Название: Le magasin d'antiquités. Tome I
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Le silence ne fut point de longue durée: en effet, M. Swiveller qui avait pris la peine de nous donner, dans les chansons qu'il fredonnait, l'assurance mélodieuse que «son coeur était dans les montagnes, et qu'il ne lui manquait que son coursier arabe pour commencer à accomplir de grands actes de bravoure et d'honneur chevaleresque,» détacha ses yeux du plafond et descendit à la vile prose.
«Fred, dit-il, s'arrêtant tout à coup, comme si une idée soudaine lui avait traversé le cerveau, et reprenant sa voix de fausset, le vieux est-il en bonne disposition?
– Qu'est-ce que cela vous fait? répliqua l'ami d'un ton bourru.
– Rien; mais je vous le demande.
– Oui, naturellement. D'ailleurs, que m'importe qu'il le soit ou non?»
Encouragé sans doute, par cette réponse, à se jeter dans une conversation plus générale, M. Swiveller s'attacha à captiver notre attention.
Il commença par faire remarquer que le soda-water, quoique chose bonne en soi, était de nature à refroidir l'estomac si on ne le relevait par du gingembre ou une légère infusion d'eau-de-vie; que ce dernier liquide est en tout cas préférable, sauf une petite considération, celle de la dépense. Personne ne s'aventurant à combattre ces propositions, il continua en disant que la chevelure humaine était un corps très-propre à concentrer la fumée de tabac, et que les jeunes étudiants de Westminster et d'Eton, après avoir mangé quantité de pommes pour dissimuler l'acre parfum du cigare à leurs professeurs vigilants, étaient d'ordinaire trahis par cette propriété que possède leur tête d'une façon remarquable: d'où il conclut, que si l'Académie des sciences voulait fixer son attention sur ce sujet, et essayer de trouver dans les ressources de nos connaissances acquises un moyen de prévenir ces révélations indiscrètes, elle rendrait un immense service à l'humanité tout entière. Ces idées ne furent pas plus combattues que les précédentes. Alors M. Swiveller nous apprit que le rhum de la Jamaïque, quoiqu'il soit sans contredit un spiritueux agréable, plein de richesse et d'arôme, a l'inconvénient de revenir au goût durant tout le reste de la journée. Et comme personne ne s'avisait de contester l'un ou l'autre de ces points, M. Swiveller sentit sa confiance augmenter, et devint encore plus familier et plus expansif.
«C'est le diable, messieurs, dit-il, lorsque des parents en viennent à se brouiller Si l'aile de l'amitié ne doit jamais perdre une plume, l'aile de la parenté ne doit jamais non plus être écourtée: au contraire, elle doit toujours se développer sous un ciel serein. Pourquoi verrait-on un petit-fils et un grand-père s'attaquer avec une égale violence, quand tout devrait être entre eux bénédiction et concorde? Pourquoi ne pas unir vos mains et oublier le passé?
– Contenez votre langue, dit Frédéric.
– Monsieur, répliqua M. Swiveller, n'interrompez pas l'orateur. Voyons, messieurs, de quoi s'agit-il présentement? Voici un bon vieux grand-père. Je dis cela le plus respectueusement du monde, et voici un jeune petit-fils. Le bon vieux grand-père dit au jeune petit-fils dissipateur: «Je vous ai recueilli et élevé, Fred; je vous ai mis à même de marcher dans la vie; vous vous êtes un peu écarté du droit chemin, comme il n'arrive que trop souvent à la jeunesse; ne vous attendez pas à retrouver jamais la même chance, ou vous compteriez sans votre hôte.» À quoi le jeune petit-fils dissipé répond ainsi: «Vous avez autant de fortune qu'on peut en avoir; vous avez fait pour moi des dépenses considérables; vous entassez des piles d'écus pour ma petite soeur, avec laquelle vous vivez secrètement, comme à la dérobée, comme un vrai grigou, sans lui donner aucun plaisir. Pourquoi ne pas mettre de côté une bagatelle en faveur du petit-fils adulte?» Là-dessus, le brave grand-père réplique, «que non-seulement il refuse d'ouvrir sa bourse avec ce gracieux empressement qui a toujours tant de charmes chez un gentleman de son âge, mais qu'il éclatera en reproches, lui dira des mots durs, lui fera des observations toutes les fois qu'ils se trouveront ensemble. Voilà donc la question tout simplement. N'est-ce pas pitié qu'un pareil état de choses se prolonge? et combien ne vaudrait-il pas mieux que le vieux gentleman donnât du métal en quantité raisonnable, pour rétablir la tranquillité et le bon accord!»
