Les beaux messieurs de Bois-Doré. Жорж Санд
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Название: Les beaux messieurs de Bois-Doré

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ vous le dirais bien si je le savais; mais je ne le sais pas plus que vous, et, de quelque façon que je m'y sois pris, je n'ai jamais pu le lui faire dire.

      – Alors, bonsoir.

      – Attendez, monsieur, que je couvre le feu.

      Et, tout en couvrant le feu, Adamas continua en élevant la voix:

      – Cette femme est tout à fait mystérieuse, monsieur le marquis, et je voudrais que vous la vissiez!

      – À présent? dit le marquis réveillé en sursaut. Tu te moques, c'est l'heure de dormir.

      – Sans doute; mais demain matin?

      – Elle est donc céans?

      – Mais oui, monsieur! Elle demandait un coin pour passer la nuit à couvert; je l'ai fait souper, car je sais que monsieur n'entend pas qu'on refuse le pain aux malheureux, et je l'ai envoyée à la paille après avoir causé avec elle.

      – Et vous avez eu tort, mon ami: une femme est toujours une femme? Et… j'espère qu'elle n'est pas là avec d'autres mendiants? Je ne veux pas de débauche chez moi.

      – Ni moi non plus, monsieur! Je l'ai mise seule avec son enfant dans le petit cellier, où ils sont bien, je vous assure; ils ne paraissent pas habitués à être si bien, les malheureux! Cette Mercédès est pourtant aussi propre qu'on peut l'être dans une pareille pauvreté; voire, elle n'est point du tout laide.

      – J'espère, Adamas, que vous n'abuserez pas de sa misère?.. L'hospitalité est chose sacrée!

      – Monsieur se moque d'un pauvre vieillard! c'est bon pour monsieur le marquis d'avoir des principes de vertu! pour moi, je vous assure que je n'en ai plus grand besoin, n'étant plus tenté du diable. D'ailleurs, cette femme paraît très-honnête, et elle ne fait point un pas sans son enfant pendu à sa robe. Elle a dû courir d'autres dangers que celui de trop ma plaire; car elle a voyagé avec des bohémiens qui ont traversé aujourd'hui le pays. Ils étaient une assez grande bande, en partie Égyptiens, en partie ramassés un peu partout, comme c'est la coutume. Elle dit que ces vagabonds n'ont pas été méchants pour elle, tant il est vrai que les gueux se protègent les uns les autres. Ne connaissant pas les chemins, elle les suivait, parce qu'ils disaient aller en Poitou; mais elle les a quittés ce soir, disant qu'elle n'avait plus besoin d'eux et qu'elle avait affaire dans le pays d'ici. Or, voilà, monsieur, ce que je trouve encore fort surprenant, car elle n'a pas voulu me dire pourquoi elle agissait ainsi. Qu'en pense monsieur?

      Bois-Doré ne répondit rien; il dormait profondément, malgré le bruit que faisait Adamas, un peu volontairement, pour le forcer à écouter son histoire.

      Quand le vieux serviteur vit que, tout de bon, le marquis était parti pour le pays des songes, il le borda avec précaution, posa dans l'escarcelle de maroquin suspendue au dossier de son lit sa belle paire de pistolets de campagne; à sa main droite, il plaça sur une table sa rapière toute dégainée et son coutelas de chasse, son in-folio de l'Astrée, superbe édition avec gravures, une large coupe d'hypocras, un timbre avec son martinet, et un mouchoir de fine toile de Hollande, tout parfumé de musc. Puis il alluma la lampe de nuit, souffla les bougies piolées, c'est-à-dire jaspées de diverses couleurs, et rangea au pied du lit les pantoufles de velours rouge et la robe de chambre de serge de soie, brochée de vert sur vert.

      Alors, au moment de se retirer, le fidèle Adamas contempla son maître, son ami, son demi-dieu.

