Le crime de l'Opéra 1. Fortuné du Boisgobey
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Название: Le crime de l'Opéra 1

Автор: Fortuné du Boisgobey

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ que vous ne chercherez pas à m’humilier en me traitant comme une femme de chambre qu’on renvoie sans motifs.

      «Je vous dispense même de me répondre, et j’espère que nous ne nous reverrons jamais. Il y a un mort entre nous.

      «Adieu. Soyez heureux.»

      Cette lettre, signée d’une simple initiale, était d’une écriture fine et singulièrement nette; l’écriture d’une femme qui se possède et qui dédaigne de feindre l’émotion; mais elle troubla quelque peu Gaston.

      Il sentait bien que Julia jouait avec lui son va-tout et que, sous ces fiers adieux, se cachait une intention de renouer. Il devinait la suprême tentative d’une femme qui connaît le faible de son amant, et qui essaie de le reconquérir par le dédain, par le désintéressement, par une savante mise en scène de tous les sentiments élevés. Il ne s’y laissait pas prendre, et il était fermement résolu à en rester là; mais il ne pouvait s’empêcher de reconnaître que Julia lui rendait un service signalé en gardant le silence.

      – Me voilà maintenant son obligé, murmura-t-il, et du diable si je sais comment je m’y prendrai pour cesser de l’être. Je vais envoyer un royal pourboire à Mariette, c’est très bien; mais le chèque à Julia me serait retourné, c’est clair. Par quoi le remplacer? Ma foi! par de bons procédés. Je dirai partout que madame d’Orcival est la plus charmante femme de Paris, et la meilleure; qu’elle a de l’esprit jusqu’au bout de ses ongles roses, et du cœur à revendre. Je le crierai sur les toits. Et puis, elle a cent raisons pour se consoler. Elle est riche, et la mort de ce Polonais va la mettre à la mode. Pour poser une femme, un suicide vaut mieux que trois duels. Pauvre Golymine! Je ne l’estimais guère, mais je le plains… et je plains Julia aussi, après tout. Seulement, je n’y puis rien.

      Sur cette conclusion, Darcy sonna son valet de chambre, se leva et procéda à sa toilette.

      Il avait presque oublié la tentative d’étranglement et la perte de son portefeuille. L’impression que venait de lui causer la lettre de madame d’Orcival s’effaça aussi peu à peu, et au moment où il se mit à table pour déjeuner, il ne restait dans son esprit que le doux souvenir de Berthe Lestérel.

      Il avait la certitude de la rencontrer bientôt dans un salon qu’il fréquentait volontiers, mais il trouvait que c’était trop long d’attendre jusqu’au samedi suivant, alors qu’il pouvait la voir le jour même.

      Après son déjeuner qui le mena jusqu’à deux heures, il sortit à pied et il s’achemina vers les boulevards. Son oncle demeurait rue Rougemont, et il voulait aller chez son oncle. Mais il arriva qu’après avoir passé la Madeleine, il aperçut l’entrée de la rue Caumartin. La tentation était trop forte. Il remonta lentement cette bienheureuse rue, et à trois heures moins un quart, il s’arrêta devant le numéro 112.

      – Je ne lui demanderai pas de me présenter à sa sœur, pensait-il. J’aurais l’air de me défier encore d’elle, et d’ailleurs je ferais assez sotte figure chez cette sœur, qui doit être une bourgeoise ennuyeuse. Mais je puis bien aborder Berthe, et lui dire… lui dire quoi?… peu importe, pourvu qu’elle comprenne que je l’aime.

      Il n’était pas en faction depuis cinq minutes, quand mademoiselle Lestérel déboucha de la rue Saint-Lazare.

