Les grandes espérances. Чарльз Диккенс
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Название: Les grandes espérances

Автор: Чарльз Диккенс

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ buffet de la cuisine, un os, auquel il ne restait que fort peu de viande, et un magnifique pâté de porc. J'allais partir sans ce splendide morceau, quand j'eus l'idée de monter sur une planche pour voir ce que pouvait contenir ce plat de terre si soigneusement relégué dans le coin le plus obscur de l'armoire et que je découvris le pâté, je m'en emparai avec l'espoir qu'il n'était pas destiné à être mangé de sitôt, et qu'on ne s'apercevrait pas de sa disparition, de quelque temps au moins.

      Une porte de la cuisine donnait accès dans la forge; je tirai le verrou, j'ouvris cette porte, et je pris une lime parmi les outils de Joe. Puis, je remis toutes les fermetures dans l'état où je les avais trouvées; j'ouvris la porte par laquelle j'étais rentré le soir précédent; je m'élançai dans la rue, et pris ma course vers les marais brumeux.

      CHAPITRE III

      C'était une matinée de gelée blanche très humide. J'avais trouvé l'extérieur de la petite fenêtre de ma chambre tout mouillé, comme si quelque lutin y avait pleuré toute la nuit, et qu'il lui eût servi de mouchoir de poche. Je retrouvai cette même humidité sur les haies stériles et sur l'herbe desséchée, suspendue comme de grossières toiles d'araignée, de rameau en rameau, de brin en brin; les grilles, les murs étaient dans le même état, et le brouillard était si épais, que je ne vis qu'en y touchant le poteau au bras de bois qui indique la route de notre village, indication qui ne servait à rien car on ne passait jamais par là. Je levai les yeux avec terreur sur le poteau, ma conscience oppressée en faisant un fantôme, me montrant la rue des Pontons.

      Le brouillard devenait encore plus épais, à mesure que j'approchais des marais, de sorte qu'au lieu d'aller vers les objets, il me semblait que c'étaient les objets qui venaient vers moi. Cette sensation était extrêmement désagréable pour un esprit coupable. Les grilles et les fossés s'élançaient à ma poursuite, à travers le brouillard, et criaient très distinctement: «Arrêtez-le! Arrêtez-le!.. Il emporte un pâté qui n'est pas à lui!..» Les bestiaux y mettaient une ardeur égale et écarquillaient leurs gros yeux en me lançant par leurs naseaux un effroyable: «Holà! petit voleur!.. Au voleur! Au voleur!..» Un bœuf noir, à cravate blanche, auquel ma conscience troublée trouvait un certain air clérical, fixait si obstinément sur moi son œil accusateur, que je ne pus m'empêcher de lui dire en passant:

      «Je n'ai pas pu faire autrement, monsieur! Ce n'est pas pour moi que je l'ai pris!»

      Sur ce, il baissa sa grosse tête, souffla par ses naseaux un nuage de vapeur, et disparut après avoir lancé une ruade majestueuse avec ses pieds de derrière et fait le moulinet avec sa queue.

      Je m'avançais toujours vers la rivière. J'avais beau courir, je ne pouvais réchauffer mes pieds, auxquels l'humidité froide semblait rivée comme la chaîne de fer était rivée à la jambe de l'homme que j'allais retrouver. Je connaissais parfaitement bien le chemin de la Batterie, car j'y étais allé une fois, un dimanche, avec Joe, et je me souvenais, qu'assis sur un vieux canon, il m'avait dit que, lorsque je serais son apprenti et directement sous sa dépendance, nous viendrions là passer de bons quarts d'heure. Quoi qu'il en soit, le brouillard m'avait fait prendre un peu trop à droite; en conséquence, je dus rebrousser chemin le long de la rivière, sur le bord de laquelle il y avait de grosses pierres au milieu de la vase et des pieux, pour contenir la marée. En me hâtant de retrouver mon chemin, je venais de traverser un fossé que je savais n'être pas éloigné de la Batterie, quand j'aperçus l'homme assis devant moi. Il me tournait le dos, et avait les bras croisés et la tête penchée en avant, sous le poids du sommeil.

