Название: La San-Felice, Tome 03
Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Cette croix avait naturellement été offerte au chef de la maison, c'est-à-dire à Simon Backer; mais celui-ci, homme simple, avait renvoyé l'offre à son fils, proposant de fonder en son nom une commanderie de cinquante mille livres, fondation qui ne s'obtenait que par faveur spéciale du roi; la proposition avait été acceptée, de sorte que c'était son fils, – à l'avenir duquel cette marque distinctive pouvait être utile, surtout pour rapprocher, à l'occasion d'un mariage, l'aristocratie d'argent de l'aristocratie de naissance, – de sorte que c'était son fils qui avait été nommé commandeur à sa place.
Nous avons vu que le jeune André Backer avait bonne tournure, qu'il était cité parmi les jeunes gens élégants de Naples, et nous avons pu voir, aux quelques mots échangés entre lui et Luisa San-Felice, qu'il était à la fois homme d'éducation et homme d'esprit; aussi, beaucoup de dames de Naples n'avaient-elles pas pour lui la même indifférence que notre héroïne, et beaucoup de mères de famille eussent-elles désiré que le jeune banquier, beau, riche, élégant, leur fît, à regard de leur fille, la même proposition qu'André Backer avait faite au chevalier à l'endroit de sa pupille.
Il aborda donc le roi avec beaucoup de mesure et de respect, mais avec beaucoup moins d'embarras qu'une heure auparavant, il n'avait abordé la San-Felice.
Les salutations faites, il attendit que le roi lui adressât le premier la parole.
Le roi l'examina des pieds à la tête et commença par faire une légère grimace.
Il est vrai qu'André Backer n'avait ni favoris ni moustaches; mais il n'avait non plus ni poudre ni queue, ornement et appendice sans lesquels, dans l'esprit du roi, il ne pouvait y avoir d'homme pensant parfaitement bien.
Mais, comme le roi tenait fort à toucher ses vingt-cinq millions, et que peu lui importait, au bout du compte, que celui qui les lui baillerait, eût de la poudre à la tête et une queue à la nuque, pourvu qu'il les lui baillât, tout en tenant ses mains derrière son dos, il rendit gracieusement son salut au jeune banquier.
– Eh bien, monsieur Backer, fit-il, où en est notre négociation?
– Sa Majesté me permettra-t-elle de lui demander de quelle négociation elle veut parler? répliqua le jeune homme.
– Celle des vingt-cinq millions.
– Je croyais, sire, que mon père avait eu l'honneur de répondre au ministre des finances de Votre Majesté que c'était chose arrangée.
– Ou qui s'arrangerait.
– Non point, sire, arrangée. Les désirs du roi sont des ordres.
– Alors, vous venez m'annoncer…?
– Que Sa Majesté peut regarder la chose comme faite; demain commenceront les versements, à notre caisse, des différentes maisons que mon père fait participer à l'emprunt.
– Et pour combien la maison Backer entre-t-elle personnellement dans cet emprunt?
– Pour huit millions, sire, qui sont dès à présent à la disposition de Votre Majesté.
– A ma disposition?
– Oui sire.
– Et quand cela?
– Mais demain, mais ce soir. Sa Majesté peut les faire prendre sur un simple reçu de son ministre des finances.
– Le mien ne vaudrait pas autant? demanda le roi.
– Mieux sire; mais je n'espérais pas que le roi fît à notre maison l'honneur de lui donner un reçu de sa main.
– Si fait, si fait, monsieur, je le donnerai et avec grand plaisir!.. Ainsi vous dites que ce soir…?
– Ce soir, si Votre Majesté le désire; mais, en ce cas, comme la caisse ferme à six heures, il faudrait que Votre Majesté permît que j'envoyasse un exprès à mon père.
– Comme je ne serais point fâché, mon cher monsieur Backer, que l'on ne sût pas que j'ai touché cet argent, dit le roi en se grattant l'oreille, attendu que cet argent est destiné à faire une surprise, il me serait agréable qu'il fût transporté cette nuit au palais.
– Cela sera fait, sire; seulement, comme j'ai eu l'honneur de le dire à Votre Majesté, mon père doit être prévenu.
– Voulez-vous revenir au palais pour écrire? demanda le roi.
– Ce que je voudrais surtout, sire, c'est de ne pas déranger le roi dans sa promenade; il suffit donc de deux mots écrits au crayon; ces deux mots remis à mon valet de pied, il prendra un cheval de poste et les portera à mon père.
– Il y a un moyen bien plus simple, c'est de renvoyer votre voiture.
– Encore… Le cocher changera de chevaux et reviendra me prendre.
– Inutile, je retourne à Naples vers les sept heures du soir, je vous reconduirai.
– Sire! ce sera bien de l'honneur pour un pauvre banquier, dit le jeune homme en s'inclinant.
– La peste! vous appelez un pauvre banquier l'homme qui m'escompte en une semaine une lettre de change de vingt-cinq millions, et qui, du jour au lendemain, en met huit à ma disposition! Je suis roi, monsieur, roi des Deux-Siciles, à ce que l'on dit du moins, eh bien, je déclare que, si j'avais huit millions à vous payer d'ici à demain, je vous demanderais du temps.
André Backer tira un petit agenda de sa poche, déchira une feuille de papier, écrivit dessus quelques lignes au crayon, et, se tournant vers le roi:
– Sa Majesté me permet-elle de donner un ordre à cet homme? demanda-t-il.
Et il désignait le valet de pied qui l'avait conduit vers le roi, et qui, s'étant retiré à l'écart, attendait la permission de retourner au château.
– Donnez, donnez, pardieu! dit le roi.
– Mon ami, fit André Backer, vous donnerez ce papier à mon cocher, qui partira à l'instant même pour Naples et le remettra à mon père. Il est inutile qu'il revienne, Sa Majesté me fait l'honneur de me ramener.
Et, en prononçant ces paroles, il s'inclina respectueusement du côté du roi.
– Si ce garçon-là avait de la poudre et une queue, dit Ferdinand, il n'y aurait à Naples ni duc ni marquis pour lui damer le pion… Enfin, on ne peut pas tout avoir.
Puis, tout haut:
– Venez, venez monsieur Backer, et je vais vous montrer à coup sûr des animaux que vous ne connaissez pas.
Backer obéit à l'ordre du roi, marcha près de lui en ayant soin de se tenir un peu en arrière.
Le roi le conduisit droit à l'enceinte où étaient enfermés les animaux qui, selon lui, devaient être inconnus au jeune banquier.
– Tiens, dit celui-ci, ce sont des kangourous!
– Vous les connaissez? s'écria le roi.
– Oh! СКАЧАТЬ