Название: Ivanhoe. 2. Le retour du croisé
Автор: Вальтер Скотт
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Ainsi la liste des archers se trouva définitivement fixée au nombre de huit concurrens. Le prince Jean descendit de son trône pour examiner de plus près ces archers, dont plusieurs portaient une livrée royale. Sa curiosité ainsi satisfaite, il chercha des yeux l'objet de son ressentiment, qu'il aperçut debout, à la même place de la veille, et avec l'effronterie et le sang-froid dont il avait déjà donné des preuves. «Coquin, dit le prince Jean, je devinais à ton insolente fanfaronnade que tu ne serais pas un partisan du long but, et je vois que tu n'oses pas aventurer ton adresse au milieu de pareils concurrens.» – «Sous le bon plaisir de votre grâce, dit le yeoman, j'ai un autre motif, pour ne pas tirer, que la crainte d'une défaite.» – «Et quel est ce motif?» demanda le prince, qui, par quelque cause que lui-même n'aurait pu expliquer, se sentait travaillé d'une vive curiosité à l'égard de cet individu. «Parce que, repartit l'homme des bois, j'ignore si ces yeomen et moi pouvons tirer au même but; et puis je craindrais que votre altesse ne vît pas de bon oeil que je remportasse un troisième prix, après avoir eu le malheur d'encourir votre disgrâce.» – «Quel est ton nom? dit le prince en colère.» – «Locksley,» répondit-il. – «Eh bien, Locksley, tu viseras à ton tour, lorsque les six yeomen auront prouvé leur habileté. Si tu remportes le prix, j'y ajouterai vingt nobles10; mais si tu perds, tu seras dépouillé de ton habit vert de Lincoln11, et chassé de la lice à grands coups de corde d'arc, en récompense de ta forfanterie.»
«Et si je refuse de tirer avec une telle gageure? dit le yeoman, le pouvoir de votre grâce, aidé comme il l'est par un grand nombre d'hommes d'armes, peut aisément me dépouiller et me frapper, mais ne peut pas me forcer à bander et à lâcher mon arc si tel n'est pas mon bon plaisir.» – «Si tu refuses, dit le prince, le prévôt de la lice brisera ton arc et tes flèches, et te chassera de l'enceinte comme un lâche.» – «Ce n'est pas une belle chance que vous m'offrez, grand prince, dit le yeoman, que de m'obliger à me risquer avec les meilleurs archers des comtés de Leicester et de Stafford, sous peine de l'infamie si je suis vaincu: pourtant j'obéirai.» – «Gardes, veillez sur lui: le coeur lui manque; mais je ne veux pas qu'il échappe à la lutte. Et vous, braves amis, conduisez-vous dignement: une botte de vin et un chevreuil sont préparés là bas sous la tente pour vos rafraîchissemens quand vous aurez gagné le prix.»
Un bouclier fut placé au bout de l'avenue qui, vers le sud, conduisait au lieu de la joute. Les archers se vinrent placer au sein de l'entrée méridionale; la distance entre cette station et le but fut soigneusement déterminée, ainsi que l'ordre dans lequel devaient tirer les archers, auxquels on donna chacun trois flèches. Les règles du jeu furent établies par un officier d'un rang inférieur nommé le prévôt des jeux; car les maréchaux du tournoi auraient cru déroger s'ils avaient consenti à présider les jeux de la yeomanrie.
Les archers s'avançant l'un après l'autre lancèrent leurs flèches en braves yeomen. Sur les vingt-quatre flèches tirées successivement, dix touchèrent le but, et les autres en passèrent si près, que, vu la grande distance, on les compta comme de bons coups. De ces dix flèches, deux furent tirées par Hubert, garde-chasse au service de Malvoisin; elles s'étaient enfoncées dans le cercle tracé au milieu du bouclier, et il fut proclamé vainqueur.
