Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur, lieutenant de frégate sous Louis XIV. Doublet Jean
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur, lieutenant de frégate sous Louis XIV - Doublet Jean страница 8

СКАЧАТЬ je veux il fera mon advancement dans le service de Mrs les Etats et sur toutes choses que j'eus à luy donner de mes nouvelles, et que j'assurats Mrs les captaines de nos convois de ses civilités, et qu'il ne souffrira aucun de son escadre de coure après nous. Le 16 de janvier, sur le midy, d'un assez beau tems, nous mismes tous soubs les voilles faisant route et pendant la nuit pour la rade du Havre, et sur les huit heures du 17e, au matin, nous eusmes connoissance du cap de la Hève éloigné de 5 à 6 lieux de nous et les deux convois forcèrent de voille et furent mouiller leurs ancres à la rade se persuadant que nous n'avions rien à craindre. Mais sur les dix heures aperceusmes en arrière de nous trois navires qui faisoient nostre mesme route et qui nous aprochoient promptement, ayant leurs pavillons blancs qui nous donnoit lieu de croire que c'étoit des navires pour le Havre; mais nous fusmes bien surpris qu'estant à portée nous aperceusmes leurs canons et leurs équipages prest à nous donner leur décharge sur la moindre de nos résistances, et arborèrent les pavillons d'Ostende et nous sommèrent d'ameiner nos voilles, ce qui fut bien tots obéy, et nous amarinèrent et nous firent tous changer de route, excepté un qui étoit proche la rade comandé par Jean le Comte qui échapa, et Mrs de nos convois eurent la confusion de nous voir ainssy enlever à leur vüe. Il est vray que les trois navires d'Ostende étoient beaucoup supérieurs, ayant le vaisseau le Palleul de 52 canons, le Castel-Rodrigue de 36 et la Justtice de 24, qui revenoient de Cadix aporter la paye des troupes d'Espagne en Flandre, et nous conduisirent en Ostende tous bien dépouillés, et ne fusmes que trois jours prisonniers, puis on nous distribua à chacun deux escalins valant quinze sols pour notre conduite. Je n'avois sur moy qu'un justaucorps sans manches raptassé de pièces de thoille godronnée et une pareille culote, des vieux bas de deux couleurs et sans pieds, et de misérables souliers qui m'abandonnèrent à la première lieue, et pour bonnet le haut d'un vieux bas ataché avec une ficelle. Bel équipage dans un rigoureux froid, et réduit à la mandicité qui me causa bien des larmes avant de m'y résoudre, cepandant j'euts quelques bonnes aubeines chez des gens de qualité et qui seroient trop longues à réciter.

