A quoi tient l'amour?. Марк Твен
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Название: A quoi tient l'amour?

Автор: Марк Твен

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ André!»

      Le jeune homme était devant elles.

      «Un malheur vous est-il arrivé? leur dit-il précipitamment.

      – Il est arrivé, affirma Lucile, ce qui devait arriver tôt ou tard.

      François Rouillon a demandé ma main.

      – Ah!.. c'est grave, en effet. Savez-vous exactement ce que M. Fraisier lui doit?

      – Nous lui devons vingt mille francs, fit Mme Fraisier.

      – Vingt mille francs! Je ne croyais pas la somme aussi forte. J'ai vendu mes terres un bon prix; mais, avec tout l'argent que j'ai pu réunir, je reste loin de compte. Il est vrai que la liquidation de votre magasin produirait quelque chose. Vous êtes décidés à céder le fond, n'est-ce pas?

      – Il faudra bien que mon mari s'y résigne. Nous perdons de l'argent chaque année. Mais nous n'avons pas d'acquéreur, et une vente forcée serait désastreuse. Pour que la cession nous donne à peu près de quoi désintéresser M. Rouillon, il est indispensable qu'elle ait lieu dans de bonnes conditions. Nous irions vivre alors avec mes parents. Au moins, l'héritage de mon père ne serait pas compromis d'avance. Je voudrais sauver cela pour mes deux filles. Comment faire? Comment gagner du temps? M. Rouillon doit revenir dimanche; il exigera une réponse définitive. Un refus ferait immédiatement éclater l'orage.

      – Mère, je suis incapable de ruser avec lui. Si je lui laissais la moindre espérance, je me croirais inexcusable.

      – Lucile a raison, madame. Elle doit rester en dehors de cette affaire.

      – Croyez-vous que ce soit possible?

      – Si vous ne trouvez rien de mieux, dites qu'elle est trop jeune pour se marier maintenant.

      – Il ne se paiera point d'une semblable défaite.

      – Opposez donc la question de santé. Le docteur Farel vous est dévoué. Confiez-vous à lui. Qu'il ajourne le mariage à six mois, à un an! Que peut objecter Rouillon? D'ici là, nous aviserons.

      – C'est encore le moyen le plus simple et le plus sûr, dit Mme Fraisier.

      – Et jusqu'à nouvel ordre, ajouta vivement Lucile, que personne, même mon père, surtout mon père, ne se doute que je refuse M. Rouillon pour André! Mon père pourrait nous trahir sans le vouloir, sans y prendre garde. Et M. Rouillon est capable de tout. Il me fait peur.»

      Un instant, ils restèrent tous les trois silencieux et pensifs. Onze heures sonnèrent dans la nuit claire et paisible, au vieux clocher dont le double pignon brun se dessinait non loin d'eux, sous la blancheur du ciel. Il fallut se séparer. André regagna le bord de la rivière, se retourna pour envoyer un dernier baiser à Lucile et disparut dans la feuillée.

      «Jamais je n'accepterai M. Rouillon, j'aimerais mieux mourir!» répétait Lucile à sa mère en revenant vers la maison, tandis qu'une brise légère inclinait la pointe effilée des grands ifs.

      IX

      Le dimanche suivant, quand Rouillon revint, Lucile était absente. Mme Dufriche, cousine de sa mère, l'avait invitée, ainsi que Linette, à passer la journée à la Villa des Roses. Le soir, M. et Mme Fraisier devaient y dîner avec leurs deux filles, pour fêter le cinquantième anniversaire du percepteur.

      Fraisier, la mort dans l'âme, reçut Rouillon avec une physionomie souriante. Afin de chasser les idées noires, il but en sa compagnie quelques gouttes d'un généreux cognac. Il semblait n'avoir à lui dire que les choses les plus agréables.

