A quoi tient l'amour?. Марк Твен
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Название: A quoi tient l'amour?

Автор: Марк Твен

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ simultanément dans sa mémoire. Ses soupçons finirent par se concentrer sur trois jeunes gens. Ceux-ci revenaient toujours le hanter, semblaient effacer les autres. Et, pesant toutes leurs chances, fouillant avidement le passé, il faisait une investigation minutieuse dans ses souvenirs. Tel incident, d'abord négligé, l'obsédait à cette heure. Tel détail, jusqu'alors insignifiant, prenait une singulière importance. Rien de décisif, cependant; rien de précis, rien de sûr.

      Voyons! était-ce Prosper Dufriche, le fils de ce percepteur qui naguère avait recueilli Madeleine Cibre, et chez qui, justement, Lucile passait la journée présente? Quelle élégance hardie avait ce fier et robuste gaillard, sous son brillant uniforme d'officier, avec sa moustache gauloise, ses yeux clairs, son profil aquilin! Et ce dimanche-là, ne se trouvait-il pas à Verval, pour l'anniversaire de son père? Mais sa garnison était à plus de quarante lieues; et le lieutenant ne séjournait à la Villa des Roses que fort peu de temps, à de longs intervalles.

      D'autre part, que penser de Jean Savourny, l'instituteur? Veuf depuis dix-huit mois, ce mélancolique personnage, maigre, brun, barbu, dont le regard noir avait un éclat et une douceur bizarres, était toujours fourré chez les Fraisier, avec sa petite fille, une amie de Linette. Son air intelligent, sa voix musicale, ses façons étranges, pouvaient séduire un coeur naïf et romanesque.

      Il y avait aussi Victor Moussemond, le fils de l'huissier, un petit monsieur fat et pédant, qui devait plus tard succéder à son père, et qu'on appelait familièrement Toto Mousse. Le monocle à l'oeil, l'allure insolente, le teint fleuri, la lèvre gourmande et toujours rasée de frais, Toto se vantait volontiers d'un tas de bonnes fortunes et posait pour le type qui ne trouve pas de cruelles. Il habitait en face du magasin de nouveautés, et n'épargnait rien pour fasciner sa petite voisine, qu'il poursuivait ostensiblement de ses galanteries triomphales.

      Rouillon ne pouvait écarter ces trois figures. C'était une hallucination, une possession. Certainement, il devait sa déconvenue à l'un de ces trois hommes. Il en était convaincu. Conviction violente, passionnée, impérieuse, absolue. Il voulut les revoir réellement, les observer de ses yeux. Il ne s'y tromperait pas, il saurait vite la vérité.

      Dans ce but, il sortit. Il réussit à les rencontrer tous les trois. Il eut le courage de les aborder. Il leur parla, les fit parler. Mais il rentra sans avoir acquis une certitude, et vainement se creusa la tête toute la nuit.

      Il n'avait pas songé un seul instant à André Jorre, le maître bourrelier, qui, revenu de Paris depuis deux ans, était établi en haut du bourg, devant les hêtres, dans la maison aux trois marches, où il vivait tranquillement avec son père infirme, sa bonne vieille mère et son jeune frère Paul. Ce discret travailleur se montrait peu, ne faisait guère parler de lui, et s'était bien gardé de compromettre Lucile.

      XI

      Rouillon n'eut pas le loisir de poursuivre longtemps son enquête.

      Le 15 juillet, la guerre était déclarée entre la France et la Prusse.

      Les catastrophes se précipitèrent. L'Empire croula. Paris fut bloqué.

      Les Allemands pénétrèrent jusqu'au coeur de la France.

      Dès les premiers chocs sur la frontière, on en avait cruellement ressenti le contre-coup à Verval. Quelques jours après la bataille de Reichshoffen, M. et Mme Dufriche ramenaient chez eux leur fils Prosper, grièvement blessé dans la mêlée. Un soldat dévoué avait pu l'emporter à travers un déluge de mitraille.

