Ivanhoe. 2. Le retour du croisé. Вальтер Скотт
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СКАЧАТЬ à une attaque formidable, fixés sur leur selle de guerre, comme autant de piliers d'airain, et attendant le signal du combat avec la même impatience que leurs généreux coursiers, qui, hennissant et frappant du pied la terre, brûlaient de commencer un choc épouvantable.

      Pendant que les chevaliers tenaient leurs lances debout, les rayons du soleil en faisaient briller les pointes acérées, et des banderoles, les ornant à l'envi, flottaient sur les panaches qui ombrageaient l'éclat des casques belliqueux. Ils demeurèrent dans cette noble attitude pendant que les maréchaux du tournoi parcouraient les rangs avec une rigoureuse attention, de peur que l'un des deux partis ne se trouvât plus ou moins nombreux que l'autre. Assurés d'une balance égale, ils se retirèrent de la lice; et, d'une voix de tonnerre, Guillaume de Wyvil donna le signal en ces mots: «Laissez aller!» Les trompettes sonnèrent au même instant; les lances des chevaliers se baissèrent à la fois, et se mirent en arrêt; les éperons s'enfoncèrent dans les flancs des coursiers: des deux côtés les premiers rangs fondirent l'un sur l'autre au grand galop, et, lorsqu'ils se rencontrèrent au milieu de l'arène, leur choc fut si terrible, qu'on l'entendit à un mille de distance.

      Le résultat de ce premier engagement ne fut pas sur-le-champ connu des spectateurs, car les flots de poussière élevés par le trépignement des chevaux obscurcirent l'air, et il fallut attendre quelques minutes avant de pouvoir juger l'effet de cette rencontre meurtrière. Aussitôt que l'on put apercevoir le champ de bataille, on vit de chaque côté que la moitié des chevaliers avaient été désarçonnés, les uns vaincus par la dextérité de leurs adversaires, les autres par une force plus grande qui avait abattu en même temps le cheval et le cavalier; quelques uns gisaient sur la terre comme dans une impossibilité absolue de se relever; d'autres étaient déjà sur pied, et serraient de près ceux de leurs ennemis qui se trouvaient dans la même position; deux ou trois avaient reçu de si graves blessures qu'ils se voyaient hors de combat, et, employant leurs écharpes à arrêter le sang, ils s'épuisaient en douloureux efforts pour s'éloigner du milieu de la foule et du bruit. Les chevaliers non démontés, mais dont presque toutes les lances avaient été rompues par la violence du choc, avaient maintenant l'épée à la main; ils poussaient leurs cris de guerre, et échangeaient leurs coups avec le même acharnement que si l'honneur et la vie de chacun eussent dépendu de l'issue de l'action.

      Le tumulte s'accrut bientôt, lorsque de chaque côté le second rang, qui formait la réserve, se précipita au secours du premier. Les compagnons de Brian de Bois-Guilbert criaient: «Ah! Baucéan! Baucéan5! pour le Temple! pour le Temple!» Le parti opposé répondait: «Desdichado! desdichado!6» cri de guerre qu'il avait pris de la devise gravée sur le bouclier de son chef.

      Les deux partis en vinrent derechef aux mains avec une inexprimable furie. Le succès était balancé, et la victoire flottait incertaine entre les combattans. Le cliquetis des armes et les cris des champions, se mêlant à l'âpre son des trompettes, étouffaient les gémissemens de ceux qui succombaient et roulaient, sur le sol et sans défense, sous les pieds des chevaux. Les éclatantes armures des guerriers étaient alors couvertes de poussière et de sang, et se brisaient aux coups réitérés du glaive et de la hache d'armes. Les plumes blanches qui décoraient les casques voltigeaient au gré de la brise comme des flocons de neige. Tout ce qu'il y avait de brillant et de gracieux dans le costume militaire s'était évanoui, et ce qui demeurait visible n'était plus de nature qu'à éveiller la crainte ou la pitié.

      Cependant tel est l'empire de l'habitude, que non seulement la foule obscure des spectateurs attirée naturellement par les scènes d'horreur, mais les dames elles-mêmes, placées dans les galeries, observaient la mêlée non pas sans éprouver, on le pense bien, une certaine émotion, mais sans qu'il leur vînt la moindre envie de détourner les yeux d'une lutte aussi terrible. En divers lieux de ces galeries on voyait, il est vrai, les joues de la beauté pâlir, et on l'entendait pousser un faible cri lorsqu'un amant, un frère ou un époux était jeté de son cheval sur la poussière; mais, en général, les femmes encourageaient les combattans, soit en applaudissant de leurs mains, soit même en s'écriant: «Brave lance! bonne épée!» si un trait de courage ou un coup vigoureux venait les étonner. Au singulier intérêt que prenait le beau sexe à ces joutes sanglantes, il est aisé de sentir que les hommes en témoignaient un bien plus vif encore. Il se manifestait par de bruyantes acclamations à chaque heureuse chance de succès, pendant que tous les yeux s'attachaient sur l'arène, comme si les spectateurs eux-mêmes eussent donné ou reçu les coups dont ils se bornaient simplement à juger. A chaque pause on entendait la voix des hérauts qui s'écriaient: «Courage! frappez, braves chevaliers! l'homme meurt, mais la gloire vit! Frappez! la mort vaut mieux que la défaite! Courage, braves chevaliers! les yeux de la beauté contemplent vos exploits7

