Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi
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Название: Le sergent Simplet

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ les arbres s’espacèrent, se firent plus rares, et les voyageurs débouchèrent dans une prairie dont un étang occupait le centre.

      À la surface de l’eau, l’ouvirandrona balançait ses feuilles découpées à jour en fine dentelle, et dans les joncs géants de formidables froissements décelaient la présence de caïmans.

      Les sous-officiers ne s’arrêtèrent pas. Au fond d’un vallonnement ils avaient aperçu une ferme. Là, ils trouveraient des porteurs, ou bien on leur vendrait un zébu de selle; car ici comme dans l’Hindoustan, leur pays d’origine, ces superbes buffles sont des bêtes de somme appréciées. On les élève par centaines de mille, et ils représentent une des principales richesses de la grande île africaine.

      Des travailleurs étaient épars dans la plaine. Marcel avait hâté le pas. Soudain un cri d’épouvante déchira l’air:

      – Aïbar Imok!

      Et les indigènes s’enfuirent à toutes jambes vers les huttes de bois et de limon, dont l’ensemble représentait la ferme.

      – Qu’est-ce qui leur prend? fit Simplet.

      – Je ne sais, riposta Bérard. Aïbar Imok signifie: la peste. Pourquoi ce cri? Pourquoi cette épouvante? Mystère.

      – Approchons toujours; ils nous le diront.

      Mais à cinquante mètres des habitations il fallut s’arrêter. Les Malgaches, debout sur le seuil des cabanes, brandissaient des fusils d’un air menaçant. Un homme, qui paraissait être le chef, s’avança, et à distance respectueuse, adressa aux voyageurs un discours dont ils ne comprirent pas un mot. Les gestes en revanche étaient clairs. Ils signifiaient nettement:

      – Allez-vous-en, ou nous tirons sur vous.

      – Ils sont tous fous dans l’île, murmura Dalvan tout en obéissant à cette injonction peu parlementaire. Eh bien! je les trouve gentils, les protégés de la France! Après cela, c’est l’histoire universelle; les protecteurs sont partout détestés.

      Et sur cette réflexion empreinte de philosophie il prit le large, suivi de Claude qui mâchonnait furieusement sa moustache.

      Dans deux autres agglomérations des scènes identiques se renouvelèrent. C’était à se briser la tête contre un arbre. Vouloir acheter un zébu, et n’obtenir que des imprécations ou des menaces!

      Avec cela la journée s’avançait. Les jeunes gens éprouvaient une vague inquiétude en songeant à leur compagne restée seule, sans défense, dans cette région agitée par un démon hostile.

      Ils reprirent le chemin du campement. Comme ils atteignaient le bois de Pandanus traversé le matin, un bruit sourd les cloua sur place. On eût dit la chute d’un corps pesant. Presque aussitôt une exclamation gutturale parvint jusqu’à eux, étouffée par un formidable grincement de dents. Les voyageurs armèrent leurs revolvers.

      – Que se passe-t-il? fit Marcel.

      Des grondements, des cris humains bourdonnaient à leurs oreilles.

      – Allons voir.

      Tous deux s’élancèrent éventrant les buissons, et subitement ils s’arrêtèrent.

      Sur le sol un groupe hurlant se tordait. Au bout d’un instant ils distinguèrent un indigène enlacé par un lémurien géant. Quadrumane comme le singe, mais armé de griffes redoutables, l’animal cherchait à étouffer l’homme.

      Celui-ci s’efforçait d’éviter son étreinte, et les bras lacérés, le visage sanglant, luttait. Mais déjà la fatigue l’avait abattu sur le sol où son ennemi l’appuyait de tout son poids.

      Sans hésiter, Marcel s’avança et déchargea son arme dans l’oreille du lémurien. Foudroyée la bête eut une contraction qui la fit bondir à plusieurs pas, puis elle s’aplatit à terre sans mouvement. Rapide comme l’éclair, le Malgache s’était relevé:

      – Des blancs! dit-il en considérant ses sauveurs.

      Il fit mine de fuir, mais se ravisant il vint à Marcel, le flaira cérémonieusement – c’est ainsi que les Hovas se saluent – et dans un français émaillé de mots anglais et malais:

      – Tu as sauvé la vie de Roumévo, courrier de la reine; tu es blanc, donc ennemi. Cependant, tu n’as plus rien à craindre, car Roumévo est reconnaissant. Il veut faire avec toi le serment de sang.

      – Accepte, souffla Bérard à son ami. Ce moricaud va nous sauver.

      – Faisons le serment de sang.

      – À la halte, chez le chef, afin qu’il soit garant que nous devenons frères. Viens chercher la jeune fille blanche qui voyage avec toi, puis nous gagnerons le village tout proche de Sambecoïré.

      Le sous-officier avait tressailli.

      – Tu sais qu’une jeune fille…

      – T’accompagne? Oui. Roumévo sait beaucoup de choses. Sans plus, il courut au lémurien, sorte de maki haut de un mètre cinquante, au pelage noir et gris. À l’aide de son couteau il l’eut tôt écorché. Il choisit alors quelques morceaux de viande – les plus savoureux sans doute – les enroula dans la dépouille sanglante qu’il jeta sur son épaule et s’adressant aux Français:

      – Venez, il nous faut arriver avant la nuit.

      Tout en marchant, il expliquait à Dalvan comment il avait été surpris par le maki. Suivant l’habitude de ses congénères – Madagascar en compte dix-huit espèces dont la plus petite a la taille d’une souris – l’animal était perché sur une maîtresse branche lorsque Roumévo l’avait aperçu. Lui envoyer une flèche avait été l’affaire d’un instant. Mais sur une liane le projectile avait dévié, blessant la bête sans l’atteindre dans les œuvres vives.

      Furieux, le lémurien s’était laissé tomber. Surpris par son mouvement, le Hova s’était senti étreint par ses bras vigoureux avant d’avoir songé à l’éviter. Il était perdu sans l’intervention du blanc. Des confidences l’indigène passa à l’interrogation:

      – Où vas-tu?

      – À Antananarivo.

      – Bien. J’y retourne moi-même; tu verras qu’un frère peut aplanir la route de son frère.

      – Décide les habitants à nous vendre des provisions et…

      – Je les déciderai.

      – Tu sais pourquoi ils refusent?

      Roumévo eut un rire railleur.

      – Oui.

      – Et c’est?…

      – Je ne dois pas parler avant le serment de sang. Après je n’aurai plus de secrets pour toi, car ta langue se refuserait à répéter les confidences de ton frère malgache.

      – Vois-tu, expliqua Claude à son compagnon, le serment dont il te parle est sacré. Fourbe, menteur, voleur, le Hova devient loyal quand il l’a prêté. Il accorde à son « frère » la confiance la plus absolue, et lui-même mérite qu’on ait foi entière СКАЧАТЬ