Les beaux messieurs de Bois-Doré. Жорж Санд
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Название: Les beaux messieurs de Bois-Doré

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ la lui avait accordée au nom de son maître, à qui il voulait la présenter dès qu'il serait visible.

      En jouant dans la cour, l'enfant avait plu au cocher (carrossier ou carrosseur, comme on disait alors; carrosseux, comme on disait en Berry) et celui-ci avait consenti à le percher sur Squilindre, tandis que lui-même, monté sur Pimante (l'autre cheval de carrosse), tenait le bridon et menait l'attelage prendre, dans le ruisseau, son bain de jambes quotidien.

      D'Alvimar fut frappé de la figure de cet enfant, qu'il avait vu, la veille, se jeter en mendiant dans les jambes de son cheval et fuir devant son fouet, et qui, à cette heure, perché sur le monumental destrier Squilindre, le regardait de haut en bas, d'un air de triomphe bénévole.

      Il était impossible de voir une figure plus intéressante et plus touchante que celle de ce petit vagabond. C'était pourtant une beauté sans éclat; il était pâle, brûlé du soleil et paraissait frêle. Ses traits n'étaient peut-être pas irréprochables; mais il y avait dans l'expression de ses yeux d'un noir doux, et dans le tendre et fin sourire de sa bouche délicate, quelque chose d'irrésistible pour quiconque n'avait pas le cœur fermé au divin charme de l'enfance.

      Adamas avait subi instinctivement cette douce puissance, et déjà les plus grossiers valets de la basse-cour la subissaient aussi. Ces rudes natures sont parfois si bonnes! N'est-ce pas de celles-là que madame de Sévigné a dit qu'on trouvait «des âmes de paysans plus droites que des lignes, aimant la vertu comme naturellement les chevaux trottent?»

      Mais d'Alvimar, n'aimant pas la candeur, n'aimait pas les enfants, et celui-ci, en particulier, lui causa un déplaisir dont il ne put se rendre compte.

      Il eut donc une sensation de vertige et de froid, comme si, au moment de rentrer plus calme et moins triste dans ce manoir de Briantes, la herse lui fût tombée sur la tête.

      Il était sujet, depuis quelques années, à ces vertiges subits, et il mettait volontiers sur le compte des visages qui le frappaient dans ces moments-là un phénomène qui se passait en lui-même. Il croyait à des influences mystérieuses, et, pour les détourner, il s'empressait, à tout hasard, de renier et de maudire intérieurement les êtres qui lui semblaient investis de cette puissance occulte.

      – Puisse ce gros cheval le casser le cou! murmura-t-il en lui-même en relevant, sous son manteau, deux doigts de sa main gauche pour conjurer le mauvais œil.

      Il recommença ce geste cabalistique en voyant la Morisque venir vers lui dans le préau.

      Elle s'arrêta un moment, et, comme la veille, elle le regarda avec une attention qui l'irrita.

      – Que me voulez-vous? lui dit-il brusquement en marchant à elle.

      Elle ne répondit rien, et, le saluant, elle courut pour rejoindre son enfant, qu'elle s'inquiétait de voir à cheval.

      Le marquis venait au-devant de son hôte avec Lucilio Giovellino.

      – Venez donc manger, lui dit-il; vous devez être mort de faim! La Bellinde se désole de ne vous avoir pas vu sortir ce matin, et, conséquemment, de vous avoir laissé partir à jeun pour la promenade.

      M. d'Alvimar ne crut pas devoir parler de sa visite et de son repas au presbytère. Il parla de la beauté agreste des environs et du temps doux et riant de cette matinée d'automne.

      – Oui, dit Bois-Doré, nous en avons pour plusieurs jours encore, car le soleil…

      Il fut interrompu par un cri perçant qui partait du dehors, et, courant le plus vite qu'il put, pour savoir ce que c'était, il se trouva sur le pont avec d'Alvimar et Lucilio; l'un, qui l'avait précédé, l'autre, qui le suivait machinalement.

