Название: David Copperfield – Tome II
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Là-dessus nous partîmes, en la laissant debout à côté de son fauteuil, comme si elle posait pour un portrait de noble attitude avec un beau visage.
Nous avions à traverser, pour sortir, une galerie vitrée qui servait de vestibule; une vigne en treille la couvrait tout entière de ses feuilles; il faisait beau et les portes qui donnaient dans le jardin étaient ouvertes. Rosa Dartle entra par là, sans bruit, au moment où nous passions, et s'adressant à moi:
«Vous avez eu une belle idée, dit-elle, d'amener cet homme!»
Je n'aurais pas cru qu'on pût concentrer, même sur ce visage, une expression de rage et de mépris comme celle qui obscurcissait ses traits et qui jaillissait de ses yeux noirs. La cicatrice du marteau était, comme toujours dans de pareils accès de colère, fortement accusée. Le tremblement nerveux que j'y avais déjà remarqué l'agitait encore, et elle y porta la main pour le contenir, en voyant que je la regardais.
«Vous avez bien choisi votre homme pour l'amener ici et lui servir de champion, n'est-ce pas? Quel ami fidèle!
– Miss Dartle, répliquai-je, vous n'êtes certainement pas assez injuste pour que ce soit moi que vous condamniez en ce moment?
– Pourquoi venez-vous jeter la division entre ces deux créatures insensées, répliqua-t-elle; ne voyez-vous pas qu'ils sont fous tous les deux d'entêtement et d'orgueil?
– Est-ce ma faute? repartis-je.
– C'est votre faute! répliqua-t-elle. Pourquoi amenez-vous cet homme ici?
– C'est un homme auquel on a fait bien du mal, miss Dartle, répondis-je; vous ne le savez peut-être pas.
– Je sais que James Steerforth, dit-elle en pressant la main sur son sein comme pour empêcher d'éclater l'orage qui y régnait, a un coeur perfide et corrompu; je sais que c'est un traître. Mais qu'ai-je besoin de m'inquiéter de savoir ce qui regarde cet homme et sa misérable nièce?
– Miss Dartle, répliquai-je, vous envenimez la plaie: elle n'est déjà que trop profonde. Je vous répète seulement, en vous quittant, que vous lui faites grand tort.
– Je ne lui fais aucun tort, répliqua-t-elle: ce sont autant de misérables sans honneur, et, pour elle, je voudrais qu'on lui donnât le fouet.»
M. Peggotty passa sans dire un mot et sortit.
«Oh! c'est honteux, miss Dartle, c'est honteux, lui dis-je avec indignation. Comment pouvez-vous avoir le coeur de fouler aux pieds un homme accablé par une affliction si peu méritée?
– Je voudrais les fouler tous aux pieds, répliqua-t-elle. Je voudrais voir sa maison détruite de fond en comble; je voudrais qu'on marquât la nièce au visage avec un fer rouge, qu'on la couvrît de haillons, et qu'on la jetât dans la rue pour y mourir de faim. Si j'avais le pouvoir de la juger, voilà ce que je lui ferais faire: non, non, voilà ce que je lui ferais moi-même! Je la déteste! Si je pouvais lui reprocher en face sa situation infâme, j'irais au bout du monde pour cela. Si je pouvais la poursuivre jusqu'au tombeau, je le ferais. S'il y avait à l'heure de sa mort un mot qui pût la consoler, et qu'il n'y eut que moi qui le sût, je mourrais plutôt que de le lui dire.»
Toute la véhémence de ces paroles ne peut donner qu'une idée très- imparfaite de la passion qui la possédait tout entière et qui éclatait dans toute sa personne, quoiqu'elle eût baissé la voix au lieu de l'élever. Nulle description ne pourrait rendre le souvenir que j'ai conservé d'elle, dans cette ivresse de fureur. J'ai vu la colère sous bien des formes, je ne l'ai jamais vue sous celle-là.