      Le marquis, débarbouillé de toutes ses peintures, était un beau vieillard, et le calme de sa bonne conscience répandait quelque chose de respectable sur sa face endormie. Tandis que sa perruque reposait sur la table et que ses habits, rembourrés pour masquer les creux que l'âge avait faits à ses épaules et à ses jambes, gisaient épars sur les fauteuils, son gros corps, aminci de moitié, dessinait ses contours anguleux sous un lodier ou couvre-pied de satin blanc, rehaussé d'armoiries en cannetille d'argent aux quatre coins.

      Le dossier du lit, montant en panneau droit de dix pieds de haut, ainsi que le ciel à lambrequins joint en forme de dais à ce grand panneau, étaient aussi en satin blanc, piqué à l'aiguille sur l'ouate épaisse, et rehaussé de larges dessins d'argent en relief: l'intérieur des rideaux était pareil; la face extérieure était en damas rose.

      Dans ce lit luxueux et si moelleux, cette vieille figure accentuée, et toujours martiale dans sa douceur, avec sa moustache hérissée de papillotes et son bonnet de taffetas ouaté, en forme de demi-mortier, garni d'une riche dentelle relevée en l'air comme une couronne, offrait, à la lueur d'une lampe bleuâtre, le plus singulier mélange de burlesque et d'austérité.

      – Monsieur dort bien, se dit Adamas; mais il a oublié de faire sa prière, et c'est ma faute; je vais la faire pour lui.

      Il se mit à genoux et pria très-dévotieusement; après quoi, il se retira dans sa chambre, qui n'était séparée que par une cloison de celle de son maître.

      L'arsenal qu'Adamas avait disposé autour du lit du marquis n'était qu'une affaire d'habitude ou de luxe.

      Tout était parfaitement tranquille autour du petit manoir; dans le manoir, tout dormait profondément.

      XIII

      Le premier éveillé fut M. Sciarra d'Alvimar, qui, accablé de fatigue, s'était endormi aussi le premier.

      Il n'aimait pas à rester au lit, et l'habitude d'une grande gêne, habilement dissimulée, lui rendait inutiles les soins du valet de chambre. Cela était d'autant mieux vu, que le vieil Espagnol qui l'accompagnait n'eût pas volontiers consenti à remplir d'autres fonctions que celles d'écuyer.

      Pourtant, cet homme lui était aussi dévoué qu'Adamas l'était à Bois-Doré; mais il y avait autant de différence dans leurs relations que dans leurs caractères et dans leur respective situation.

      Ils se parlaient peu, soit qu'ils y eussent de la répugnance, soit qu'ils s'entendissent à demi-mot sur toutes choses. Et puis, jusqu'à un certain point, le valet se considérait comme l'égal de son maître, vu que leurs familles étaient aussi anciennes l'une que l'autre, et aussi pures (du moins telle était leur prétention) de tout mélange avec les races maure et juive, si solennellement méprisées et si atrocement persécutées en Espagne.

      Sanche de Cordoue, tel était le nom du vieil écuyer, avait vu naître le jeune d'Alvimar dans le castel du village où lui-même, à force de misère, était réduit au métier d'éleveur de porcs. Le jeune châtelain, fort peu plus riche que lui, l'avait pris à son service, le jour où il s'était décidé à aller chercher fortune à l'étranger.

      On disait, dans ce village castillan, que Sanche avait aimé madame Isabelle, mère de d'Alvimar, et même qu'il ne lui avait pas été indifférent. On expliquait ainsi l'attachement de cet homme taciturne et sombre pour un jeune homme hautain et froid, qui le traitait, non pas en valet proprement dit, mais en subalterne inintelligent.

      La vie rêveuse ou abrutie de Sanche se passait donc à soigner les chevaux et à entretenir brillantes et afûtées les armes de son maître. Le reste du temps, il priait, dormait ou songeait, évitant de se familiariser avec les autres domestiques, qu'il regardait comme ses inférieurs, ne se liant avec personne, vu qu'il se méfiait de tout le monde, mangeant peu, ne buvant point, et ne regardant jamais en face.

      D'Alvimar s'habilla donc lui-même et sortit, pour prendre connaissance des êtres, bien qu'il fit à peine jour.

      Le manoir avait vue СКАЧАТЬ