      Aux époques tragiques, les caractères s'accentuent naturellement avec un singulier relief, comme sous l'influence de réactifs violents. Chacun, dans la petite ville, fut surexcité par les désastres. Celui-ci levait au ciel des bras désespérés, et vingt fois par jour déclarait tout perdu; celui-là, sous une gravité triste, gardait l'espoir et la vigueur, comme un arbre toujours vert sous la neige et le vent glacé. Toto Mousse, pour qui son père avait à grand'peine trouvé un remplaçant payé au poids de l'or, ne songeait plus, oh! plus du tout, à la bagatelle; tremblant la peur, il restait nuit et jour terré chez lui, comme un lièvre au gîte.

      Tous les hommes valides étaient partis. André Jorre, ancien soldat, avait été rappelé sous les drapeaux.

      Un soir, par un ciel étoilé, dans les charmilles du jardin, il fit ses adieux à Lucile. Elle ne put, entre sa mère et lui, se défendre de pleurer.

      «André, lui dit-elle à travers ses larmes, en lui donnant un petit nécessaire arrangé par elle et où elle avait glissé son portrait, André, faites votre devoir, tout votre devoir! Autrement, nous ne serions pas dignes d'être heureux. Mais pensez un peu à moi, qui penserai toujours à vous.»

      Rouillon, âgé de trente-sept ans, n'avait pas été atteint par la loi de recrutement. Il s'était promis, d'ailleurs, puisqu'il était adjoint au maire, d'en profiter pour ne se laisser imposer d'aucune façon le service militaire.

      Il n'avait pas plus renoncé aux affaires qu'à la conquête de Lucile. Sa passion pour Mlle Fraisier, si profonde qu'elle fut, avait laissé intact son instinct commercial. Ayant flairé les événements longtemps à l'avance et prévu une hausse énorme sur les cuirs, il avait fait des achats de tous les côtés avant la déclaration de guerre; maintenant il réalisait de superbes bénéfices.

      Cela l'occupait, lui fournissait une diversion utile, mais n'apaisait point sa méchante humeur. La proclamation de la République le rendit furieux.

      Cette guerre, qu'on voulait continuer malgré tout, lui semblait inepte et désolante. Il n'y avait plus d'armée. Comment résister aux innombrables envahisseurs? Pourrait-on les empêcher de mettre toute la France au pillage?

      Bientôt ils seraient à Verval. Et alors, quel gâchis! Plus de sécurité pour les gens ni pour les biens!

      Ah! comme il rabrouait les exaltés; comme il se gênait peu pour les traiter publiquement de fous!

      Et comme il rabattait le caquet démocratique de Constant Fraisier, qui prêchait la lutte à outrance!

      XII

      L'ennemi, cependant, gagnait chaque jour du terrain. Le 2 octobre, Verval eut une première alerte. Des troupes allemandes apparurent au loin, dans la plaine, par grandes masses noires; et l'on vit les uhlans chevaucher de l'autre côté de l'eau. Mais on avait fait sauter le pont, et ce jour-là ils durent se borner à une promenade platonique.

      Le surlendemain, un détachement d'infanterie occupa le hameau de Saint-Maxin, à droite de la Sorelle. Deux hommes, d'abord, traversèrent la rivière sur un arbre creux, et reconnurent l'endroit. Puis, ils firent un radeau sur lequel passèrent une quarantaine de soldats; et cette avant-garde s'établit dans une ferme, à l'angle formé par le confluent de la Sorelle et de l'Orle, afin de rétablir le pont, tant bien que mal, au plus vite.

      Personne ne bougeait dans le bourg. Nul ne songeait à la défense; et les voitures où l'on avait entassé les armes de la garde nationale étaient déjà parties. Une compagnie de francs-tireurs les ramena. Le capitaine s'installa à la mairie, convoqua les autorités, déclara qu'il fallait résister, débusquer les Allemands de leur poste avancé. Il fit appel aux hommes de bonne volonté, distribua les fusils. Vainement le maire et quelques conseillers municipaux protestèrent de tout leur pouvoir; vainement se démena François Rouillon qui, sachant la méthode des Prussiens, redoutait les conséquences d'une pareille équipée.

      «Les voilà bien, criait-il, ces bandits de francs-tireurs! Ils sacrifient tout, parce qu'ils n'ont rien à perdre. Ils ruineraient vingt départements pour faire parler d'eux.»

      Les СКАЧАТЬ