«Eh bien, Locksley, dit le prince Jean à l'yeoman avec un sourire amer, as-tu envie de te mesurer avec Hubert? ou bien veux-tu remettre ton arc, tes flèches et ton baudrier au prévôt des jeux?» – «Puisqu'il est impossible de faire autrement, dit Locksley, je tenterai la fortune, à condition que lorsque j'aurai tiré un coup au but que m'aura indiqué Hubert, à son tour il en visera deux au mien.» – «Ce n'est que juste, répondit le prince Jean, et l'on ne te refusera pas. Hubert, si tu bats ce fanfaron, je remplirai de sous d'argent le cor de chasse qui doit être le prix du vainqueur.» – «Un homme ne peut faire que de son mieux, reprit Hubert; mais mon bisaïeul portait un arc long et fameux à la bataille d'Hastings, et j'espère ne pas déshonorer sa mémoire.» Le premier bouclier fut changé; on en plaça un autre de même grandeur; et Hubert, qui, comme vainqueur dans la première épreuve, avait le droit de tirer avant les autres, fixa le but avec une grande attention, mesurant long-temps de l'oeil la distance, pendant qu'il tenait à la main l'arc recourbé et la flèche déjà posée sur la corde. A la fin il fait un pas en avant, et, levant son arc presque au niveau de son front, il retire la corde vers son oreille. Le trait fend l'air avec bruit et va s'enfoncer dans le cercle intérieur du bouclier, mais non exactement au centre.
«Vous n'avez pas eu égard au vent, Hubert, lui dit Locksley en bandant son arc; autrement vous eussiez tout-à-fait réussi.» En disant ces mots, et sans montrer la moindre hésitation pour viser, Locksley se plaça vite à l'endroit indiqué, et décocha sa flèche avec une apparence de négligence si grande, qu'on eût pensé qu'il n'avait pas même regardé le but. Il parlait encore au moment que la flèche partit; cependant elle frappa le centre du bouclier deux pouces plus près que celle d'Hubert.
«Par la lumière du ciel, s'écria le prince Jean, si tu te laisses vaincre par ce drôle, tu es digne des galères.»
Hubert avait une phrase de prédilection qu'il appliquait à tout: «Dût votre altesse me condamner à la potence, un homme ne peut faire que de son mieux. Cependant mon bisaïeul portait un bon arc…» – «Peste soit de ton bisaïeul et de toute sa race! s'écria le prince en l'interrompant; lance ta flèche, malheureux, et vise de ton mieux, ou gare à toi!» Stimulé de la sorte, Hubert reprit sa place, sans négliger la précaution recommandée par son adversaire; il calcula l'effet du vent sur sa flèche déjà levée, et la lança tellement bien, qu'elle atteignit juste le milieu du bouclier.
«Bravo, Hubert! bravo!» cria le peuple qui s'intéressait plus à lui qu'à un inconnu; «vive jamais Hubert!» – «Je te défie de frapper plus juste, Locksley, dit le prince avec un sourire ironique.» – «Cependant j'entamerai sa flèche, reprit Locksley; et visant avec un peu plus de précaution que la première fois, il fit partir le trait qui frappa juste sur la flèche d'Hubert, et la mit en pièces. Le peuple fut tellement surpris d'une adresse aussi merveilleuse, que, se levant spontanément, il s'écria: «Bravo! bravo!» – «Ce doit être un diable, et non un homme fait de chair et de sang, murmuraient entre eux les archers; jamais pareil prodige ne s'est vu dans le tir, depuis qu'un arc fut pour la première fois bandé en Angleterre.»
«Maintenant, dit Locksley, je sollicite de votre grâce la permission de planter un but, comme on le pratique dans le nord; et je saluerai tout brave yeoman qui essaiera de l'atteindre, pour gagner un sourire de la jeune fille qu'il aime le plus.» Il se retourna alors comme pour quitter la lice: «Vos gardes peuvent me suivre, si cela vous plaît, dit-il au prince; je vais seulement couper une baguette au premier saule venu.» Le prince fit signe à quelques hommes d'armes de le suivre, en cas qu'il voulût s'évader; mais le cri de «honte! honte!» proféré par la multitude, décida Jean à révoquer son ordre.
Locksley revint presque aussitôt avec une baguette de saule d'environ six pieds de long, parfaitement droite, ayant un peu plus d'un pouce d'épaisseur. Il l'écorça tranquillement, en disant que proposer pour but un bouclier aussi large que celui qu'on venait d'employer, c'était faire une injure à son habileté. Pour ma part, ajouta-t-il, et dans le lieu où je suis né, on aimerait tout autant avoir pour but la table ronde du roi Arthur, qui permettait à soixante chevaliers de s'y asseoir à l'aise: un СКАЧАТЬ
9
Ville d'Angleterre où ont lieu les courses de chevaux; elle est située à environ soixante milles de Londres, et il y existe encore un palais où descend la famille royale quand elle assiste à ces courses, instituées par Charles II.A. M.
10
Ancienne monnaie d'or qui valait environ huit francs.
11
Ville manufacturière du comté de ce nom.A. M.