toutes les boues des rues de Paris.

      – Vous avez beau dire! madame, – s'écria M. Bisson courroucé, – je ne monterai jamais dans une voiture; j'y suis résolu, j'aime bien mieux salir votre tapis que de me casser le cou! – Et le savant ne parla pas autrement du désastre de la tabatière.

      – Tenez, monsieur Bisson, – dit ma tante, – laissez-moi tranquille, vous allez me mettre hors de moi; faites-moi l'amitié de sortir tout de suite, et surtout ne revenez plus.

      – Et où voulez-vous donc que j'aille? il n'est que deux heures et demie, je n'ai pas besoin d'être à l'Institut avant trois heures et demie, – dit M. Bisson; et il se plongea dans un fauteuil, en s'emparant d'un écran qu'il commença de démonter.

      – Comment où je veux que vous alliez! – s'écria mademoiselle de Maran outrée. – Est-ce que ma maison est faite pour servir de salle d'asile aux membres de l'Institut désœuvrés? Ah! mon Dieu! qu'est-ce qu'il fait encore là? Allons… bon… maintenant le voilà qui travaille à me casser un écran. Mais c'est intolérable… mais c'est une peste, mais c'est un fléau qu'un être aussi malfaisant; et mademoiselle de Maran fut obligée d'arracher des mains de M. Bisson l'écran déjà presque brisé.

      – C'est étonnant comme on travaille peu solidement de nos jours! cela vient de ce qu'on exagère la production outre mesure, – dit M. Bisson d'un air méditatif en s'armant d'un petit balai de cheminée dont il se servit pour tisonner en guise de pincettes, à la grande impatience de ma tante, qui se mit dans un nouvel accès de colère.

      De pareilles scènes, souvent renouvelées, nous divertissaient beaucoup; car M. Bisson revenait au bout de deux ou trois jours, complétement oublieux de ce qui s'était passé, et mademoiselle de Maran ne pouvait lui garder rancune.

      Ensuite de cette réception du matin, nous dînions avec mademoiselle de Maran; elle n'aimait à se contraindre en rien, n'invitait personne. On faisait chez elle une chère excellente; elle était gourmande et avait une manie qui nous causait d'insurmontables répugnances.

      Son maître d'hôtel, Servien, lui apportait tout ce qu'on présentait sur la table, car elle goûtait à tout, et souvent, – pardonnez-moi ce détail, mon ami, – elle se servait avec ses doigts, ensuite c'était son chien Félix, alors valétudinaire, qu'elle faisait manger dans son assiette.

      La durée du dîner nous était presque un supplice. Nous rentrions un moment dans le salon, où nous restions jusqu'à ce que mademoiselle de Maran fût complétement endormie dans son fauteuil, coutume à laquelle elle ne manquait pas. Ses gens avaient ordre de ne jamais la réveiller, et de prier les personnes qui auraient pu, par hasard, venir en prima-sera, d'attendre dans un autre salon.

      Nous remontions, avec Ursule, dans notre appartement sur les huit heures, et là, nous causions, nous lisions, nous faisions de la musique jusqu'à l'heure du thé.

      Jamais nous n'assistions aux soirées de mademoiselle de Maran; elle y recevait peu de femmes: celles qu'elle voyait étaient généralement de son âge.

      Vous concevez, mon ami, qu'habituées comme nous l'étions à cette vie monotone, nous devions être un peu éblouies de la perspective de bals et de fêtes que ma tante venait de nous ouvrir.

      En apprenant cette nouvelle, notre premier mouvement fut joyeux; peu à peu la réflexion amena des pensées mélancoliques.

      Je passai dans une agitation singulière la nuit qui précéda le bal. A mesure que le jour de cette fête approchait, je me sentais de plus en plus triste et accablée. Je n'avais pas eu le bonheur de jouir de la tendresse de ma mère… je ne la regrettai peut-être jamais davantage qu'à cet instant.

      L'expérience m'a prouvé que mon instinct ne m'avait pas trompée: c'est surtout lorsque nous СКАЧАТЬ