Название: Le magasin d'antiquités. Tome I
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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«Tout cela est bel et bon, dit Mme Quilp avec beaucoup de simplicité; mais cela n'empêche pas que, si je venais à mourir, aujourd'hui pour demain, Quilp pourrait épouser qui bon lui semblerait; il le pourrait, j'en suis sûre.»
Il y eut à cette idée un cri général d'indignation. Épouser qui bon lui semblerait! Elles voudraient bien voir qu'il eût l'audace de faire à aucune d'elles une proposition de ce genre; elles voudraient bien voir qu'il en fît seulement semblant! Une dame (c'était une veuve) s'écria qu'elle était femme à le poignarder dès la première allusion à cette prétention insolente.
«À merveille, reprit mistress Quilp, balançant sa tête; tout cela est bel et bon, comme je le disais tout à l'heure; mais je répète que je suis certaine de mon fait, oui, certaine. Quilp sait si bien s'arranger quand il veut, que la plus belle de vous ne le refuserait pas si j'étais morte, qu'elle fût libre, et qu'il se mit dans la tête de lui faire la cour, allez!»
Chacune se redressa devant cette affirmation, comme pour dire: «C'est moi dont vous voulez parler!.. Eh bien! qu'il y vienne: on verra!» Et cependant, quelque raison cachée les animait toutes contre la veuve; pas une des dames qui ne murmurât à l'oreille de sa voisine, que cette veuve se figurait probablement être l'objet des allusions de Betzy… et que pourtant ce n'était pas le Pérou.
«Ma mère sait, ajouta mistress Quilp, que je ne me trompe pas. Elle-même m'a souvent tenu ce langage avant mon mariage. N'est-il pas vrai, maman?»
Cette question directe embarrassa singulièrement mistress Jiniwin, dont la position devenait des plus délicates; car la respectable dame avait certainement travaillé d'une manière active à marier sa fille à M. Quilp; et d'ailleurs, son orgueil maternel n'eût pas volontiers laissé s'accréditer l'idée qu'elle avait donné sa fille à un homme dont personne n'eût voulu. D'autre part, exagérer les qualités séduisantes de son gendre, c'eût été affaiblir la cause de la révolte, cette cause qu'elle avait embrassée avec ardeur. Partagée entre ces considérations contraires, mistress Jiniwin voulut bien reconnaître chez Quilp un esprit insinuant, mais elle lui refusa le droit de gouverner; et, avec un compliment bien placé à l'adresse de la grosse dame, elle ramena la discussion au point de départ.
«Oh! mistress George a dit une chose fort juste, fort sensée Si les femmes savaient seulement se respecter elles-mêmes!.. Mais Betzy ne s'en doute pas, et c'est bien dommage; j'en suis honteuse pour elle.
– Plutôt que de permettre à un homme de me mener comme Quilp la mène, dit mistress George, plutôt que de trembler devant un homme comme elle tremble devant lui, je… je me tuerais, après avoir commencé par écrire une lettre où je déclarerais que c'est lui qui m'a tuée!»
Cette idée fut accueillie par un concert unanime d'approbations bruyantes. Alors une autre dame, des Minories, prit à son tour la parole en ces termes:
«M. Quilp peut être un homme très-séduisant, je le suppose, je n'en doute même pas, puisque mistress Quilp et mistress Jiniwin le disent: or, si quelqu'un doit le savoir, c'est elles, assurément. Mais il n'est pourtant pas ce qu'on appelle un joli garçon, encore moins un jeune homme, ce qui pourrait au moins lui servir de circonstance atténuante; tandis que sa femme est jeune, agréable, et qu'enfin c'est une femme; et c'est tout dire!»
Ces dernières paroles, prononcées du ton le plus pathétique, excitèrent l'enthousiasme dans l'auditoire. Encouragée par son triomphe, la dame ajouta:
«Si un tel mari pouvait être bourru et déraisonnable avec une telle femme, il faudrait…
– S'il l'est! interrompit la mère retournant sa tasse vide dans la soucoupe et secouant les miettes qui étaient tombées dans son giron, comme pour se préparer à une déclaration solennelle; s'il l'est!.. C'est le plus grand tyran qui ait jamais existé; elle n'ose pas penser par elle-même; il la fait trembler d'un geste, d'un regard, il lui cause des frayeurs mortelles, sans qu'elle ait la force de lui répondre un mot, pas le plus petit mot!»