Après avoir prononcé ce discours en taisant décrire à son bras une foule d'ondulations élégantes, M. Swiveller plongea vivement dans sa bouche la tête de sa canne, comme pour s'enlever lui-même le moyen de nuire à l'effet de sa harangue en ajoutant un mot de plus.
«Pourquoi me poursuivez-vous? pourquoi me persécutez-vous? au nom du ciel! s'écria le vieillard se tournant vers son petit-fils. Pourquoi amenez-vous ici vos compagnons de débauche? Combien de fois aurai-je à vous répéter que ma vie est toute de dévouement et d'abnégation, et que je suis pauvre?
– Combien de fois aurai-je à vous répéter, dit l'autre en le regardant froidement, que je sais bien que ce n'est pas vrai?
– C'est vous qui vous êtes mis où vous êtes, dit le vieillard, restez-y; mais laissez-nous, Nelly et moi, travailler sans relâche.
– Nell sera bientôt une femme. Élevée à vous croire aveuglément, elle oubliera son frère s'il n'a soin de se montrer quelquefois à elle.
– Prenez garde, dit le vieillard, dont les yeux étincelèrent, qu'elle ne vous oublie quand vous souhaiteriez le plus de vivre dans sa mémoire. Prenez garde qu'un jour ne vienne où vous marcherez pieds nus dans les rues, tandis qu'elle vous éclaboussera dans son brillant équipage!
– C'est-à-dire quand elle aura votre argent. Voilà donc cet homme si pauvre!
– Et cependant, dit le vieillard laissant tomber sa voix et parlant en homme qui pense tout haut, combien nous sommes pauvres! quelle vie que la nôtre! Et quand on songe que c'est la cause d'une enfant, d'une enfant qui n'a jamais fait de tort ni de peine à personne, que nous soutenons… et que cependant nous ne réussissons à rien!.. Espoir et patience! c'est notre devise. Espoir et patience!»
Ces paroles furent prononcées trop bas pour arriver aux oreilles des jeunes gens. M. Swiveller sembla penser que les mots inintelligibles marmottés par le vieillard étaient l'indice d'une lutte morale produite par la puissance de sa harangue; car il toucha son ami du bout de sa canne en lui insinuant la conviction où il était, qu'il avait jeté «le grappin» sur le vieux, et qu'il comptait bien obtenir un droit de courtage sur les bénéfices. Peu de temps après, il s'aperçut de sa méprise; il prit alors un air endormi et mécontent, et plus d'une fois il avait insisté sur ce qu'il était temps de partir promptement, lorsque la porte s'ouvrit et la petite fille parut en personne.
CHAPITRE III
Nelly était suivie de près par un homme âgé, dont les traits étaient remarquablement durs et repoussants. Cet homme était de si petite taille, qu'il eût pu passer pour un nain, bien que sa tête et sa figure n'eussent pas déparé le corps d'un géant. Ses yeux noirs, vifs et empreints d'une expression d'astuce, étaient sans cesse en mouvement, sa bouche et son menton hérissés du chaume d'une barbe dure et inculte. Il avait de ces teints qui ont toujours l'air malpropre ou malsain. Mais ce qui donnait à l'ensemble de sa physionomie quelque chose de plus grotesque encore, c'était un sourire sinistre qui semblait provenir d'une simple habitude sans avoir rapport à aucun sentiment de joie ou de plaisir, et mettait constamment en évidence le peu de dents jaunâtres éparpillées dans sa bouche, ce qui lui donnait l'aspect d'un dogue haletant. Son costume se composait d'un vaste chapeau rond à haute forme, de vêtements de drap noir usé, d'une paire de larges souliers, et d'une cravate d'un blanc sale chiffonnée comme une corde, de manière à laisser à découvert la plus grande СКАЧАТЬ