Jacques le fataliste et son maître. Dénis Diderot
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Название: Jacques le fataliste et son maître

Автор: Dénis Diderot

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ as été bien longtemps.

      – Pas trop pour tout ce que j'ai fait. Écoutez bien. Je suis allé, je me suis battu, j'ai ameuté tous les paysans de la campagne, j'ai ameuté tous les habitants de la ville, j'ai été pris pour voleur de grand chemin, j'ai été conduit chez le juge, j'ai subi deux interrogatoires, j'ai presque fait pendre deux hommes; j'ai fait mettre à la porte un valet, j'ai fait chasser une servante, j'ai été convaincu d'avoir couché avec une créature que je n'ai jamais vue et que j'ai pourtant payée; et je suis revenu.

      – Et moi, en t'attendant…

      – En m'attendant il était écrit là-haut que vous vous endormiriez, et qu'on vous volerait votre cheval. Eh bien! monsieur, n'y pensons plus! c'est un cheval perdu, et peut-être est-il écrit là-haut qu'il se retrouvera.

      – Mon cheval! mon pauvre cheval!

      – Quand vous continueriez vos lamentations jusqu'à demain, il n'en sera ni plus ni moins.

      – Qu'allons-nous faire?

      – Je vais vous prendre en croupe, ou, si vous l'aimez mieux, nous quitterons nos bottes, nous les attacherons sur la selle de mon cheval, et nous poursuivrons notre route à pied.

      – Mon cheval! mon pauvre cheval!»

      Ils prirent le parti d'aller à pied, le maître s'écriant de temps en temps, mon cheval! mon pauvre cheval! et Jacques paraphrasant l'abrégé de ses aventures. Lorsqu'il en fut à l'accusation de la fille, son maître lui dit:

      Vrai, Jacques, tu n'avais pas couché avec cette fille?

JACQUES

      Non, monsieur.

LE MAÎTRE

      Et tu l'as payée?

JACQUES

      Assurément!

LE MAÎTRE

      Je fus une fois en ma vie plus malheureux que toi.

JACQUES

      Vous payâtes après avoir couché?

LE MAÎTRE

      Tu l'as dit.

JACQUES

      Est-ce que vous ne me raconterez pas cela?

LE MAÎTRE

      Avant que d'entrer dans l'histoire de mes amours, il faut être sorti de l'histoire des tiennes. Eh bien! Jacques, et tes amours, que je prendrai pour les premières et les seules de ta vie, nonobstant l'aventure de la servante du lieutenant général de Conches; car, quand tu aurais couché avec elle, tu n'en aurais pas été l'amoureux pour cela. Tous les jours on couche avec des femmes qu'on n'aime pas, et l'on ne couche pas avec des femmes qu'on aime. Mais…

JACQUES

      Eh bien! mais!.. qu'est-ce?

LE MAÎTRE

      Mon cheval!.. Jacques, mon ami, ne te fâche pas; mets-toi à la place de mon cheval, suppose que je t'aie perdu, et dis-moi si tu ne m'en estimerais pas davantage si tu m'entendais m'écrier: Mon Jacques! mon pauvre Jacques!

      Jacques sourit, et dit: J'en étais, je crois, au discours de mon hôte avec sa femme pendant la nuit qui suivit mon premier pansement. Je reposai un peu. Mon hôte et sa femme se levèrent plus tard que de coutume.

LE MAÎTRE

      Je le crois.

JACQUES

      À mon réveil, j'entr'ouvris doucement mes rideaux, et je vis mon hôte, sa femme et le chirurgien, en conférence secrète vers la porte21. Après ce que j'avais entendu pendant la nuit, il ne me fut pas difficile de deviner ce qui se traitait là. Je toussai. Le chirurgien dit au mari: «Il est éveillé; compère, descendez à la cave, nous boirons un coup, cela rend la main sûre; je lèverai ensuite mon appareil, puis nous aviserons au reste.»

      La bouteille arrivée et vidée, car, en terme de l'art, boire un coup c'est vider au moins une bouteille, le chirurgien s'approcha de mon lit, et me dit: «Comment la nuit a-t-elle été?

      – Pas mal.

      – Votre bras… Bon, bon, le pouls n'est pas mauvais, il n'y a presque plus de fièvre. Il faut voir à ce genou… Allons, commère, dit-il à l'hôtesse qui était debout au pied de mon lit derrière le rideau, aidez-nous…» L'hôtesse appela un de ses enfants… «Ce n'est pas un enfant qu'il nous faut ici, c'est vous, un faux mouvement nous apprêterait de la besogne pour un mois. Approchez.» L'hôtesse approcha, les yeux baissés… «Prenez cette jambe, la bonne, je me charge de l'autre. Doucement, doucement… À moi, encore un peu à moi… L'ami, un petit tour de corps à droite… à droite, vous dis-je, et nous y voilà…»

      Je tenais le matelas des deux mains, je grinçais les dents, la sueur me coulait le long du visage. «L'ami, cela n'est pas doux.

      – Je le sens.

      – Vous y voilà. Commère, lâchez la jambe, prenez l'oreiller; approchez la chaise, et mettez l'oreiller dessus… Trop près… Un peu plus loin… L'ami, donnez-moi la main, serrez-moi ferme. Commère, passez dans la ruelle, et tenez-le par-dessous le bras… À merveille… Compère, ne reste-t-il rien dans la bouteille?

      – Non.

      – Allez prendre la place de votre femme, et qu'elle en aille chercher une autre… Bon, bon, versez plein… Femme, laissez votre homme où il est, et venez à côté de moi…» L'hôtesse appela encore une fois un de ses enfants. «Eh! mort diable, je vous l'ai déjà dit, un enfant n'est pas ce qu'il nous faut. Mettez-vous à genoux, passez la main sous le mollet… Commère, vous tremblez comme si vous aviez fait un mauvais coup; allons donc, du courage… La gauche sous le bas de la cuisse, là, au-dessus du bandage… Fort bien!..» Voilà les coutures coupées, les bandes déroulées, l'appareil levé et ma blessure à découvert. Le chirurgien tâte en dessus, en dessous, par les côtés, et à chaque fois qu'il me touche, il dit: «L'ignorant! l'âne! le butor! et cela se mêle de chirurgie! Cette jambe, une jambe à couper? Elle durera autant que l'autre: c'est moi qui vous en réponds.

      – Je guérirai?

      – J'en ai bien guéri d'autres.

      – Je marcherai?

      – Vous marcherez.

      – Sans boiter?

      – C'est autre chose; diable, l'ami, comme vous y allez! N'est-ce pas assez que je vous aie sauvé votre jambe? Au demeurant, si vous boitez, ce sera peu de chose. Aimez-vous la danse?

      – Beaucoup.

      – Si vous en marchez un peu moins bien, vous n'en danserez que mieux… Commère, le vin chaud… Non, l'autre d'abord: encore un petit verre, et votre pansement n'en ira pas plus mal.»

      Il boit: on apporte le vin chaud, on m'étuve, on remet l'appareil, on m'étend dans mon lit, on m'exhorte à dormir si je puis, on ferme les rideaux, on finit la bouteille entamée, on en remonte une autre, et la conférence reprend entre le chirurgien, l'hôte et l'hôtesse.

L'HÔTE

      Compère, cela sera-t-il long?

LE CHIRURGIEN

      Très-long… À vous, compère.

L'HÔTE

      Mais combien? Un mois?

LE CHIRURGIEN

      Un СКАЧАТЬ



<p>21</p>

Variante: «Vers la fenêtre.»