      Il lui fit les plus chaleureux témoignages d'estime et d'amitié. Il parlait déjà comme un beau-père. Pas l'ombre d'une difficulté à l'horizon. C'était parfaitement entendu, convenu. Seulement, insinua-t-il, en dorant ses paroles d'un gros rire amical, seulement Rouillon était trop pressé. Il fallait patienter un peu. Lucile avait une santé si délicate! Tout l'hiver et tout le printemps, elle avait dû se soigner, prendre des toniques. Et le docteur ne voulait pas la marier avant la vingtième année. On avait beau dire, il restait inexorable, le terrible docteur!

      Ainsi le pauvre Fraisier défilait, avec le plus gracieux naturel, tout son chapelet de phrases soigneusement préparées, atténuant bien vite la moindre expression dangereuse, mettant une conviction persuasive en tout ce qu'il disait, s'arrêtant parfois une seconde pour juger de l'effet produit, guettant un mot, un geste de Rouillon, puis reprenant son petit discours d'un air dégagé, mais avec une anxiété profonde. Rouillon, devenu tout d'un coup très pâle, le laissa parler jusqu'à épuisement total de son éloquence familière. Il y eut alors un silence gênant.

      «Avez-vous fait part de ma demande à Mlle Lucile? dit enfin Rouillon d'une voix sèche.

      – Non. Sa mère avait des scrupules et a voulu, tout d'abord, consulter le docteur. Après quoi, nous avons cru préférable de ne rien dire à Lucile pour le moment. Nous devons la ménager. Pour vous, c'est quelques mois à attendre; voilà tout. Il ne faut pas nous en vouloir.»

      Rouillon baissa la tête.

      «J'aurais dû, l'autre soir, parler devant elle, fit-il tout bas.

      – Venez nous voir quand il vous plaira, s'écria Fraisier avec empressement; et parlez-lui à votre guise! Je m'en rapporte à vous. Mais je vous conseille de ne rien brusquer. Allez doucement. Elle vous saura gré de votre réserve et de vos attentions.

      – C'est juste, répondit Rouillon; je verrai ce que je dois faire.

      Adieu.»

      Et tandis que Fraisier lui prodiguait les bonnes paroles, il s'en alla lentement, les yeux troubles, la tête lourde.

      Au bout d'une vingtaine de pas, il se souvint qu'il avait encore dans sa poche un petit bracelet d'or, dont il devait faire cadeau à Lucile. Superstitieusement, il s'imagina que, s'il le gardait, ce serait un mauvais signe. Vite, il rebroussa chemin. Trouvant la porte du magasin fermée, il prit une ruelle latérale qui menait au jardin. Sur le point d'entrer, il s'arrêta. M. et Mme Fraisier, absorbés par une vive altercation, ne l'avaient pas entendu, ne le voyaient pas.

      «C'est toi qui lui montes la tête contre Rouillon, disait Fraisier avec colère.

      – Lucile l'a pris en aversion, répliquait sa femme. Je n'y puis absolument rien. Elle ne veut pas entendre parler de lui. Ce mariage ne se fera jamais. Arrangeons-nous en conséquence.»

      Rouillon chancela, comme sous un coup de massue. Blême, la sueur froide au front, il s'appuya contre le mur et resta une minute anéanti. Puis, dans un obscur sentiment de honte, de douleur et de rage, à pas de loup, sans faire de bruit, il s'éloigna.

      X

      Arrivé chez lui, il se laissa choir sur un siège; et pendant plus d'une heure, il n'eut la force ni de bouger, ni de penser. Sur lui pesait une lassitude étrange, un abattement morne, un désespoir noir. Il avait l'instinct confus d'un écroulement dans sa destinée et l'obscur pressentiment d'un avenir sinistre.

      «Elle ne m'aime pas! elle ne m'aimera jamais!» fit-il d'une voix sourde, en se dressant tout d'un coup, comme si un éclair venait de traverser l'ombre orageuse qui l'enveloppait.

      Il retomba, hagard. Les pensées maintenant se pressaient, se heurtaient tumultueusement sous son crâne. Pourquoi Lucile ne l'aimait-elle pas? Pourquoi cette aversion СКАЧАТЬ