      Ils virent alors la Morisque au bord du fossé, étendant les bras avec angoisse vers son enfant, que le gros cheval emmenait dans l'eau, et prête à s'y jeter, du point assez escarpé où elle se trouvait.

      XV

      Voici ce qui était arrivé.

      Le petit bohème, heureux et fier d'équiter à lui tout seul un si grand dada, avait gentiment persuadé au carrosseux de lui laisser tenir le bridon. Le bon Squilindre, se sentant livré à cette petite main, et, d'ailleurs, excité par les joyeux petits talons qui tabourinaient sur ses flancs, s'était aventure trop avant sur la droite, avait perdu le gué et passé sous le pont à la nage. Le carrosseux essayait d'aller à son secours; mais Pimante, plus méfiant que son camarade, refusait de perdre pied; et l'enfant, se tenant aux crins, était enchanté de cette circonstance.

      Pourtant les cris de sa mère l'arrachèrent à son ivresse, et il lui cria: dans une langue qui ne fut comprise que de Lucilio:

      – N'aie pas peur, mère, je me tiens bien.

      Mais il était entré dans le courant de la petite rivière qui alimentait le fossé. Le lourd et flegmatique Squilindre en avait déjà assez, et ses naseaux, largement ouverts et tendus, annonçaient son malaise et son inquiétude.

      Il n'avait pas l'esprit de retourner en arrière; il s'en allait droit sur l'étang, où l'impossibilité de franchir le barrage pouvait bien épuiser ce qui lui restait de force pour nager.

      Cependant le danger n'était pas encore imminent, et Lucilio s'efforçait de faire entendre, par gestes, à la Morisque de ne pas se jeter à l'eau. Elle n'en tenait compte et descendait le talus gazonné, lorsque le marquis, voyant le danger que couraient ces deux pauvres êtres, essaya de déboutonner son manteau.

      Il se fût jeté à la nage; il allait le faire sans consulter personne et sans que d'Alvimar comprit son dessein, lorsque Lucilio, qui s'en aperçut et que rien ne gênait, sauta du pont dans le fossé et se mit à nager avec vigueur vers l'enfant.

      – Ah! ce bon, ce brave Giovellino! s'écria le marquis oubliant, dans son émotion, la traduction française qui dénaturait le nom de son ami.

      D'Alvimar enregistra ce nom dans les petites archives de sa mémoire, qui était très-fidèle, et, tandis que le marquis s'approchait du talus pour calmer et retenir la Morisque, il resta, lui, sur le pont, regardant avec un singulier intérêt ce qu'il adviendrait de l'aventure.

      Cet intérêt n'était pas celui que toute bonne âme eût ressenti en pareille circonstance, et pourtant l'Espagnol éprouvait une vive anxiété.

      Il ne tenait pas à ce que le muet fût noyé, ce qui n'avait aucune raison d'arriver; mais il souhaitait que l'enfant périt, chose qui paraissait très-possible. Il ne demandait pas au ciel d'abandonner cette pauvre créature; il ne raisonnait pas son cruel instinct; il le subissait, malgré lui, comme un mal bizarre, insurmontable. Il sentait de plus en plus cet enfant lui inspirer une terreur superstitieuse.

      – Si ce que j'éprouve est une révélation de ma destinée, pensait-il, elle s'agite et se décide en cet instant. Si l'enfant meurt, je suis sauvé; s'il est sauvé, je suis perdu.

      L'enfant fut sauvé.

      Lucilio rejoignit le cheval, prit le petit cavalier par le collet de sa souquenille, et alla le jeter sur la talus, dans les bras de sa mère, qui avait suivi, en courant et en criant, les péripéties de ce petit drame.

      Puis il retourna tranquillement chercher le trop simple Squilindre, qui s'acharnait contre le barrage de l'étang, et, le forçant à rebrousser chemin, le remit sain et sauf aux mains du carrosseux éperdu.

      Toute la maison était accourue aux cris СКАЧАТЬ