      Il ne l’avait jamais vue qu’en toilette de soirée, car la rencontre de la veille ne pouvait pas compter. À la lumière des becs de gaz, on ne juge ni de la beauté ni de la tournure d’une femme. Éclairée par le soleil d’une belle journée d’hiver, Berthe lui parut encore plus charmante que dans le monde. Elle était habillée avec un goût parfait, élégamment chaussée, sans recherche trop provocante; elle marchait à merveille, et, pour tout dire, elle avait ce je ne sais quoi qui fait qu’on se retourne pour regarder une inconnue et quelquefois pour la suivre.

      Gaston vint à la rencontre de la jeune fille, et la salua d’un air assez embarrassé, car il s’était aperçu que son doux visage se rembrunissait un peu.

      – Comment, monsieur, c’est vous! s’écria-t-elle, malgré votre promesse, malgré ma défense.

      – Je vous jure, mademoiselle, que le hasard seul est coupable. Je passais par ici et…

      – Fi! que c’est laid de mentir! interrompit Berthe avec une moue enfantine. Vous feriez bien mieux de convenir que vous me soupçonnez toujours et que vous êtes venu pour me confronter avec ma sœur, comme si vous étiez juge d’instruction.

      – Non, sur l’honneur! et la preuve, c’est que je m’en vais.

      – Alors, vous vous contentez de constater que je me rends bien au n°  112 de la rue Caumartin?

      – Comptez-vous pour rien le bonheur de vous avoir vue?

      Berthe réfléchit un instant et dit d’un ton décidé:

      – Eh bien, non, je ne veux pas que vous restiez avec vos mauvaises pensées. Je ne prévoyais pas que je vous trouverais ici, vous le savez bien, puisqu’il était convenu que vous ne viendriez pas. Vous ne pouvez donc pas me soupçonner d’avoir averti ma sœur. Venez chez elle, monsieur, venez, je l’exige. Vous allez monter quatre étages. Ce sera votre punition.

      – Ma récompense, dit gaiement Gaston.

      Mademoiselle Lestérel était déjà dans le vestibule de la maison, qui avait assez bonne apparence. Darcy ne se fit pas prier pour l’y suivre, et ils montèrent l’escalier côte à côte.

      – C’est extravagant, ce que je fais là, disait Berthe. Si madame Cambry le savait, je ne chanterais plus jamais chez elle.

      – Pourquoi donc? demanda Darcy, en cherchant à prendre un air naïf.

      – Mais parce que d’abord il n’est pas très convenable qu’une jeune fille grimpe les escaliers en compagnie d’un jeune homme… il est vrai que ladite jeune fille s’est déjà fait escorter à travers les rues par ledit jeune homme. Et puis, aussi, parce que madame Cambry est une veuve à marier que vous pourriez parfaitement épouser. On assure même que vous ne lui êtes pas indifférent.

      – Je n’ai jamais pensé à elle, et j’y pense moins que jamais, depuis que…

      – Chut! nous voici arrivés. Je vais vous présenter, et, en cinq minutes de conversation, vous serez édifié sur ma conduite, monsieur le magistrat. Mais vous me ferez le plaisir de ne pas prolonger votre visite, car ma sœur est souffrante.

      Berthe avait sonné. Une jeune femme très pâle se montra, une jeune femme qui ressemblait beaucoup à sa cadette. Elle avait dû être aussi jolie qu’elle, mais elle n’avait plus la fraîcheur de la jeunesse, ni cet air gai qui donnait tant de charme à la physionomie de mademoiselle Lestérel.

      – Comment! s’écria Berthe, tu viens ouvrir toi-même, dans l’état où tu es!

      – Je suis seule, répondit madame Crozon. J’ai envoyé Sophie à la gare pour voir si mon mari est dans le train du Havre qui arrive à trois heures, ajouta-t-elle en regardant alternativement sa sœur et Gaston Darcy.

      – Ton mari! dit Berthe. Je croyais que tu ne l’attendais que demain soir.

      – C’est vrai, répondit la jeune femme; mais son navire est entré au Havre ce matin… J’ai reçu une dépêche de notre amie… et peut-être M.  Crozon a-t-il pris le premier train pour Paris.

      – Oui… СКАЧАТЬ