      1672. – Etant arivé au pays, je fus ataqué d'une rude maladie causée par les fatigues que j'avoie souffertes, et pandant l'été je me rétabli la santé, et il se fit l'armement d'une flûte nomée le Chasseur, de douze canons, commandée par le sieur Jacques Sansson mon proche parent42. Nous fusmes au Sénégal charger 150 nègres et autres effects de la compagnie, et fusmes à l'ille Cayenne débarquer nos neigres et y chargeasmes quelques caisses de sucre, un peu de l'indigot et du rocou et ensuite nous fusmes à l'isle de St Cristofle où nous fusmes frapés d'une branche de houracan quoyque au quatreiesme d'octobre, ce qui fut tout extraordinaire. Nous étions sept bastiments à la rade de la Basse Terre, tous furent péris, échoués à la coste, et bien des hommes noyez excepté nous qui résistèrent sur nos câbles, mais ayant coupé généralement tous nos mâts, et étions tous disposés à revevoir le sort des autres, et après que la tempeste eut cessé nous nous réquipasmes du mieux possible avec les débris des mâts de ceux qui avoient péry et aussy des autres. Il revint d'autres navires dans cette rade, et nous achevasmes nostre chargement de sucre et indigot, et sur la my-novembre nous partismes de cette ille avec six autres navires tous marchands et de peu de force pour un temps de guerre, et étant au débouquement un flûton de la Tremblade, capitaine Chevalier, qui étoit grand voilier prit congé de nous, disant avoir très peu de vivre et qu'il espéroit étant seul de se rendre en France avant 15 jours, et en moins de trois heures il gagna plus de cinq lieues de l'avant de nous, mais tout à coup il fut surpris d'une grande voye d'eau qui combla son navire, et n'ayant aucun canon il fit plusieurs fusées de poudre et serra toutes ses voilles, demandant d'estre promptement secouru. Nous y fusmes et à paine nous n'eusmes loisir que de sauver l'équipage, et le navire coula au fond en très peu de temps. Nous continuasmes nostre route pendant 15 jours et un coup de vent nous sépara, qu'une flûte de la Rochelle de 18 canons, capitaine Merot, qui resta avec nous jusqu'à la sonde de Œssant désirant aler à Brest; mais nous fusmes rencontrés d'un corssaire de Flessingue de 28 canons, lequel nous ataqua, où le capitaine Merot fut tüé et plusieurs de son équipage, et nous n'ayant que douze canons nous eusmes un de nos passagers nommé Mr Leblanc, de Diepe. Cette frégate ayant esté maltraitée par nous se retira, mais ayant fait rencontre d'un de ses camarades, qui avait 36 canons, le landemain étant proche l'Iroise, à l'entrée de Brest, il nous ratrapèrent et nous prirent sans beaucoup de résistance, et à peine il nous eurent enlevé notre capitaine et les officiers qu'il s'éleva une tempeste qui les sépara d'avec nous et il n'eurent loisir que de nous mettre vingt hommes des leurs pour nous amariner et leur officier qui comandoit étoit très peu au fait de la navigation, et n'avoient presque rien pillé de nostre bord n'ayant eu le loisir. Nous entrasmes dans nostre Manche où cet officier se trouvoit fort embarassé, mais comme il y aloit de la vie, je le radressois sur les sondes qu'il ne connoissoit pas, et à un soir, nous nous trouvasmes proche de Portland en Angleterre. Il aspiroit de relascher à l'ille de Wic, je l'en détourna dans la vüe de nous soulever et de les enlever eux mesmes au Havre; à cet effect je communiquay le dessain à plusieurs de notre équipage dont nous étions restés encore vingt deux, contre 21 holandois dont la moitié faisoit le cart, j'avois caché six sabres et quatre pistolets et les espontons étoient libres, le tout bien prémédité la chose étoit facille, et les aurions enlevés au Havre en moins de 18 heures. Mais un coquin nomé Nicolas Laloet, de Diepe, qui parloit holandois et de notre équipage nous trahit et fut la cauze que je futs fort mal traitté, ainsy que trois de mes gens auxquels on trouva les armes cachées, et sans que je leur étois utille pour la navigation, ils m'ont juré depuis qu'ils m'auroient jetté dans la mer. Enfin conduisant la route pour Zélande, en passant au Pas de Calais, nous trouvasmes un moyen corssaire qui venoit de sortir du mesme port, il s'aprocha de nous à la voye et il n'oza nous ataquer et il nous auroit enlevées sans coup férir et auroit gagné plus de trois cents mil livres. Le landemain au matin, étant au travers de Dunkerque, deux frégates d'Angleterre de chacque 24 canons ne nous marchandèrent pas, étant d'union avec la France, nous prirent et nous conduirent aux Dunes et nous creusmes en estre beaucoup mieux et soulagées, et ce fut tout le contraire, ils nous redépouillèrent mieux que les Flessinguais et nous enfermèrent dans leur fond de câbles, ne pouvant ou coucher que sur des câbles mouillées et pleins de vaze pendant six jours pour nous oster la connoissance des effects qu'ils enlevoient, se doutant qu'il faudroit rendre notre prise par l'union entre les deux couronnes; mais ils ne se doutoient pas que j'avois dans les poches d'une vieille culote une copie du contenu de tout notre chargement. Ils avoient renvoyé les Holendois le lendemain que nous fusmes pris, et nous ils ne nous débarquèrent aux Dunes que la 7e journée et dans un pauvre état, et nous fismes trois lieux à pied pour gagner à Douvres, où nous arrivasmes sur les trois heures du soir.

      Nous fusmes sur le port pour nous informer à trouver un passage pour Calais et aussy chercher où pouvoir gister. Il survint un gros Seigneur se promener sur le quay, et sans m'informer qui c'étoit je futs le supplier de me faire charité et à mes camarades de nous donner de quoy souper, et de nous procurer le passage pour retourner en France, et sans me questionner, il dit à un de ses gens de nous conduire au palais et qu'on nous fits manger et boire, et qu'à la sortie de la comédie, il nous parleroit. M. Maret étoit notre chirurgien et François de Ville canonier et un nommé Fauché, de Pontlevesque, étoient de ma cabale, et contents de ma hardiesse. Lorqu'on nous régala au palais, nous y aprismes que c'étoit à M. le Duc d'Yorc43 que je m'étois adressé, et sur les 8 heures qu'il revint de la comédie, il dit: «Qu'on me fasse venir ces 4 françois». Et commença: «D'où estes-vous et d'où venez-vous? et pourquoy n'estes-vous pas retournés chez vous? c'est qu'aparament vous faites les gueux». – Je luy dits sans m'intimider: «Non, Monseigneur, je suis de bonne famille et proche parent du capitaine avec lequel j'ay esté pris; j'étois l'écrivain du bord et 2e pilotte; voilà notre Me chirurgien et le premier et segond cannonier, et il n'y avoit quatre heures que nous étions débarqués aux Dunes quant j'ay eu l'honneur de parler à votre Royalle Altesse. L'on nous a détenus sept jours, couchant dans la fosse aux câbles pour nous oster la connoissance du grand pillage qu'on a fait dans notre bord, et l'on a débarqué les Holandois deux jours après notre prise, СКАЧАТЬ



<p>42</p>

Ordre du roi aux officiers de l'amirauté de Honfleur pour leur dire de donner les congez nécessaires au capitaine du vaisseau le Chasseur qui est chargé d'armes et de victuailles destinées, par la compagnie des Indes occidentales, aux colonies françaises du Sénégal et de Cayenne (20 mars 1672.) – Arch. de la Marine, Colonies, année 1672, fol. 31.

<p>43</p>

Plus tard Jacques II, roi d'Angleterre, 1685-1688, 2e fils de Charles 1er et d'Henriette de France. Doublet reviendra bientôt sur le duc d'York et il racontera, plus loin, qu'il aida ce prince à débarquer à Ambleteuse, en 1689.