Quoique ces griefs fussent bien notoires et bien établis chez toutes ces dames amateurs de thé, et qu'ils eussent depuis un an servi de texte et de commentaire dans toutes leurs réunions du voisinage, cette communication officielle n'eut pas été plutôt reçue, qu'elles se mirent toutes à parler à la fois, rivalisant entre elles de véhémence et de volubilité. Mistress George s'écria que tout le monde s'en entretenait; que souvent elle en avait entendu causer auparavant; que mistress Simmons, qui avait vu quelques-unes de ces scènes, le lui avait dit vingt fois à elle- même, et qu'elle lui avait toujours répondu: «Non, ma chère Henriette Simmons, je n'y croirai jamais, à moins que je ne le voie de mes propres yeux et que je ne l'entende de mes propres oreilles.» Mme Simmons corrobora ce témoignage en y ajoutant des détails qui étaient à sa connaissance personnelle. La dame des Minories donna la recette d'un traitement infaillible auquel elle avait soumis son mari, et grâce auquel ce monsieur, qui, trois semaines après son mariage, s'était mis à manifester des symptômes non équivoques d'un naturel de tigre, s'était apprivoisé et était devenu doux comme un agneau. Une autre dame raconta la lutte qu'elle avait eue à soutenir et son triomphe final, qu'elle n'avait pas obtenu cependant sans être forcée d'appeler à son aide sa mère et deux tantes, avec lesquelles elle avait pleuré nuit et jour, durant six semaines, sans discontinuer. Une troisième qui, dans la confusion générale, n'avait pu trouver une autre personne pour l'écouter, s'accrocha à une jeune fille qui se trouvait là, et elle la conjura, au nom de sa tranquillité et de son bonheur, de mettre à profit cette circonstance solennelle pour éviter l'exemple de faiblesse donné par mistress Quilp, et pour songer uniquement, dès ce jour, à maîtriser et à dompter le caractère rebelle de son futur mari. Le bruit était à son comble, la moitié des dames en étaient venues, non plus à parler, mais à crier à qui mieux mieux pour dominer la voix des autres, quand soudain on vit mistress Jiniwin changer de couleur, et faire à la dérobée un signe du doigt, comme pour engager la compagnie à se taire. Alors, mais alors seulement, on aperçut dans la chambre Daniel Quilp lui- même, la cause vivante de tout ce tapage, occupé à regarder et écouter tout avec la plus profonde attention.
«Continuez, mesdames, continuez, dit Daniel. Mistress Quilp, veuillez engager ces dames à rester pour souper; vous leur donnerez une couple de homards avec quelque autre comestible léger et délicat.
– Je… je ne les avais pas invitées à prendre le thé, balbutia la jeune femme. C'est bien par hasard qu'elles se sont rencontrées.
– Tant mieux, mistress Quilp; les parties de plaisir imprévues sont toujours les meilleures, dit le nain en frottant ses mains avec tant de force qu'il semblait fabriquer des boulettes pour servir de gargousses à des canonnières d'enfant. Mais quoi! vous ne partez pas, mesdames? Vous ne partez sûrement pas?»
Ses belles ennemies agitèrent la tête d'un air mutin, tout en cherchant leurs chapeaux et leurs châles respectifs, mais elles laissèrent le soin de la résistance verbale à mistress Jiniwin, qui, se trouvant désignée par sa position pour soutenir la lutte, simula quelques efforts afin de sauver l'honneur de son rôle.
«Et pourquoi, dit-elle, ces dames ne resteraient-elles pas à souper, si ma fille le voulait?
– Certainement, répondit Daniel; pourquoi pas?
– Il n'y a rien d'inconvenant ni de déshonnête dans un souper, j'espère, dit Mme Jiniwin.
– Comment donc? répliqua le nain; ni de malsain non plus, à moins qu'on n'y mange une salade de homards ou des crevettes, car je me suis laissé dire que ce n'était pas bon pour la digestion.
– Et СКАЧАТЬ