Quand je rejoignis M. Peggotty, il descendait la colline lentement et d'un air pensif. Il me dit, dès que je l'eus atteint, qu'ayant maintenant le coeur net de ce qu'il avait voulu faire à Londres, il avait l'intention de partir le soir même pour ses voyages. Je lui demandai où il comptait aller? Il me répondit seulement:
«Je vais chercher ma nièce, monsieur.»
Nous arrivâmes au petit logement au-dessus du magasin de chandelles, et là je trouvai l'occasion de répéter à Peggotty ce qu'il m'avait dit. Elle m'apprit à son tour qu'il lui avait tenu le même langage, le matin. Elle ne savait pas plus que moi où il allait, mais elle pensait qu'il avait quelque projet en tête.
Je ne voulus pas le quitter en pareille circonstance, et nous dînâmes tous les trois avec un pâté de filet de boeuf, l'un des plats merveilleux qui faisaient honneur au talent de Peggotty, et dont le parfum incomparable était encore relevé, je me le rappelle à merveille, par une odeur composée de thé, de café, de beurre, de lard, de fromage, de pain frais, de bois à brûler, de chandelles et de sauce aux champignons qui montait sans cesse de la boutique. Après le dîner, nous nous assîmes pendant une heure à peu près, à côté de la fenêtre, sans dire grand'chose; puis M. Peggotty se leva, prit son sac de toile cirée et son gourdin, et les posa sur la table.
Il accepta, en avance de son legs, une petite somme que sa soeur lui remit sur l'argent comptant qu'elle avait entre les mains, à peine de quoi vivre un mois, à ce qu'il me semblait. Il promit de m'écrire s'il venait à savoir quelque chose, puis il passa la courroie de son sac sur son épaule, prit son chapeau et son bâton, et nous dit à tous les deux: «Au revoir!»
«Que Dieu vous bénisse, ma chère vieille, dit-il en embrassant Peggotty, et vous aussi, monsieur David, ajouta-t-il en me donnant une poignée de main. Je vais la chercher par le monde. Si elle revenait pendant que je serai parti (mais, hélas! ça n'est pas probable), ou si je la ramenais, mon intention serait d'aller vivre avec elle là où elle ne trouverait personne qui pût lui adresser un reproche; s'il m'arrivait malheur, rappelez-vous que les dernières paroles que j'ai dites pour elles sont: «Je laisse à ma chère fille mon affection inébranlable, et je lui pardonne!»
Il dit cela d'un ton solennel, la tête nue; puis, remettant son chapeau, il descendit et s'éloigna. Nous le suivîmes jusqu'à la porte. La soirée était chaude, il faisait beaucoup de poussière, le soleil couchant jetait des flots de lumière sur la chaussée, et le bruit constant des pas s'était un moment assoupi dans la grande rue à laquelle aboutissait notre petite ruelle. Il tourna tout seul le coin de cette ruelle sombre, entra dans l'éclat du jour et disparut.
Rarement je voyais revenir cette heure de la soirée, rarement il m'arrivait de me réveiller la nuit et de regarder la lune ou les étoiles, ou de voir tomber la pluie et d'entendre siffler le vent, sans penser au pauvre pèlerin qui s'en allait tout seul par les chemins, et sans me rappeler ces mots:
«Je vais la chercher par le monde. S'il m'arrivait malheur, rappelez-vous que les dernières paroles que j'ai dites pour elle étaient: «Je laisse à ma chère fille mon affection inébranlable, et je lui pardonne.»
CHAPITRE III
Bonheur
Durant tout ce temps-là, j'avais continué d'aimer Dora plus que jamais. Son souvenir me servait de refuge dans mes contrariétés et mes chagrins, il me consolait même de la perte de mon ami. Plus j'avais compassion de moi-même et plus j'avais pitié des autres, plus je cherchais des consolations dans l'image de Dora. Plus le monde me semblait rempli de déceptions et de peines, plus l'étoile de Dora s'élevait pure et brillante au-dessus du monde. Je ne crois pas que j'eusse une idée bien nette de la patrie où Dora avait vu le jour, ni de la place élevée qu'elle occupait par sa nature dans l'échelle des archanges СКАЧАТЬ