      Je pensais qu'il serait content de me voir arriver aussi inopinément avec son déjeuner. Je m'approchai donc de lui et le touchai doucement à l'épaule. Il bondit sur ses pieds, mais ce n'était pas le même homme, c'en était un autre!

      Et pourtant cet homme était, comme l'autre, habillé tout en gris; comme l'autre, il avait un fer à la jambe; comme l'autre, il boitait, il avait froid, il était enroué; enfin c'était exactement le même homme, si ce n'est qu'il n'avait pas le même visage et qu'il portait un chapeau bas de forme et à larges bords. Je vis tout cela en un moment, car je n'eus qu'un moment pour voir tout cela; il me lança un gros juron à la tête, puis il voulut me donner un coup de poing; mais si indécis et si faible qu'il me manqua et faillit lui-même rouler à terre car ce mouvement le fit chanceler; alors, il s'enfonça dans le brouillard, en trébuchant deux fois et je le perdis de vue.

      «C'est le jeune homme!» pensai-je en portant la main sur mon cœur.

      Et je crois que j'aurais aussi ressenti une douleur au foie, si j'avais su où il était placé.

      J'arrivai bientôt à la Batterie. J'y trouvai mon homme, le véritable, s'étreignant toujours et se promenant çà et là en boitant, comme s'il n'eût pas cessé un instant, toute la nuit, de s'étreindre et de se promener en m'attendant. À coup sûr, il avait terriblement froid, et je m'attendais presque à le voir tombé inanimé et mourir de froid à mes pieds. Ses yeux annonçaient aussi une faim si épouvantable que, quand je lui tendis la lime, je crois qu'il eût essayé de la manger, s'il n'eût aperçu mon paquet. Cette fois, il ne me mit pas la tête en bas, et me laissa tranquillement sur mes jambes, pendant que j'ouvrais le paquet et que je vidais mes poches.

      «Qu'y a-t-il dans cette bouteille? dit-il.

      – De l'eau-de-vie,» répondis-je.

      Il avait déjà englouti une grande partie du hachis de la manière la plus singulière, plutôt comme un homme qui a une hâte extrême de mettre quelque chose en sûreté, que comme un homme qui mange; mais il s'arrêta un moment pour boire un peu de liqueur. Pendant tout ce temps, il tremblait avec une telle violence, qu'il avait toute la peine du monde à ne pas briser entre ses dents le goulot de la bouteille.

      «Je crois que vous avez la fièvre, dis-je.

      – Tu pourrais bien avoir raison, mon garçon, répondit-il.

      – Il ne fait pas bon ici, repris-je, vous avez dormi dans les marais, ils donnent la fièvre et des rhumatismes.

      – Je vais toujours manger mon déjeuner, dit-il, avant qu'on ne me mette à mort. J'en ferais autant, quand même je serais certain d'être repris et ramené là-bas, aux pontons, après avoir mangé; et je te parie que j'avalerai jusqu'au dernier morceau.»

      Il mangeait du hachis, du pain, du fromage et du pâté, tout à la fois: jetant dans le brouillard qui nous entourait des yeux inquiets, et souvent arrêtant, oui, arrêtant jusqu'au jeu des mâchoires pour écouter. Le moindre bruit, réel ou imaginaire, le murmure de l'eau, ou la respiration d'un animal le faisait soudain tressaillir, et il me disait tout à coup:

      «Tu ne me trahis pas, petit diable?.. Tu n'as amené personne avec toi?

      – Non, monsieur!.. non!

      – Tu n'as dit à personne de te suivre?

      – Non!

      – Bien! disait-il, je te crois. Tu serais un fier limier, en vérité, si à ton âge tu aidais déjà à faire prendre une pauvre vermine comme moi, près de la mort, et traquée de tous côtés, comme je le suis.»

      Il se fit dans sa gorge un bruit assez semblable à celui d'une pendule qui va sonner, puis il passa sa manche de toile grossière sur ses yeux.

      Touché de sa désolation, et voyant qu'il revenait toujours au pâté de préférence, je m'enhardis assez pour lui dire:

      «Je suis bien aise que vous le trouviez bon.

      – Est-ce toi qui as parlé?

      – Je СКАЧАТЬ