Название: Le magasin d'antiquités. Tome I
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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«Hé! ma chère, dit-il avec un sourire malicieux, voici le jour!
Ouvrez la porte, ma douce mistress Quilp!..»
L'obéissante Betzy tira les verrous; sa mère entra.
Mistress Jiniwin s'élança impétueusement dans la chambre; car, supposant que son gendre était encore au lit, elle voulait se soulager en admonestant vertement sa fille sur la conduite et le caractère de son mari. Mais quand elle le vit debout et habillé, et qu'elle s'aperçut que, depuis la veille au soir, la chambre semblait avoir été constamment occupée, elle s'arrêta tout court avec quelque embarras.
Rien n'échappait à l'oeil de faucon du vilain petit homme; il comprit parfaitement ce qui se passait dans l'esprit de sa belle- mère. Paraissant plus laid encore dans la plénitude de sa satisfaction, il lui souhaita le bonjour en lui lançant une oeillade de triomphe.
«Eh quoi! Betzy, dit la vieille dame, vous n'avez pas été vous…
Ce n'est pas à dire, sans doute, que vous avez été…
– Debout toute la nuit! dit Quilp achevant la phrase. Oui, elle est restée debout.
– Toute la nuit! s'écria mistress Jiniwin.
– Oui, toute la nuit. Est-ce qu'elle est devenue sourde, la bonne femme? demanda Quilp avec un sourire accompagné d'un froncement de sourcils. Qui oserait dire que l'homme et la femme s'ennuient dans leur compagnie réciproque? Ah! ah! le temps a passé vite.
– Vous êtes une brute!
– Allons, allons, dit Quilp feignant de se méprendre, il ne faut pas adresser d'injures à votre fille. Elle est ma femme, vous le savez. Et parce qu'elle a fait si rapidement passer le temps que je n'ai point songé à m'aller mettre au lit, ce n'est pas une raison pour que votre tendresse envers moi vous anime contre elle. Dieu de Dieu, quelle maîtresse femme!.. À votre santé!
– Je vous suis fort obligée, répliqua la vieille dame, témoignant par l'agitation de ses mains qu'elle éprouvait un vif désir de faire tomber sur le gendre son poing maternel. Oh! je vous suis fort obligée.
– Âme reconnaissante!.. Mistress Quilp!
– Oui, Quilp, murmura l'esclave soumise.
– Aidez votre mère à préparer le déjeuner, mistress Quilp Ce matin, je vais à mon quai. Le plus tôt sera le mieux; ainsi hâtez- vous.»
Mistress Jiniwin fit mine de résistance en s'asseyant sur une chaise près de la porte et se croisant les bras comme si elle étais fermement résolue à ne rien faire du tout; mais ces symptômes de rébellion disparurent devant quelques mots que Betzy dit tout bas à sa mère, et surtout devant l'amabilité de son gendre, qui lui demanda avec intérêt si elle se trouvait mal, lui rappelant qu'il y avait de l'eau froide en abondance dans la pièce voisine. La vieille femme se disposa donc, bien qu'à contrecoeur, à s'occuper activement de ce qui lui avait été commandé.
Tandis que la mère et la fille vaquaient aux soins du déjeuner. M. Quilp passa dans l'autre chambre; là, il rabattit le collet de son habit, procéda à sa toilette de propreté, et se mit à se débarbouiller avec une serviette mouillée qui était loin d'être blanche, car son visage n'en sortit que plus ténébreux. Mais, pendant cette occupation, sa méfiance et sa curiosité ne le quittèrent point pour cela; au contraire, plus attentif et plus rusé que jamais, il s'interrompit dans sa courte opération pour aller écouter à la porte la conversation qui se tenait dans la chambre voisine, et dont il supposait devoir être le sujet.
«Ah! ah! se dit-il au bout de quelques moments, voilà donc pourquoi les oreilles me cornaient; je savais bien que je ne me trompais pas. Je suis un petit vilain bossu, je suis un monstre, à ce qu'il paraît, mistress Jiniwin! Ah!»
La joie de cette découverte amena sur ses lèvres un rire qui s'y épanouit comme la grimace d'un dogue; après quoi, ayant achevé sa toilette, il se secoua comme un caniche qui sort de l'eau et alla rejoindre ces dames.
M. Quilp s'était arrêté devant un miroir et il était en train de nouer sa cravate quand mistress Jiniwin, se trouvant par hasard derrière lui, ne put résister à l'envie qu'elle éprouva de montrer le poing à son tyran de gendre. Ce fut l'affaire d'un instant; mais, au moment où elle joignait au geste un regard de menace, elle rencontra dans la glace l'oeil de M. Quilp: elle était prise en flagrant délit. En même temps le miroir lui rendit par réflexion une longue langue sortant de l'horrible et grotesque figure du nain, et presque aussitôt celui-ci, se retournant vers elle avec une tranquillité et une douceur parfaites, lui demanda du ton le plus affectueux:
«Eh bien! comment cela va-t-il, maintenant, ma vieille petite mignonne?»
Si peu important que fût cet incident ridicule, il donna à M. Quilp un tel air de petit démon, de sorcier rusé et pénétrant, que la vieille dame eut trop peur de lui pour prononcer un seul mot, et se laissa conduire à table par son gendre, qui affectait une politesse extraordinaire. En déjeunant il n'atténua guère l'impression qu'il avait produite; car il se mit à dévorer des oeufs durs avec leur coquille, des crevettes monstrueuses avec la tête et la queue tout ensemble, mâchant à la fois avec la même avidité du tabac et du cresson, avalant sans sourciller du thé bouillant, mordillant sa fourchette et sa cuiller jusqu'à les tordre; en un mot, il fit tant de tours de force effrayants et peu ordinaires, que les deux femmes faillirent se pâmer de terreur et commencèrent à douter que le nain fût vraiment une créature humaine. Enfin, après avoir commis tous ces actes révoltants, et beaucoup d'autres encore du même genre qui rentraient dans son système, M. Quilp laissa la mère et la fille parfaitement réduites à la soumission et se rendit au bord du fleuve, où il prit un bateau pour se faire transporter au débarcadère auquel il avait donné son nom.
C'était la marée montante quand Daniel Quilp se plaça dans le bateau pour passer de l'autre côté de la Tamise. Toute une flottille de barques voguait nonchalamment, les unes de biais, les autres proue en tête, d'autres la poupe en avant; toutes emportées dans un mouvement violent et irrésistible contre de gros bâtiments où elles se heurtaient, passant sous les bossoirs des steam-boats, se fourrant dans toutes sortes d'endroits et de coins où elles n'avaient que faire, et craquant à tous les chocs comme autant de coquilles de noix. Chacune, avec sa paire de longs avirons, fendant la vague et faisant clapoter l'eau, avait l'air d'un poisson malade qui vient respirer à la surface de la vague. Sur quelques-uns des bâtiments à l'ancre, toutes les mains étaient activement occupées à rouer des cordages, à étendre des voiles pour les faire sécher, à recevoir ou à décharger les cargaisons; sur d'autres, les seuls êtres vivants qu'on aperçût étaient deux ou trois enfants barbouillés de goudron, et peut-être un chien qui aboyait en courant çà et là sur le tillac ou qui cherchait à grimper sur les bastingages СКАЧАТЬ