Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi
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Название: Le sergent Simplet

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ ses fidèles, accourait au-devant d’eux.

      En dix minutes la petite troupe fut prête à partir. Longeant le lit du ruisseau voisin, elle se dirigea, guidée par Roumévo, vers le village de Sambecoïré. Une promenade de trois quarts d’heure la conduisit en face d’une cinquantaine d’habitations, aux toits pointus couverts en ravenala et supportés par des poutres formant véranda tout à l’entour.

      Établies au fond d’une vallée riante, où le ruisseau élargi formait un lac miniature, les maisons coquettement groupées s’abritaient sous des cocotiers au tronc flexible, des arbres à pain, des sagoutiers dont la moelle séchée fournit une excellente farine. Des rafias énormes, au tronc trapu, aux palmes découpées en mille folioles, suspendaient à dix mètres de hauteur leurs grappes de fruits lourdes de cent à cent cinquante kilogrammes. Et sans craindre la chute de ces régimes dangereux pour le promeneur, des indigènes couchés à l’ombre écoutaient un sekaste, qui chantait en s’accompagnant de la guitare à une corde.

      Vêtu ainsi qu’une femme, le visage fardé, le musicien prenait des attitudes bizarres, faisait des effets de hanches.

      – Un troubadour, murmura Claude.

      – Ce singe?

      À l’exclamation de Marcel le « Marsouin » répliqua:

      – Comme tu le dis. Ce singe va de village en village. Il improvise un chant de guerre, d’amour; il conte les luttes des dieux. Tu le sais, les Malgaches sont superstitieux en diable. On l’héberge, on lui fait des présents. Avec les troubadours, cela ne se passait pas autrement.

      Un certain mouvement se manifesta parmi les auditeurs du sekaste. Les blancs avaient été aperçus. Mais Roumévo partit en avant, parla longuement au chef et enfin fit signe à ses compagnons d’approcher.

      Cette fois personne ne les insulta. Plusieurs hommes débarrassèrent une cabane. On l’offrit aux voyageurs. Puis des jeunes filles leur apportèrent des noix de coco emplies de vin de palme, du filet de sanglier, des boules vertes de l’arbre à pain cuites sous la cendre. De bon appétit ils dînèrent. Comme le repas touchait à sa fin, Roumévo s’adressa à Marcel:

      – Viens, c’est l’heure du serment.

      Sur un signe de Bérard, Marcel tendit la main au Malgache, et tous deux, suivis par leurs amis, se dirigèrent vers la place centrale du village.

      Déjà tous les habitants y étaient rassemblés. Assis en cercle, ils avaient laissé libre un assez large espace, au milieu duquel était un vase de terre.

      À l’arrivée des héros de la cérémonie tous poussèrent un cri guttural.

      Puis il se fit un grand silence. Le chef du village se leva. Pour faire honneur à ses hôtes il avait noué sur ses épaules la fourrure du maki, dont Roumévo lui avait fait présent. Il prononça quelques paroles et aussitôt un ombiache – espèce de sorcier – drapé dans une pièce d’étoffe rouge, entra dans le cercle. À sa ceinture une sagaie, un couteau triangulaire et une petite pochette de cotonnade jaune se balançaient. Il portait une cruche à la main. Dans le vase posé à terre il vida l’eau contenue dans le récipient. Deux fois il en fit le tour en prononçant une incantation bizarre, et prenant la sagaie, il en trempa la pointe dans le liquide. Sur son invitation, Marcel et Roumévo saisirent la hampe de l’arme à pleines mains.

      La foule semblait pétrifiée. Pas un mouvement, pas un murmure.

      Le silence impressionnait le sous-officier. Il avait craint de rire d’abord, maintenant, à l’attitude de tous, il comprenait que Bérard lui avait dit vrai: le serment du sang est chose sacrée.

      Cependant l’ombiache, puisant dans son sac jaune, en tirait des pièces de monnaie d’argent, de la poudre, des pierres à fusil, des balles, de petits morceaux de bois. Après quoi, il se prosterna dans la direction de chacun des points cardinaux, ramassant chaque fois une pincée de terre, qu’il jeta avec tout le reste dans l’eau.

      À cet instant, les guerriers de la tribu entre-choquèrent leurs armes, et le sorcier, empoignant son couteau triangulaire, en frappa à petits coups la hampe de la sagaie que tenaient Roumévo et Marcel. Son visage se contracta; ses yeux eurent des lueurs, et, comme inspiré, d’une voix surhumaine, il appela les divinités de la nuit, les chargeant de punir celui des deux contractants qui enfreindrait les obligations du serment.

      Les assistants courbaient la tête. Sous les arbres, les échos endormis s’éveillaient pour renforcer les imprécations de l’ombiache. Il se tut enfin.

      Alors Roumévo prit le couteau, s’incisa légèrement la poitrine et fit tomber quelques gouttelettes de sang dans un cornet contenant de l’eau puisée au vase. Marcel procéda de même. Échangeant alors leurs cornets, ils burent leur contenu, s’infusant ainsi le sang l’un de l’autre.

      Une clameur joyeuse s’éleva. Le serment du sang était juré. Dalvan et le Hova devenaient frères. Quant à Bérard, il se frottait les mains, expliquant à Yvonne toute émue par la solennité de la représentation, que les liens ainsi formés sont plus respectés que ceux de la fraternité de naissance. Deux frères de sang doivent partager leur fortune, se soutenir dans le danger, mettre en commun tous les biens et les maux de la vie. En cas de guerre, alors même qu’ils appartiennent à deux tribus ennemies, ils sont tenus de se protéger, de s’entr’aider. Si l’un pensait que l’autre pût tomber dans une embuscade tendue par les siens, il le préviendrait, trahissant la tribu plutôt que la fraternité.

      Des danses terminèrent la cérémonie, et chacun s’en fut dormir.

      Au jour la caravane, augmentée de Roumévo et d’un superbe zébu vendu par le chef du village, prit congé de ses hôtes.

      Le buffle portait Yvonne, toute joyeuse maintenant. Sa joie devait croître encore. Partout on les recevait avec déférence. Il suffisait au Hova de montrer le cachet rouge, insigne des courriers de la reine, pour que tous les indigènes se missent en frais d’amabilité. Ils montraient une sorte de respect effrayé. C’est que tous connaissaient les Tsimandos. Ils savaient la terrible puissance de ces émissaires qui parcourent les provinces, correspondent directement avec le premier ministre hova et condamnent sans appel l’homme qu’ils désignent comme suspect.

      On passa la nuit dans un village dont la plus belle case fut donnée aux étrangers.

      – Dans vingt-quatre heures nous atteindrons la baie d’Antongil, dit Roumévo au moment du départ. Là nous trouverons de grandes pirogues pour aller à Tamatave.

      Un seul incident se produisit dans la journée. De peu d’importance en soi, il amena une conversation dont Marcel tira profit.

      Vers midi, la petite troupe avait fait halte à l’ombre d’un bouquet de bananiers. Engourdis par la chaleur, tous s’abandonnaient au sommeil, quand des chants appelèrent leur attention. Des Betsimisaraks s’avançaient processionnellement, braillant à tue-tête ce refrain:

      – Kalamaké! Kalamaké! Arouné!

      Roumévo imposa silence aux chanteurs qui s’éloignèrent.

      – Pourquoi les renvoyer? demanda Dalvan.

      Le courrier secoua la tête:

      – Parce qu’ils insultaient mon frère de sang.

      – Eux?

      – Sans doute. La complainte qu’ils récitaient se nomme: СКАЧАТЬ