      Au milieu des chances variées du combat, tous les regards s'efforçaient de découvrir les deux héros de chaque troupe, qui, s'élançant dans la mêlée, encourageaient leurs compagnons tant de la voix que par l'exemple. Tous deux multipliaient leurs prodiges de valeur; et ni Brian de Bois-Guilbert ni le chevalier déshérité n'eussent rencontré dans les rangs qui leur étaient opposés un champion capable de se mesurer avec eux. Dévorés d'une haine mutuelle, ils tâchaient réciproquement de s'aborder, certains que la chute de l'un serait regardée comme le signal de la victoire. Tels étaient cependant la foule et le désordre, que pendant long-temps, pour en venir à un combat singulier, leurs efforts échouèrent. Sans cesse ils étaient séparés par la bouillante audace des autres chevaliers, qui tous brûlaient de se distinguer en mesurant leurs forces contre le chef du parti contraire.

      Mais lorsque le champ de bataille eut commencé à s'éclaircir, lorsque les uns, repoussés aux deux bouts de la lice, durent s'avouer vaincus, et que les autres, couverts de larges blessures, se virent dans l'impuissance de continuer le combat, le templier et le chevalier déshérité se joignirent à la fin, et fondirent l'un sur l'autre avec toute la fureur qu'une mortelle animosité, unie à la rivalité de la gloire, était propre à leur inspirer. Telle fut l'adresse de tous deux en parant et portant les coups, que les spectateurs poussèrent d'unanimes et spontanées acclamations pour exprimer leur ravissement et leur admiration.

      Mais dans ce moment le parti du chevalier déshérité eut le dessous; le bras gigantesque de Front-de-Boeuf d'un côté, et la force prodigieuse d'Athelstane de l'autre, frappaient et dispersaient tous ceux qui s'offraient à leurs coups. Se voyant délivrés de leurs antagonistes immédiats, il paraît que l'idée leur vint à tous deux au même instant de rendre la victoire décisive pour leur parti, en aidant le templier à combattre son ennemi. Ils piquèrent donc de l'éperon leurs coursiers, et s'élancèrent ensemble pour l'attaquer, le Normand par un flanc, et le Saxon par l'autre. Il eût été entièrement impossible au chevalier déshérité de soutenir une lutte aussi inattendue qu'inégale, s'il n'eût pas été sur-le-champ averti de son danger par le cri général des assistans qui lui portaient un intérêt marqué. «Garde à vous! gare! chevalier déshérité…» Il vit aussitôt le péril, et déchargeant un coup terrible au templier, il fit reculer son cheval au même instant, pour éviter le double assaut d'Athelstane et de Front-de-Boeuf; ceux-ci ayant manqué leur but, passèrent des deux côtés opposés, entre l'objet de leur attaque et le templier, pouvant à peine retenir leurs chevaux: les ayant enfin domptés, ils les ramenèrent sur l'ennemi, et tous les trois se réunirent pour faire vider les arçons au chevalier déshérité. Rien n'aurait pu le sauver de ce triple choc, sans la force remarquable et l'étonnante agilité de son noble coursier, prix de la victoire de la veille.

      Ce coursier lui rendit un signalé service, en profitant de la position défavorable des adversaires. Le cheval de Bois-Guilbert se trouvait blessé, et ceux de Front-de-Boeuf et d'Athelstane pliaient sous le fardeau de leurs maîtres et des lourdes armures dont ils étaient couverts, outre que ces mêmes coursiers avaient déjà fourni la veille leur carrière. Le chevalier déshérité sut ainsi profiter de tels désavantages, en faisant manoeuvrer son coursier de façon à tenir pendant quelques СКАЧАТЬ



<p>5</p>

Le Baucéan, que par erreur Walter-Scott écrit Beaucéant, était, dit-il, le nom de la bannière des templiers, laquelle était moitié noire, moitié blanche, pour annoncer, ajoute-t-il, qu'ils étaient aussi bons et candides envers les chrétiens, que noirs, c'est-à-dire terribles envers les infidèles. Cette explication de l'emblème est exacte; mais ici l'écrivain anglais confond, et prend un étendard pour l'autre. Les templiers en avaient deux: le Drapeau de guerre ou Vexilium belli, et le Baucéan ou Baucennus. Celui-ci, blanc, était chargé d'une croix gironnée de gueule ou rouge, formée de quatre triangles, l'autre était blanc, chargé de quatre pals de sable ou noirs.

<p>6</p>

Déshérité! déshérité! devise du chevalier Ivanhoe.

<p>7</p>

Fight on, brave Knights! man dies, but glory lives! Fight on, death is bether than defeat! Fight on! brave knights! for bright eyes behold your deeds!