Название: Corneille expliqué aux enfants
Автор: Faguet Émile
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Vous les préviendrez, Sire: et par un juste arrêt
Vous saurez embrasser bien mieux son intérêt.
Ce qu'il a fait pour elle, il peut encor le faire;
Il peut la garantir encor d'un sort contraire.
Sire, ne donnez rien à mes débiles ans;
Rome aujourd'hui m'a vu père de quatre enfants;
Trois en ce même jour sont morts pour sa querelle:
Il m'en reste encore un, conservez-le pour elle:
N'ôtez pas à ses murs un si puissant appui;
Et souffrez, pour finir, que je m'adresse à lui.
Horace, ne crois pas que le peuple stupide
Soit le maître absolu d'un renom bien solide.
Sa voix tumultueuse assez souvent fait bruit
Mais un moment l'élève, un moment le détruit;
Et ce qu'il contribue à notre renommée
Toujours en moins de rien se dissipe en fumée.
C'est aux rois, c'est aux grands, c'est aux esprits bien faits,
A voir la vertu pleine en ses moindres effets;
C'est d'eux seuls qu'on reçoit la véritable gloire;
Eux seuls des vrais héros assurent la mémoire.
Vis toujours en Horace7, et toujours auprès d'eux
Ton nom demeurera grand, illustre, fameux;
Bien que l'occasion, ou moins haute, moins brillante,
D'un vulgaire ignorant trompe l'injuste attente.
Ne hais donc plus la vie, et du moins vis pour moi,
Et pour servir encor ton pays et ton roi.
Sire, j'en ai trop dit: mais l'affaire vous touche;
Et Rome tout entière a parlé par ma bouche.
Voilà le vrai patriotisme, celui qui donne sans compter, qui perd sans se plaindre, qui ne veut conserver que pour donner encore. Ce père méritait bien qu'on lui laissât son fils. On le lui rend en effet, et il rentre dans sa maison désolée, triste, mais la tête haute, et le cœur calme; car on est inébranlable aux coups du sort, quand on s'est attaché moins aux êtres les plus chéris, qui peuvent mourir, qu'à la patrie, qui ne meurt pas.
CHAPITRE VI.
CINNA
Cinna est l'histoire d'un beau mouvement de courage de l'empereur Auguste. Le courage ne consiste pas toujours à braver l'ennemi, à attaquer, parce que l'honneur le veut, un homme qui tient votre bonheur en sa main, à sacrifier ses enfants aux intérêts de son pays. Il consiste souvent à briser, à vaincre les mauvais sentiments qu'on a dans son cœur. C'est un courage intérieur, en quelque sorte, et obscur, qui n'a rien d'éclatant et de frappant, qui ne fait pas que les gens se retournent et vous applaudissent, mais qui n'en demande peut-être que plus d'effort et de fermeté.
Cet Auguste s'était emparé du pouvoir à Rome, grâce à beaucoup de perfidies et de violences. Il s'était montré affreusement cruel envers ses ennemis et envers ceux qu'il avait vaincus. C'était un homme habitué à la haine, à la rancune et à la vengeance. Des villes entières avaient été noyées dans le sang pour s'être opposées à ses desseins. Enfin il était devenu le maître, et il gouvernait sans obstacle.
Il était heureux, me direz-vous peut-être.
Non, il s'ennuyait. On n'est heureux que par le bonheur qu'on donne aux autres, et, ne s'étant occupé que du sien, il n'avait acquis que la puissance, et non la satisfaction, ce qui n'est pas du tout la même chose. Il était si dégoûté de sa fausse prospérité qu'il songeait à quitter ce haut rang qui lui avait tant coûté d'efforts, et qu'il le disait en ces termes à Cinna et à Maxime, qu'il croyait ses amis:
Cet empire absolu sur la terre et sur l'onde,
Ce pouvoir souverain que j'ai sur tout le monde,
Cette grandeur sans borne et cet illustre rang
Qui m'a jadis coûté tant de peine et de sang,
Enfin tout ce qu'adore en ma haute fortune
D'un courtisan flatteur la présence importune,
N'est que de ces beautés dont l'éclat éblouit,
Et qu'on cesse d'aimer sitôt qu'on en jouit.
L'ambition déplaît quand elle est assouvie,
D'une contraire ardeur son ardeur est suivie;
Et comme notre esprit, jusqu'au dernier soupir,
Toujours vers quelque objet pousse quelque désir,
Il se ramène en soi, n'ayant plus où se prendre8,
Et, monté sur le faîte, il aspire à descendre.
J'ai souhaité l'empire, et j'y suis parvenu;
Mais, en le souhaitant, je ne l'ai pas connu:
Dans sa possession j'ai trouvé pour tous charmes
D'effroyables soucis, d'éternelles alarmes,
Mille ennemis secrets, la mort à tous propos,
Point de plaisir sans trouble, et jamais de repos.
Sylla9 m'a précédé dans ce pouvoir suprême:
Le grand César10 mon père en a joui de même;
D'un œil si différent tous deux l'ont regardé,
Que l'un s'en est démis et l'autre l'a gardé:
Mais l'un, cruel, barbare, est mort aimé, tranquille,
Comme un bon citoyen dans le sein de sa ville;
L'autre, tout débonnaire, au milieu du sénat,
A vu trancher ses jours par un assassinat.
Ces exemples récents suffiraient pour m'instruire,
Si par l'exemple seul on se devait conduire:
L'un m'invite à le suivre, et l'autre me fait peur.
Mais l'exemple souvent est un miroir trompeur;
Et l'ordre du destin qui gêne nos pensées
N'est pas toujours écrit dans les choses passées:
Quelquefois l'un se brise où l'autre s'est sauvé,
Et par où l'un périt un autre est conservé.
Voilà, mes chers amis, ce qui me met en peine.
Vous, qui me tenez lieu d'Agrippe et de Mécène11,
Pour résoudre ce point avec eux débattu,
Prenez sur mon esprit le pouvoir qu'ils ont eu;
Ne considérez point cette grandeur suprême,
Odieuse aux Romains et pesante à moi-même;
Traitez-moi comme ami, non comme souverain;
Rome, Auguste, l'État, tout est en votre main:
Vous mettrez et l'Europe, et l'Asie, et l'Afrique,
Sous les lois d'un monarque, ou d'une république;
Votre avis est ma règle, et par ce seul moyen
Je veux être empereur ou simple citoyen.
Tout à coup Auguste apprend СКАЧАТЬ
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Tel qu'un Horace doit vivre.
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